LIGHTMAN5
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ÉPISODE 1

HISTOIRE SANS FIN...


I
Il était tôt à Washington. Une légère rosée matinale avait rafraichi les pelouses d’un quartier tranquille, excentré de l’ambiance mouvementée du centre ville. Le genre de quartier où peu d'histoires étaient racontées ou alors seulement des commérages de voisinage avide de rumeurs sans saveur. Des agitations éphémères qui pouvaient, durant un laps de temps, faire oublier la vie paisible où chaque habitant se contentait d'un sourire poli et d'un petit signe amical. Chacun veillant précautionneusement à rester derrière ses barrières immaculées. Une limite fondamentale afin d'éviter toute intrusion non désirée. Il ne fallait pas prendre le risque de montrer son intérêt à autrui. Sinon, cela signifiait qu'on l'invitait à entrer dans sa vie et à dévoiler des secrets qu'on préférait jalousement conserver. Les faux semblants rythmaient la vie de ces personnages condamnés à un lendemain identique à celui qui le précédait. Une mise en scène parfaite pour puiser une inspiration sans limite, à quiconque souhaitait créer un récit extraordinaire.
Un taxi s’arrêta aux abords d’une maison parfaitement entretenue, semblable à celle de ses voisines. Une jeune femme brune en sorti avec une imposante valise. La vingtaine, elle était habillée d’un tailleur sombre et chic. Elle paya et remercia le chauffeur pour sa course qui démarra son véhicule pour rejoindre son prochain client. Clés en main, la brune ouvrit une boîte aux lettres au nom de «Mme Bradley». Elle récupéra le courrier avant de pousser un petit portillon en bois nacré afin d’accéder à la cour de la maison. Sur le porche, elle déverrouilla la porte d’entrée puis entra dans le domicile en trainant derrière elle sa valise sur roulettes. Elle ôta sa veste et délaissa son bagage dans le vestibule.
— Max ? Où es-tu ? clama-t-elle joyeusement.
Sans réponse, elle traversa un couloir de la maison pour se rendre dans le salon en scandant encore une fois son nom. Elle se déplaça dans la pièce et vérifia les plantes disposées près de la fenêtre. Soulagée, elle constata qu'elles étaient toutes encore en vie et en bonne santé. Sur une commode, elle remarqua la lumière rouge d’un répondeur téléphonique clignoter. Trois nouveaux messages étaient en attente. Elle récupéra une pile d’enveloppes posée sur le côté et activa l’appareil pour écouter le premier message vocal s’enclencher :
— Olivia, c’est Conrad ! Excusez-moi de ne pas vous avoir reçu lorsque vous étiez de passage à New-York. J’ai eu beaucoup de rendez-vous. Si vous le désirez toujours, je peux vous caser un rendez-vous pour jeudi à 15H. Rappelez-moi pour confirmation.
Elle continua d’éplucher son courrier lorsqu’un deuxième message vocal s’activa :
— Bonjour ma chérie. Je suppose que tu n’es pas encore rentrée de New-York. Ton père organise un dîner de famille ce week-end. Il serait très heureux de te revoir, et John aussi...
Elle reposa son courrier à côté du téléphone pour se rendre dans la cuisine. Perplexe, elle découvrit un chien, de race berger allemande, affalé sur le sol. Étrangement, elle ne prit pas peur. Elle afficha au contraire un grand sourire.
— Max ! Tu dors ? demanda-t-elle amusée.
Elle s’approcha de la bête et s’accroupit à sa hauteur pour la caresser. Malgré la marque de tendresse, le chien n’avait toujours pas réagi. L’inquiétude gagna la jeune femme qui héla encore une fois le nom du chien en le secouant avec plus de ferveur. Rien n’y fit. L’animal n'avait pas tressailli. Elle plaça rapidement sa main près de sa truffe, mais aucun souffle n’en sorti. Sa pire pensée s’était réalisée. Trop perturbée, elle n’écouta pas le dernier message résonner jusqu’à elle :
— Salut Olivia, c’est Cole... Je voulais m’excuser. Je crois que t’as raison... Tout ça doit s’arrêter... Il faut qu’on parle, alors... dis-moi quand tu es libre. Je suis à mon appartement si tu veux qu’on se voit...
Sans attendre, elle se précipita sur son téléphone pour composer un numéro d’urgence, mais une main ferme sur son bras l’en empêcha. Elle se retourna vivement, afficha une expression de surprise et déclara interloquée :
— Qu’est-ce que tu fais là ? Tu...
Elle ne termina pas sa phrase qu’une ombre se rua sur elle. Elle essaya de se débattre, en vain. Le combat était perdu d’avance. Un gant en cuir se plaqua fermement contre sa bouche l’empêchant d’appeler au secours. Elle gémit sa terreur à la vue d’une seringue s’approchant dangereusement de son cou. D’une seule pression, un étrange liquide s’écoula dans son corps qui s’immobilisa en seulement quelques secondes. Elle ne put ni parler, ni bouger et bientôt elle n’arriva plus à respirer. Inerte, elle reposa inconsciente sur le sol avec pour dernière intonation, avant de passer à l'autre monde, la voix électronique du répondeur indiquant la fin de la bande sonore. Elle avait toujours imaginé sa mort, mais elle n'avait jamais réalisé qu'elle pourrait un jour la vivre. L’ombre aux mains de cuir se rendit prestement au vestibule afin d’ouvrir la valise et récupérer des documents. Tous ses gestes étaient précis et réfléchis. Le criminel regarda sa montre et déguerpit au plus vite de la demeure en prenant le soin de fermer la porte. Un fait divers venait de se produire dans une maison à première vue sans histoire. À la lecture de leur journal, le voisinage pourrait faire le plein de commérages avec leur voisine en première page pour ensuite retourner dans l'indifférence totale à leur vie aveuglement ordinaire...


II
Wallowski était une policière chevronnée. Son regard noir acéré et sa démarche déterminée faisait trembler plus d’un criminels qui avait affaire à elle. Rares étaient ses coéquipiers qui restaient plus d’une semaine à ses côtés. Elle était une sorte de Bonnie Parker des temps modernes avec pour différence la loi à faire respecter. On pouvait dire que son travail était sa vie et son arme sa plus fidèle amie. Elle ne tardait jamais pour clore une affaire qui s’achevait toujours par un verre de Jack Daniel’s. L’échec, elle le connaissait peu ou presque pas. Rien ne pouvait l’atteindre. Sauf le manque de café qui était son carburant pour affronter ses rudes journées.
Un livre à la main, la latino arpenta activement les couloirs du Lightman Group. Une agence privée, spécialisée dans le décryptage en langage corporel, avec laquelle la police de la ville avait déjà coopéré à maint reprises sur des affaires complexes. Chaque jour, mensonge et vérité se côtoyaient dans cette usine d’émotions unique au monde.
Cela faisait plusieurs mois qu’elle n’était pas revenue à l’agence. En effet, le patron des lieux refusait tout bonnement, à chacun de ses appels téléphonique, d’offrir son aide scientifique. Cette fois-ci, elle allait tout faire pour qu’il puisse changer d’avis. Quitte à venir en personne avec sa plaque, son flingue et un mot de son chef lui rappelant de suivre le contrat qu’il avait signé au risque d’arrêter tout virement sur son compte bancaire. L’argent menait le monde, elle en était convaincue et elle savait que lui aussi.

Sur son chemin, elle croisa des employés s’agités dans tous les sens avec des dossiers entre leurs bras. D’un air intriguée, elle les voyait, chargés comme des mules, faire des allés et venues entre les couloirs et les salles de la société. La policière ne s’attarda pas sur ces étranges activités et tourna à un angle de couloir pour rejoindre en toute hâte le bureau qui l'intéressait.
La porte était ouverte. Elle frappa pour avertir sa présence, mais n'obtint aucune approbation. Elle entra tout de même dans la pièce en s’avançant jusqu’à son centre pour jeter un regard circulaire. Une bombe semblait avoir explosé et retourné tout ce qu’il y avait à l’intérieur. Des dossiers, des livres et des bibelots jonchaient sur le sol, le canapé et les meubles, créant un véritable labyrinthe. Elle sillonna de nombreux obstacles avant de pouvoir atteindre le bureau en totale désordre. Personne ne s’y trouva. Elle pensa à rebrousser son chemin lorsque d’étranges bruits parvinrent à ses oreilles. Elle fronça ses sourcils puis, venant de nulle part, elle reçut sans s’y attendre un ballon de foot droit sur elle. Grâce à ses réflexes, Wallowski rattrapa, sans peine, le ballon d’une seule main. Elle tourna instinctivement son regard sur la pièce annexe et s’appuya contre l’encadrement de la porte coulissante, pour voir un homme en plein rangement. C’était la première fois qu’elle le voyait faire une chose pareille. Elle esquissa un mince sourire à cette image insensée et commenta avec une pointe d’ironie :
— Grand ménage de printemps ?
Alerté, l’homme s’arrêta un instant pour dévisager Wallowski puis continua son tri.
— Tu devrais partir, répliqua-t-il, en jetant nonchalamment un livre sur un tas de bouquins réunis. Ça me fera quelque chose en moins à faire.
Wallowski leva les yeux au ciel. S’il y avait une chose qui ne lui avait pas manquée, c’était bien son humour...
— Très drôle, Cal..., soupira-t-elle blasée.
— Je sais !
Cal Lightman était le patron de l’agence. Il était l’un des plus grands experts en détection de mensonge au monde. Il avait la faculté de capter une micro-expression en une fraction de seconde et de révéler des secrets qu'on souhaitait garder même les plus dissimulés. Rien ne pouvait lui échapper. Une aptitude qui n’était pas toujours facile à gérer dans sa vie privée. De nature impulsive, son associée, Gillian, le tempérait par moment pour le garder sur les railles. En effet, l’homme avait tendance à se fourrer dans les pires situations sans mesurer les conséquences de ses actions. Elle avait le don de toujours le rattraper au vol avant la chute fatale. Elle était son ange gardien qu’il essayait de préserver au mieux de ce monde parfois sans lendemain.
Cal souleva un carton rempli de dossiers. Il passa devant la policière pour lâcher lourdement sa charge sur son bureau. Un nuage poussiéreux s’éleva dans les airs. Wallowski se retourna vers Lightman et lui demanda de manière implicite :
— Alors ?
Cal afficha une expression perplexe sur le visage. Il ne sembla curieusement pas avoir deviné les pensées du Lieutenant peu avare en mots. En ouvrant son carton, il réclama :
— Alors quoi ?
— Pourquoi joues-tu les Mary Poppins ?
— Si j’avais sa magie, ça fait longtemps que je serais parti faire autre chose.
— Si tu avais sa magie, tout le monde t’aimerait. L’un comme l’autre, c’est impossible.
Lightman jeta un regard blasé à Wallowski et déballa des dossiers du carton. Il les éplucha un à un en poursuivant sa discussion.
— Qu’est ce que tu veux ?
La latino comprit qu’elle n’aurait pas le droit à plus de considération. Elle s’en formalisa. Elle connaissait l’animal. Plus elle lui demanderait une écoute attentive, plus elle aurait le droit à des jets de bibelots qui la propulserait vers la sortie.
— C’est pour une affaire, dit-elle, en reposant le ballon de foot. Une femme a été retrouvée morte chez elle. On a des suspects avec un mobile, mais tous ont des alibis en bétons. J’ai besoin d’aide.
— Moi aussi, mais comme tu vois je me débrouille tout seul.
— Avec tes connaissances, on gagnerait un temps considérable.
— Pour le moment, mes connaissances sont aux services de Foster.
— Foster ? répéta-t-elle sur un ton dubitatif.
Ce n’est pas qu’elle avait un quelconque ressentiment à l’égard de la psychologue... C’était juste qu’elle n’arrivait pas à croire que Cal puisse suivre pour une fois ses directives. Celui-ci omit le ton employé par la policière et enchaîna :
— Depuis que ce misérable génie de Zack Morstein a piraté et supprimé toutes nos données... on doit rassembler le maximum de nos dossiers le temps que d’autres petits génies restaurent l’ensemble de nos programmes...
— Tu pourrais faire une pause.
— Impossible, tonna une voix derrière elle.
La policière pivota sur elle-même pour découvrir sans surprise la nouvelle venue. Gillian Foster. Une psychologue talentueuse ainsi que la meilleure amie et associée de Cal, au Lightman Group. Féminine, elle dégageait une classe naturelle ainsi qu’une écoute sans pareille. Une capacité qui lui permettait de mettre en confiance n’importe quelle personne face à elle. Rien de tel pour soutirer des informations sans effort et sans douleur. Une méthode que Cal n’assimilait toujours pas, même avec un doctorat d’Oxford, joliment encadré sur son mur, confirmant ses compétences à venir en aide à autrui.

Foster s’avança jusqu’à son collègue pour lui tendre de nouveaux dossiers.
— On doit absolument terminer ce tri, ajouta-t-elle. De toute manière, nous avons d’autres affaires en cours.
— J’ai un papier qui dit le contraire, rétorqua Wallowski.

La Lieutenant présenta aux deux experts en mensonge le contrat qu'ils avaient autrefois signé avec le département de police. Sans regarder le document, Cal jasa avec un lourd sous-entendu :
— J’te conseil de ranger ce document. Ce genre de papier je m’en sers que pour des cas d’extrêmes urgences et j’te parle pas de boulot...
La policière comprit à quoi l’expert en mensonge faisait allusion et soupira son exaspération. Il n’était toujours pas le maitre du bon goût. Ne s’avouant pas vaincue, la policière continua de plaider sa cause :

— Vous n’avez qu’à déléguer à Torres !
— Elle est déjà sur une affaire, répondit Foster.
— Ou bien Loker !
— Loker n’est plus là, révéla Cal de manière détachée, les yeux rivés sur un document.

La policière fut grandement étonnée par cette nouvelle et bafouilla :
— Comment... Depuis quand ?
— Deux mois, dit-il sur le même ton.
— Pourquoi ?
— Il a fait son choix.
Sans plus d’explications, Cal récupéra une pile de documents en commandant à Gillian de le suivre hors du bureau. Sur leurs talons, Wallowski déclara :
— Je comprends que vous ayez peu de temps, mais vous pourriez au moins regarder une vidéo ?
Toujours poursuivis par la policière, Cal et Gillian entrèrent dans la salle de conférence. La grande table ordinairement dépouillée était envahie de documents, dossiers, livres en tout genre. Là où il pouvait y avoir un espace libre quelques ordinateurs avaient été disposés pour les dizaine d’employés chargés de numériser toutes les données, qui pouvaient être retrouvées et sauvegardées. Une lourde tache qui malheureusement ne s’accompagna d’aucune prime. L’agence frôlait chaque mois le dépôt de bilan. C’était tout juste s’ils pouvaient encore offrir des cafés à leurs clients. La crise n’épargnait personne. Cal déposa sa pile à proximité d’un employé qui exprima son irritation par un léger rictus. Le patron envoya un regard réprobateur à son employé et reporta son intérêt sur Wallowski.
-- Comme tu le dis, on n’a pas le temps.
— Elle n’est pas la seule à avoir été tuée. C’est un double-homicides.
Cal lança un regard interrogateur à la policière, comme s’il attendait une suite à sa réponse. Celle-ci compléta ses propos :
— Son compagnon, Max, a été retrouvé mort à ses côtés.
De son regard d’expert, Cal aperçut une micro-expression sur le visage de la policière qui ne le convainc pas. Il plissa ses yeux de suspicion et répliqua :
-- Son compagnon ? T’es sûre ? J’pencherai plus pour son poisson rouge, vu ton expression...
— Je dirai plutôt son chien, renchérit Gillian, la tête penchée sur le côté.
La policière pinça ses lèvres et Cal sut que son amie avait visé juste. D’un haussement de sourcils, il proclama:
— Un point pour toi Gillian !
Une employée s’approcha de Lightman pour lui donner un dossier et s’éclipsa aider un collègue qui avait réclamé son aide. Cal étudia le document et demanda :

— J’peux savoir depuis quand la police est devenue défenseur de la cause animal ?
— Depuis qu’on sait que l’un des principaux suspects est l’auteur du livre “Calcul du monde”, dévoila-t-elle, avec le livre en question à la main pour appuyer ses propos.
D’un intérêt soudain, Cal arrêta brusquement sa lecture pour se mettre à regarder la policière avec un air des plus captivé.
— Attends..., dit-il, d’un geste de la main. T’es en train de me dire que l’un des suspects de ce meurtre est Cole Fox ?— Oui.
— Le best-seller, Cole Fox ? insista Cal.
— Euh... ouais. Pourquoi t’es fan ?
— Pas moi, réfuta-t-il, en jetant un regard sans équivoque à Foster.

La psychologue renvoya une expression punitive à son collègue réprimant un sourire. Wallowski ne prêta pas attention au jeu des deux amis et leur présenta une clé USB.
— Alors, pour la vidéo ?
​À peine une seconde de réflexion, Lightman jeta son dossier sur la table, arracha la clé USB des mains de la policière et sortit en trombe de la salle.

— Suis moi, ordonna-t-il.
Satisfaite, Wallowski s'exécuta sans un mot. Foster leva les au ciel et emprunta à contre cœur le même chemin que son associé. Elle l’avait vu venir à trois kilomètres à la ronde alors qu'elle se demanda pourquoi les gens disaient de lui qu’il était si imprévisible.

Une fois dans la salle d’analyse, Lightman visualisa la vidéo de Wallowski qui était restée en retrait le temps-ci son expertise. Cette pièce était principalement dédiée à la dissection presque chirurgical de chaque émotion, voix et geste, grâce à un équipement spécifique et des logiciels informatique de pointe. Aux côtés de Cal, Foster regarda attentivement l’interrogatoire, entre Cole Fox et Wallowski, diffusé sur le grand écran.
— Quel lien entretenez-vous avec Mme Bradley ?
L’air atterré, Fox répondit, d’une voix mal assurée :
— C’était une amie... une amie proche... Je n’arrive toujours pas à croire à ce qui est arrivé...
La policière ne prit pas en compte les émotions du suspect et enchaîna :
-- Depuis quand n’avez vous pas revu Mme Bradley ?
— Il y a quelques jours. On s’était revu pour la sortie de mon prochain livre.
— Savez-vous si une personne pouvait lui vouloir du mal ?
-- Non... pas du tout... Olivia était une personne formidable. Je ne vois pas qui aurait pu faire une telle chose...
Lightman appuya sur le bouton d’un clavier d’ordinateur à proximité pour arrêter la vidéo. Mains sur les hanches, Wallowski leur demanda :
— Qu’avez-vous vu ?
Cal se retourna et répondit :
— Un gros menteur. À part son nom... Ton best-seller n’a pas dit une seule vérité dans tout son interrogatoire.
— Il y a des chances pour qu’il soit le meurtrier..., conclut Wallowski.
— Je dirai même qu’il est le meurtrier.
— On n’a pas de preuves pour l’inculper.
— Je peux essayer de le faire craquer. Enfin, si notre fan me le permets..., dit-il, en jetant un œil à Foster dans le but d'avoir son consentement.

Gillian secoua sa tête en signe de résignation et se défendit :
-- J’aime ses livres. C’est pas un crime.
— Maintenant si, répliqua-t-il, devant l’air blasée de son amie.
​


III
Au volant de sa voiture, Cal suivait le trajet indiqué par son GPS pour se rendre à l’adresse de la victime. Sur le siège passager, Gillian n’avait toujours pas prononcé le moindre mot depuis leur départ du Lightman Group. Cal jeta un rapide regard au visage fermé de la psychologue et songea que s’il voulait passer une bonne journée, il allait devoir la faire parler.
— Arrête d’imiter Em’. Tu vas finir par avoir les mêmes rides que Zoe.
— Je crois que toutes les femmes qui te côtoie auront déjà des rides avant de passer la trentaine.
Malgré la boutade, Cal avait discerné une once de rancoeur dirigée contre sa personne. Il détestait lorsqu’il subsistait la moindre animosité entre eux. Il avait toujours cette impression de perdre une partie de lui.
— Tu m’en veux ?
— Pourquoi... pourquoi faut-il toujours que tu la choisisses ?!
— C’est l’affaire que j’ai choisi, pas elle.
— Arrête de faire ça, Cal, soupira t-elle exaspérée. Ne fais pas en sorte que j’ai cautionné tes choix.
— Je te signale que tu étais d’accord.
— Je n’ai jamais dit que je l’étais.
— Justement.
Foster lâcha un soupir d’agacement. Le GPS indiqua au conducteur qu’il était enfin arrivé à destination. Cal gara son véhicule au bord d’un trottoir, juste derrière celle de Wallowski stationnée face au portillon de la maison. Par le par-brise, il aperçut la policière les attendre au porche. Lightman et Foster sortirent de la voiture. En se dirigeant vers la brune, Cal profita de cet instant pour affirmer à son amie :
— Tu sais très bien que c’est toujours toi que je choisirai en premier.
— Prouve-le, répliqua t-elle, avant de passer devant son collègue pour rejoindre la policière. Cal émit sa petite moue habituelle et suivit silencieusement ses pas. Il allait devoir jouer les équilibriste.
Les deux experts en mensonge et Wallowski s’étaient réunis dans le salon où avait eu lieu le meurtre de Mme Bradley. La police scientifique avait déjà relevé tous les indices, taches de sang ou toute chose suspecte. Un dossier de l’affaire à la main, Wallowski résuma :
— On l’a retrouvé ici, près du téléphone et son chien était dans la cuisine.
— Comment a-t-elle été tuée ?
— Empoisonnement. On a retrouvé une trace de piqûre dans son cou. Le labo’ fait des examens pour en savoir plus.
— Et le chien ? l’interrogea Foster à son tour.
— Même chose, on a empoisonné sa gamelle. C’était un Berger-Allemand. Une race plutôt territoriale. La personne qui l’a tué savait qu’il aurait défendu sa maison et sa maitresse s’il avait ressenti une quelconque agression.
— Méthodique, souffla Cal.
— On suppose que le meurtrier connaissait parfaitement les lieux. La porte d’entrée et celle de derrière était verrouillée. On a trouvé aucune trace d’effraction.
Foster prit mentalement note de ces éléments et demanda à examiner le dossier de l’affaire.
— Les voisins n’ont rien vu ? questionna t-elle.
— Rien vu, rien entendu. Ils ont même été surpris de ne pas entendre le chien aboyer à l’arrivée de l’intrus. Tous affirment qu’il aboyait systématiquement sur toutes les personnes de passage, comme le facteur.
— J’le comprends, approuva Cal, d’un haussement de ses sourcils. C’est lui qui ramène les factures.
Dans le dossier, Foster cibla une photocopie d’une note manuscrite qui avait été anciennement laissée sur le buffet. Elle lut dans sa tête : «Bon retour à toi. Tes plantes et ton chien sont toujours en vies, comme promis. John.»
— Qui est John ? demanda Foster pendant que Cal jeta un oeil, par dessus son épaule, pour prendre connaissance de l’indice.
— John Bradley, renseigna la policière. C’est le petit frère d’Olivia. Il s’occupait de sa maison durant son absence.
— Je l’engagerai pas pour faire du babysitting, railla Cal.
— Ta fille est à l’université. Tu as de la chance, répliqua Gillian.
— Mmh...
Cal se déplaça dans la pièce. Il pencha son regard sur les plantes étiquetées et soigneusement dirigées vers une source lumineuse.
— Les plantes sont en parfaites formes. Drôle de priorité...
— D’après son courrier, Olivia avait plusieurs frais en retard, stipula Wallowski. Elle a reçu trois messages vocaux. Un de sa mère, un autre de Tyler Conrad, l’agent de Fox. Il travaille aussi pour une grande maison d’édition.
— Pourquoi l’a t-il contacté ?
Wallowski tourna son regard sur Foster pour lui répondre :
— Olivia écrivait. D’après lui, ils devaient se voir pour un entretien. Elle devait lui présenter un projet, mais Conrad n’a pas eu le temps de la recevoir. C’était la raison de son déplacement à New-York. Ce qui est étrange, c’est que sa valise n’a pas été défaite à son arrivée et qu’on a retrouvé aucune trace du projet en question.
Intriguée, Gillian demanda :
— Comment a t-elle pu s’acheter cette maison résidentielle sans avoir vendu de livre ?
— La famille Bradley est riche. C’est son père qui lui a acheté cette maison et qui payait toutes les factures, mais d’après un courrier retrouvé, M. Bradley a arrêté tout frais de payement depuis quelques mois.
— Et le dernier message ? réclama Cal, en s’éloignant d’une plante qui failli le faire éternuer.
— Cole Fox. Il voulait lui parler de sa vie...
— Mouais... et il lui a volé la sienne.
Trouvant que son collègue inculpait Fox un peu trop vite à son goût, Gillian argua :
— On ne sait pas encore s’il peut être le coupable.
— C’est ta manière de dire que tu veux un autographe ? jasa son collègue.
Cal ria intérieurement en voyant Foster esquisser un rictus à cette remarque. C’était son jeu favoris. Il retourna sa concentration sur Wallowski et quémanda :
— Où est Fox ?
— Il est de passage à Washington pour une séance de dédicace.
— Veinarde, plaisanta t-il pour Gillian. Celle-ci roula des yeux puis exigea à la policière :
— Envoyez-nous une copie du dossier et celle des messages vocaux. On fera des analyses.
Wallowski acquiesça à cette demande.

Dans le coin d’une banlieue, où régnait l’insécurité à tous les coins de rues, Torres et Key étaient adossés contre le flanc d’une voiture.

Ria Torres était une jeune femme d’origine latine qui travaillait pour le Lightman Group depuis plus de trois ans. Elle avait été recrutée lors d’un test établi par le grand patron lui-même. Aussi nommé diagnostic de duperie, cet examen déterminait si une personne était capable de repérer des individus, mensonge, tromperie, sans aucune formation spécifique. Ria avait atteint un score parfait de 97 point sur 100 en repérant sept fois plus d’individu que ses collègues. Au départ employée dans un aéroport, comme agent de sécurité, Ria avait ciblé l’étrange comportement de Cal dans une file d’attente. En tant que voyageur, celui-ci avait sciemment joué un rôle de trouble fête dans le but de se faire repérer de la jeune femme et de lui révéler son don extraordinaire. Un don rare observé chez seulement 0,01 de la population. Ces personnes étaient appelés les «naturelles». Malheureusement, chez ces personnes, qui avaient le même don qu’elle, on avait trouvé deux constantes : elles avaient quitté l’école jeune et avaient subi un passé accompagné de violence. Enfant violentée, par un père alcoolique, elle avait appris à décrypter les expressions comme unique moyen de défense. Livrée à elle-même, elle avait su monter les échelons sans jamais baisser les bras. Parfois impétueuse, Cal l’a pris sous son aile pour lui inculquer toute la théorie de cette science non-verbale, mais aussi la manière dont elle devait apprendre à gérer ses émotions. Avec l’objectif de devenir un jour, la future meilleure experte en détection de mensonge du monde.

Marquis Tuner dit "Key" était un jeune homme noir du même âge que Torres. Il possédait un physique avantageux avec un passé sulfureux. Ria avait rencontré l’ancien délinquant lors d’une mission où elle avait eu la malchance de se faire dérober l’appareil photo de son patron. Elle était retournée sur le lieu du vol à l’arraché pour réclamer son dû au voleur. Ce dernier parut beaucoup moins brute qu’à leur première rencontre. C’est alors qu’elle comprit qu’il s’agissait simplement d’un homme perdu qui essayait tant bien que mal de retrouver le droit chemin.
Après une franche discussion, elle lui avait proposé une nouvelle vie en lui offrant une carte de visite du Lightman Group. Le lendemain, elle le retrouva sur le pas de la porte de l’entreprise avec l’appareil photo subtilisé. C’est à partir de ce moment qu’elle sut qu’il avait choisi de prendre un nouveau départ. Depuis, le jeune homme travaillait sur certaines missions pour prouver qu’il pouvait être un membre à part entière de l’équipe et qu’on pouvait avoir une totale confiance en lui.

Les deux collègues paraissaient attendre quelque chose qui ne venait pas. Pour passer le temps, Ria regarda les environs puis vérifia machinalement son portable. D’un regard en biais, Key déclara :
— À force de checker ton portable toutes les deux secondes, il va finir par exploser.
Torres tourna son regard sur Key et rangea prestement son portable. Le jeune homme capta l’air contrarié de Ria et s’empressa de s’excuser :
— J’voulais pas te vexer.
Ria ne répondit pas. Cela n’arrêta pas Key qui poursuivit son monologue :
— Tu sais... S’il ne te répond pas, c’est sûrement parce qu’il a beaucoup de taf.
Toujours sans réponse, Key dit :
— Si tu veux lui parler, pourquoi tu ne vas pas tout simplement le voir. Vous êtes toujours dans la même ville. ‘Faut juste acheter un ticket de bus.
Torres fusilla Key du regard qui s’offensa :
— Oulà Grenade ! C’était juste une proposition ! Me regarde pas comme si j’avais tué ton chien.
Torres s’apprêta à répliquer, mais quelque chose au loin attira son attention. Elle plissa ses yeux pour améliorer sa vision et discerna un homme angoissé accoster un individu à l’aspect préoccupé, voir pressé.
— C’est lui !
Elle dégaina un appareil photo, mais celui-ci disparut, comme par magie, entre ses mains. Elle dériva son regard sur le seul responsable qui se défendit :
— La dernière fois, tes photos étaient toutes flous. Laisse faire le pro’!
Ria serra les dents et croisa ses bras. Key se mit en positon. Il regarda à travers l’objectif de l’appareil photo et cibla l’homme échanger de l’argent contre un sachet poudreux. À ce moment là, Key ne se fit pas prier et enclencha le mode rafale. L’échange effectué, les deux hommes se séparèrent dans deux directions opposées. Satisfait de son travail, Key tourna l’appareil sur le visage blasé de Ria et prit un cliché de sa mauvaise humeur. Il contempla fièrement son oeuvre et présenta l’écran à sa collègue affichant son visage mécontent.
— C’est du dégoût ou de la colère pour toi ?
Désabusée, Ria contourna la voiture pour prendre place sur le siège conducteur. Key arbora un large sourire amusé avant d’imiter la jeune femme sur le siège passager.

De retour au Lightman Group, Cal étudia dans son bureau les éléments, envoyés par Wallowski, de l’affaire Bradley. Plongé dans son travail, il ne remarqua pas Gillian faire son entrée jusqu’à ce qu’elle l'informe :
— Cal, John Bradley est dans la salle d’interrogatoire.
Derrière son ordinateur, Lightman releva son regard sur sa collègue et répondit :
— Ok, j’arrive. J’ai écouté les enregistrements du répondeur de Bradley. Dis-moi ce que tu en penses.
Il activa la bande son du répondeur sur son ordinateur qui se diffusa simultanément sur l’image projetée contre le mur. Gillian était une experte des sons et particulier des différents tons de la voix humaine. Toutes avaient leurs propres empruntes sonore comme pour l’ADN humain. L’oreille tendue, Gillian écouta le message :
— Olivia, c’est Conrad ! Excusez-moi de ne pas vous avoir reçu lorsque vous étiez de passage à New-York. J’ai eu beaucoup de rendez-vous.
— Il nomme Olivia par son prénom, observa Gillian, pourtant je sens qu’il essaye de se détacher d’elle, comme s’il essayait d’instaurer une limite entre eux.
— Et il ment pour les rendez-vous ! Le prochain c’est celui de ton cher M. Best-Seller !
Gillian jeta un regard las à son ami et écouta le message suivant :
-- Salut Olivia... Je voulais m’excuser. Je crois que t’as raison... Tout ça doit s’arrêter... Il faut qu’on parle, alors... dis-moi quand tu es libre. Je suis à mon appartement si tu veux qu’on se voit...
— J’entends de la tristesse et du remord...
— Je crois que tu l’aimes un peu trop... Écoute ce passage, quémanda t-il, en choisissant une partie de la bande son pour le mettre en mode lecture.
— Je crois que t’as raison... Tout ça doit s’arrêter...
— Lorsqu’il dit que «tout ça doit s’arrêter», allégua Cal, avec des gestes de ses mains pour expliquer ses propos. Il y a de la colère et de la frustration dans sa voix ! À mon avis, c’était pas pour prendre un thé et des biscuits qu’il voulait la voir.
— Il peut y avoir de la colère dans un sentiment de remord. Cela ne veut pas forcément signifier qu’il lui en voulait pour lui faire du mal.
— Mouais... Toi, tu fais trop de thérapie de couple en ce moment.
Omettant le sarcasme de son collègue, Foster demanda à écouter le dernier message. D’une petite moue, Cal s’exécuta et un nouveau message vocal retentit :
— Bonjour ma chérie. Je suppose que tu n’es pas encore rentrée de New-York. Ton père organise un dîner de famille ce week-end. Il serait très heureux de te revoir, et John aussi...
— Il y a de la tristesse dans sa voix. C’est sa mère ?
— Yep ! confirma t-il, en se plaçant à ses côtés avec ses deux mains dans les poches.
— Olivia ne s’entendait pas avec sa famille ?
— Possible. Il faudra qu’on interroge le frère pour en savoir plus.
— Il y a quelque chose que je ne comprends pas... Si la mère d’Olivia sous-entend que son père et John n’avait pas revu Olivia depuis longtemps, pourquoi John gardait sa maison durant son absence ?
— Bonne question, dit Cal, d’un pincement de lèvre.
Une seconde plus tard, les deux experts en mensonge tournèrent leur regard sur la porte d'entrée pour voir Ria et Key apparaitre.
— C’est bon, on a la preuve que Keller faisait du trafic de drogue et qu’il connaissait Donovan, déclara Torres, en donnant une photo à Lightman.
Cal jeta sans ménagement le cliché dans un coin sous les yeux ahuris de ses employés. Il voulait vraiment que son bureau devienne une déchèterie ou quoi ?!
— Oubliez cette affaire, proscrit-il. On a plus intéressant et mieux payer !
— Quoi ?! Ça fait deux heures qu’on poireautait en plein soleil pour rien !
— J’suis votre patron je vous signale, alors vous faites ce que je vous dis. Sinon, vous connaissez le chemin.
— Deux employés en moins en deux mois, vous ne croyez pas que ça commence à faire beaucoup ?
Le ton de Torres était un brin impertinent. Patron et employée s’affrontèrent du regard.
— Moi, ça me va si on touche plus de fric, répliqua Key, d’un haussement d’épaules. C’est quoi l’histoire ?
Cal jeta un dernier regard méprisant à sa protégée avant de nouveau le diriger sur Gillian, qui résuma les faits de l’affaire pour les deux nouveaux venus.
— J’vois le genre, persiffla Key. J’suis sûr que c’est un membre de la famille. Y’a que les riches pour se tuer avec du poison...
— Mouais, fit Cal pas convaincu par cette hypothèse. Si ça ne vous dérange pas, on va quand même creuser d’autres pistes avant de donner vos conclusions à la police.
— C’est vous le boss !
— Exact ! scanda Cal, qui se dirigea prestement vers la sortie. Prenez-en de la graine Torres !

Un instant plus tard, Gillian retrouva John avec Wallowski dans la petite salle d’interrogatoire. Une table sépara John, vingt cinq ans, de la psychologue et de la policière qui prenait des notes sur un calepin. Derrière la vitre sans teint, Cal pouvait à loisir observer la scène, avec Ria et Key, dans la salle d’analyse afin de décrypter la moindre émotions du suspect interrogé.
— M. Bradley, est-ce que votre soeur s’entendait avec votre famille ? l’interrogea Foster.
— Il y a quelques mois, Olivia s’est disputée avec mon père.
— À quel sujet ?
— Ma soeur devait de l’argent à mon père. Il lui avait prêté une grosse somme d’argent pour payer ses études de médecine, mais elle a tout arrêté avant la fin de son diplôme pour se reconvertir comme écrivaine. Mon père a été fou furieux. En tant que médecin, il voulait qu’Olivia continue dans ses pas.
— Pourquoi votre mère sous-entendait que vous ne vous entendiez plus avec votre soeur ?
— Je... J’ai toujours voulu être botaniste..., avoua t-il, le regard rivé sur ses mains jointes. Les plantes sont ma passion... mais mon père ne l’a jamais compris... Il voulait que je fasse des hautes études. J’étais presque arrivé à le faire changer d’avis, mais lorsque Olivia a arrêté ses études, il m’a dit qu’il était hors de question que je devienne botaniste.
— Vous n’avez pas besoin de son approbation, releva Wallowski, à cause de l’âge élevé du jeune homme.
— Vous ne connaissez pas mon père. Il est capable de tout quand vous ne faites pas ce qu’il veut.
— Comme vous enlevez du testament ?
De son côté, Cal capta la contracture de la mâchoire de John. Nul doute que le jeune homme ferait tout pour rester dans le coeur de son père fortuné.
— Amoureux des plantes, mais plus d’arbre à billets, se moqua méprisant Key. Ces riches...
Cal jeta un regard en biais à Key, mais n’en pensa pas moins que lui. Il retourna son regard sur l’interrogatoire et écouta John déclarer :
— Écoutez... C’est vrai, au départ j’étais en colère contre Olivia, mais un jour on a discuté et j’ai compris que sa passion était la même que pour mes plantes. Alors... on s’est réconcilié et on s’est promis de s’entraider dans nos projets mutuels. Je l’ai même aidé sur un de ses écrits. Je n’ai jamais fait de mal à ma soeur.
Gillian observa avec attention toute preuve gestuelle qui pouvait contredire les paroles de John, mais elle ne discerna que la vérité. Suite à l’interrogatoire, John fut congédié. Cal, Gillian et Wallowski sortirent dans le couloir, avec Ria et Key, pour faire un point.
— Donc John est innocent ? demanda Wallowski.
— Je n’ai rien vu sur son visage qui pourrait dire qu’il avait l’intention de tuer sa soeur, argua Cal.
— Il avait de la rancune envers sa soeur, enchaina Gillian, mais c’était plus une jalousie fraternelle passagère.
— Il ne mentait pas lorsqu’il disait qu’il ne lui aurait pas fait de mal. J’ai surtout vu son dégout qu’il essayait de réprimer contre son père. À mon avis, le père a plus à se reprocher qu’on ne le pense. J’irai l’interroger. Avant ça, j’accompagne Gillian faire dédicacer son livre par M. Best-seller, on se rejoint ici dans deux heures !
La policière opina du chef et marcha en direction de la sortie. Gillian lança un regard blasé à son ami qui lui renvoya une expression interrogative. Il ne comprenait pas ce qu’il avait pu dire de mal.
— Quoi ? T’es fan de lui, non ? D’ailleurs... tu devrais aller chercher son bouquin dans ton étagère coincé entre Kant et Nietzsche. Il serait dommage de son tromper d’auteur...
Exaspérée, Gillian fit volte face à son ami amusé qui la regarda s’éloigner, avant de prendre le chemin de la sortie, pour récupérer sa voiture sur le parking. Dans sa course, il ne s’était pas rendu compte qu’il venait d’abandonner Torres et Key sans aucune directive. Un fait que la brune s’empressa de lui faire savoir, en s’exclamant éberluée :
— Et nous, on fait quoi ?!
Poussant les portes principales, Cal s'écria sans vergogne :
— Conrad arrive dans dix minutes ! Offrez lui un café si vous en trouvez !
Ria soupira son mécontentement lorsque Key remis une couche :
— Tu m’en feras un aussi, j’commence à m’endormir.
La jeune femme regarda le jeune homme s’éloigner et empêcha tout son être de ne pas lui crier dessus. Ce matin, elle n’aurait jamais dû sortir de son lit...
​
IV

Comme plus ou moins exigé par le patron, Ria et Key s’occupèrent de l’interrogatoire de Conrad. Conrad Tyler était l’agent de Cole Fox. Il était un homme à l’apparence agréable et sophistiqué. Un aspect commerciale se dégageait de sa personne. De New-York, il avait spécialement fait le déplacement au Lightman Group à la demande de Wallowski.
Pour le mettre à l’aise, Torres invita Conrad à prendre place dans la salle de conférence en lui offrant une tasse de café.
— Où étiez vous le jour de sa mort, exigea Key, en buvant une gorgée de son propre café.
Torres bouillonna intérieurement du comportement désinvolte de Key, mais elle s'efforça de concentrer toute son
attention sur les réponses de Conrad.
— J’étais à mon bureau, à New-York. Ma réceptionniste et mes collègues pourront vont le confirmer.
— Sur son répondeur, vous dites qu’elle devait vous voir à New-York ? poursuivit Ria.
— Oui, elle désirait me présenter un projet.
— Vous étiez au courant qu’elle écrivait ?
— Cole m’a dit qu’elle écrivait des petites nouvelles, rien d'extravagant. J’étais réticent pour la rencontrer. Je m’occupe essentiellement de livre à gros potentiel ou d’écrivain qui ont déjà fait leur preuve. On prend moins de risque...
— Pourquoi avez-vous accepté de la voir ?
— Elle était proche de Fox et je ne voulais pas me le mettre à dos. Il pouvait changer de maison d’édition à tout moment. J’ai fait bonne figure.
— Fox était au courant que vous deviez la rencontrer ?
— C’est lui qui m’a demandé de la recevoir. Il m’a assuré que je pouvais lui proposer d’autres maisons d’éditions de ma connaissance qui était plus dans sa ligne éditoriale. Mais un jour, avant que je ne la reçoive en entretien, Cole m’a dit de repousser le rendez-vous.
— Comment ça ?
— Il m’a dit qu’il s’était disputé avec elle. Je n’en connais pas la raison. Olivia est repartie sur Washington et Cole m’a demandé de prendre un nouveau rendez-vous avec elle. Sans doute pour se faire pardonner...
— Pensez-vous que Cole et Olivia entretenait une relation extra-conjugal ?
Conrad ne répondit pas à la question. Au lieu de cela, il resserra la tasse entre ses mains et creusa ses joues, comme pour s’empêcher de dévoiler quoique ce soit de compromettant.
— Chez moi, ça veut dire qu’il l’a mis dans son pieux, signifia Key.
​
Durant le trajet jusqu’à la librairie, Cal reçut un appel de Ria qui lui résuma l’interrogatoire avec Conrad. Il raccrocha et fit part des dernières nouvelles à Wallowski, retournée au poste de police pour chercher des antécédents sur Fox, par l’intermédiaire du haut parleur de son portable.
Une fois arrivés, Lightman et Foster marchèrent, côte à côte, en direction d’une librairie. Sur la devanture, une publicité était affichée avec la photo de Fox souriant, promouvant son nouveau livre.
— Tu vas rencontrer ton écrivain préféré, tu devrais me remercier.
— Une femme est morte, Cal, le sermonna Gillian.
— N’empêche que t’es surexcitée, se moqua t-il.
— Je ne suis pas... surexcitée ! C’est toi qui m’énerve.
— Tu mens..., dit-il, en poussant la porte de l’établissement. Mal en plus !
Foster roula des yeux, et entra à son tour dans la librairie. À l’intérieur, ils découvrirent une longue file d’attente débutant de la porte d’entrée jusqu’à une table où un homme brun signait des autographes. Cal reconnu Fox et maugréa :
— Voilà M. Best-Seller !
Cole Fox était un auteur à succès. Ses fans étaient aussi bien des hommes que des femmes. Le secret de sa réussite ? Un livre dans l’air du temps corrélant suspense, politique et meurtre. Tous les détails étaient saisissants de réalisme. Les personnages étaient à la fois captivant et novateur dans le paysage romanesque. Une bonne recette qui créa un ras de marré de vente chez les libraires et les sites en ligne. Suite au succès du premier tome, plusieurs milliers d’exemplaires du second volume furent écoulés en moins d’une semaine. Passionnée, par les récits policier et manigance politique, Gillian avait acheté son deuxième exemplaire dès sa sortie. Un achat impulsif que Cal s’était précipité de fustiger. Une aversion qui n’empêcha pas la psychologue de dévorer le livre en moins de trois jours.
— Serait-ce de la jalousie que j’entends dans ta voix ? s’amusa Gillian.
— Moi ? Jaloux ? Tu rigoles ! Dois-je te rappeler que mon dernier livre s’est vendu à des milliers d’exemplaires !
— Mmh... C’est pour ça qu’il se trouve sur la dernière étagère de ce présentoir, jasa t-elle en indiquant, d’un signe de tête le livre de son ami qui était effectivement placé à un endroit particulièrement négligé, où poussière et toile d’araignée avaient bâti leur foyer.
Cal jeta un pesant regard à Gillian. Il subtilisa son propre livre sur le présentoir et dépassa toutes les personnes dans la queue, vociférant à son passage forcé. Pour toute excuse, Cal proclama en désignant Gillian :
— Elle est enceinte de trois mois !
La psychologue secoua sa tête à ce pieux mensonge.
— Quoi ? Ils peuvent bien me croire avec ton décolleté, répliqua t-il, face au regard réprobateur de son amie.
Elle suivit les pas de son collègue jusqu’à la table de l’écrivain sur laquelle, Cal posa lourdement son livre sous le nez de celui-ci. Au choc, Fox sursauta presque. L’écrivain leva son regard et tomba sur le visage plus que souriant de l’expert en mensonge.
— Je suis vôtre plus grand fan !
— Oh et bien merci..., dit Fox, sans savoir comment réagir face à ce fan intrusif.
— Enfin, p’être votre deuxièmement plus grand fan ! reprit-il, avec des gestes évasifs de ses mains. Elle est totalement fan, voir dingue de votre livre !
Fox dévia son regard sur Gillian et fut immédiatement charmé par sa personne. Bien évidement, la psychologue le
remarqua, mais il ne trouva malheureusement pas grâce à ses yeux.
— Bonjour, M. Fox, sourit-elle. J’ai adoré votre premier tome. Le second fut tout aussi fantastique et captivant.
— Merci à vous. J’aurai été déçu de décevoir une si jolie femme, déclara Fox, avec un sourire charmeur. À qui ai-je l’honneur de signer cet exemplaire ?
— Gillian.
— Très beau prénom, complimenta t-il, vous me faites penser au personnage de Kristen. À la fois belle et intrigante...
— Elle a tout de même fini en prison !
— C’est vrai, ria t-il. Je ne lui ai pas donné une juste fin, surement à cause d’un surdosage de café lors d’une tardive soirée.
Dans son coin, Cal suivi l'échange, entre Fox et son amie, et remarqua un subtil haussement d’épaule unilatérale de la part de celui-ci.
— Si je vous avais connu plus tôt, je lui aurai sans doute donné un autre destin, plaisanta t-il avant de signer le livre, à Gillian, une femme entre rêve et réalité.
Cal roula ses yeux et poussa son livre vers Fox pour stopper toutes ces frivoles simagrées.
— Vous pouvez aussi signer le mien, si cela ne vous dérange pas trop ! exigea Cal, d’un regard insistant.
Fox observa la couverture du livre et indiqua avec perplexité :
— Ce n’est pas mon livre...
— Je sais ! C’est le mien, mais au moins il sera collector ! Entre best-seller on se comprend !
— Vous êtes un expert en détection de mensonge ?
— Yep ! Comme on dit, chacun son fond de commerce ! Vous c’est l’imaginaire et moi, la vérité... Au fait, un détail me gène dans votre histoire. Vous pourriez m’aider à éclaircir un point?
— Allez-y, concéda Fox.
— Trompiez-vous votre femme avec Olivia Bradley ?
Fox entrouvrit sa bouche et leva ses sourcils. Une totale surprise se lisait sur son visage. Pris de court, Fox n’arriva à formuler aucune réponse.
— Je suppose que ça veut dire oui..., Cal pivota sur lui-même et dit, pour le prochain fan qui voulait faire signer son exemplaire :
— Un mari qui trompe sa femme, c’est du réchauffé vous ne trouvez pas ?
Plus que gêné, Fox se leva et demanda au propriétaire de la libraire de faire une pause. Heureux de son petit effet, Cal s’isola avec Gillian et Fox dans un coin de la librairie.
— Qu’est-ce que vous me voulez ? réclama Fox, mécontent.
— Du calme, le tempéra Lightman. On enquête sur la mort de votre maîtresse. Vous devriez plutôt être content !
— J’ai déjà tout dit à la police !
— Ouais, mais jusque là ils n’ont rien trouvé, on ne peut pas dire que ce sont des lumières... d’où ma présence !
Fox comprit qu’il allait devoir coopéré. Le voyant sur son visage, Gillian commença à l’interroger :
— Comment avez-vous connu Olivia ?
— On s’est rencontré à New-York. J’organisais des cours d'écriture pour un petit groupe de personnes. Elle s’exerçait à écrire des nouvelles, j’ai trouvé qu’elle avait du potentielle. On a commencé à sympathiser et une chose en entrainant une autre...
— Vous l’avez mis dans votre lit, résuma Cal sans détour.
— C’était plus que ça Dr. Lightman. J’aimais Olivia, contra t-il avec ferveur.
— Si vous l’aimiez comme vous le dites, pourquoi avoir dit à votre agent de la convaincre de ne pas éditer dans votre maison d’édition ? Elle couchait avec vous, elle aurait au moins pu bénéficier de votre petit réseau..., argua l’expert en mensonge, non sans une lubrique arrière-pensée.
— Je craignais que cela ne lui corresponde pas. Olivia avait du talent, mais je pensais qu’elle ne devait pas commencer trop grand. Je m’y connais assez dans ce milieu. Alors, j’ai demandé à Tyler de la rediriger ailleurs.
— Où étiez vous le jour du meurtre ?
— J’étais chez moi. Enfin... dans mon appartement, celui de Washington. Je fais des allés retour entre New-York et ici.
— Votre garçonnière quoi...
— Je travaillais mes écrits ! répliqua t-il farouchement. Je préfère être là-bas, ça m’aide à me concentrer.
Cal afficha exagérément une expression d’excuse d’avoir pu vexer l’écrivain. Inquiète que son collègue ne fasse fuir Fox, Foster décida de reprendre l’interrogatoire en main :
— Votre agent nous a dit que vous vous êtes disputés avec Olivia lorsqu’elle était à New-York. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Fox parut surpris par cette question. Il massa son front de manière mécanique avant de répondre :
— Elle voulait révéler notre liaison à ma femme. Je l’ai supplié de ne rien dire... J’ai demandé à Conrad de repousser son rendez-vous avec elle afin de lui parler.
— M. Fox !
Cole se retourna. Le propriétaire de la librairie lui faisait signe de reprendre son poste. L’écrivain hocha la tête et s’excusa auprès des deux experts en mensonge :
— Si vous le permettez, j’aimerai continuer de répondre à mes fans.
— Je vous en prie. On sait où vous trouver ! dit Cal, faussement courtois.
Lucide quant à la fausse politesse de Lightman, Fox esquissa un rictus de mépris et regagna sa place auprès de ses lecteurs impatients. Il savait quel personnage il allait créer et tuer dans son prochaine livre...
— Il cache quelque chose..., dit Gillian.
— C’est certain, approuva Cal. Il ment pour la dispute. Cela n’avait rien avoir avec sa liaison... Il n’avait pas la moindre honte la première fois qu’il a parlé de sa relation extra-conjugal.
— Ce qui veut dire qu’il dissimule un élément en rapport avec la dispute.
— J’ai remarqué autre chose. Quand tu flirtais avec lui..., Cal omit encore une fois le regard noir de son associée et
poursuivit : — J’ai vu un haussement d’épaule et une expression de honte sur son visage. Alors soit tu l’as intimidé par ta grande beauté, soit quelque chose l’a vraiment gêné dans son livre...
Les deux experts en mensonge s’apprêtèrent à quitter la librairie lorsqu’un vendeur les arrêta avant qu’ils n’aient eu le temps de passer les portes.
— Monsieur ! Vous n’avez pas payé ce livre !
Cal regarda son livre, «Lies we tell», entre ses mains et se défendit :
— J'suis l'auteur !
— Je... Je suis désolé Monsieur, mais vous devez quand même le payer..., souligna le libraire d’un air désolé.
Lightman arbora un air ahuri. Il reposa expressément son livre, sur le présentoir de Fox, de sorte à dissimuler l’un de ses nombreux ouvrages. Il quitta la librairie avec son amie, en rageant :
— J’vais pas non plus payer 20 balles pour me relire !
Gillian ria légèrement puis suivit son ami jusqu’à sa voiture pour se rendre à la demeure familiale des Bradley.

Sur place, ils constatèrent la richesse de la famille entre la grande maison, les belles voitures et l’immense jardin à l’anglaise parfaitement entretenu.
— On comprend pourquoi le fils voulait rester sur le testament, persiffla Cal.
Gillian frappa contre la porte d’entrée. À peine vingt seconde plus tard, les deux amis furent accueillis par un majordome qui les invita à entrer dans la belle demeure. Dans le salon, le couple Bradley attendaient leurs convives sur un canapé. On les sollicita à prendre place sur des fauteuils. Gillian accepta, excepté Cal qui récupéra une tasse de thé généreusement proposé par le majordome en service. Sans prêter attention aux Bradley, il entama quelques pas dans la pièce pour observer chaque détail susceptible de le mettre sur une nouvelle piste. Soucieux, M. Bradley garda un oeil sur l’expert en mensonge qui pouvait en quelques secondes faire tomber un vase d’une valeur inestimable.
— M. Bradley, débuta Gillian, nous savons que vous étiez en froid avec votre fille à cause d’une somme d’argent que vous auriez prêté pour ses études universitaires.
— C’est exact, confirma le père. Olivia et moi, nous étions en froid depuis quelques mois. Je voulais qu’elle fasse médecine, mais elle a préféré choisir une autre voie.
— Une voie qui ne valait rien à vos yeux, répliqua spontanément Cal. Tous les regards convergèrent sur l’expert en mensonge qui ajouta : — Pourtant, je vois que vous teniez profondément à votre fille.
En effet, Cal avait vu plusieurs photos de famille, souvenirs et trophées mis en évidence. L’expert en mensonge songea que si le père en voulait sincèrement à sa fille, il aurait essayer de l’oublier dans son quotidien en supprimant tout objet en rapport avec elle.
— Même si elle avait fait un choix que je ne comprenais pas, elle restait ma fille, Dr. Lightman. J’aimais Olivia plus que tout au monde.
— Pourquoi l’avoir repoussé ?
— Pour tout vous dire... Je m’apprêtais à la revoir pour discuter avec elle... C’est pour ça que j’ai organisé un dîner. Je
voulais rassembler toute la famille pour leur dire que j’étais prêt à les soutenir dans leurs projets.
Cal avala une gorgée de son thé et exposa :
— Donc... tout d’un coup, après plusieurs mois de rancoeur, vous avez décidé d’oublier la dette de votre fille en une fraction de seconde ?
M. Bradley s’était tût. Ses sourcils s’étaient formés en «V» , signe d’une pensée triste. Cal devina qu’il s’apprêta à faire une révélation.
— Je viens d’apprendre que j’ai un cancer du poumon. Quand on vous annonce ce genre de chose, croyez moi qu’on remet tout en perspective. Une semaine avant sa mort, Olivia m’a envoyé un manuscrit qu’elle s’apprêtait à éditer... Je l’ai lu, et c’est là que j’ai compris qu’elle avait un réel talent...
Le majordome s’approcha de Gillian afin de lui donner le manuscrit en question. Elle le remercia et ouvrit la première page du document pour lire le titre : « Calcul du monde II : Vérité dévoilée ». Cal pencha son regard sur la page et échangea un regard entendu avec son associée. Fox n’avait pas tout dit. Une nouvelle visite allait devoir s’imposer et cette fois-ci sans aucune courtoisie.
— Connaissez-vous Cole Fox ? demanda Gillian.
— Ce nom ne me dit rien...
— Et vous Mme Bradley ? la sollicita Cal.
— Non plus. Devrions-nous le connaitre ?
— Plus tard serait le mieux...
— Je voulais aider ma fille à développer son projet..., déclara M. Bradley attristé. Je regrette de ne l’avoir pas fait dès le départ... Je vous en prie Dr. Lightman, retrouver la personne qui a tué ma petite fille...
Père de famille, Cal arbora un air compatissant à la peine de l’homme inconsolable et affirma qu’ils feraient tout leur possible pour trouver la vérité. Les parents ne devaient survivre aux enfants. Il n'y avait pas de règle à la perte d'un être cher qui ne devait pas encore disparaître. La seule justice était celle de se battre pour son souvenir et de continuer à vivre avec cette peine sempiternelle, jusqu'à la délivrance ultime de rejoindre ceux qui nous avaient prématurément quittés.

Du côté de Key et Ria, ceux-ci avaient été envoyés à la garçonnière de Fox pour chercher des indices. Devant la porte close, Ria s’apprêta à appeler Wallowski mais Key l’arrêta, d’un geste de la main, en s’accroupissant à la hauteur de la serrure afin de la déverrouiller par ses propres moyens. Sceptique, Torres observa le bricolage de son collègue en ironisant :
— Tu te ballades toujours avec un crochet ?
— J’peux dire la même chose avec ton maquillage...
Une seconde après, un clic retentit. Key enclencha la poignée de la porte qui s’ouvrit sans difficulté.
— C’est pas pour rien qu’on m’appelle Key.
Il indiqua la marche à suivre à sa collègue qui, émit un rictus de mépris avant d’entrer dans l’appartement de Fox. Les deux employés détaillèrent les lieux chacun de leur côté. L’appartement n’était pas très grand comparé à ce que pouvait s’offrir Fox avec ses droits d’auteur. Il y avait seulement le stricte nécessaire. Ria s’intéressa au bureau de Fox et le fouilla.
— C’est bizarre, Lightman nous a dit que Fox était venu ici pour travailler. Pourtant, je ne vois aucun document dans son bureau.
— Il vit pas ici... C’est pour cacher des choses qu’il a acheté cet appart’. Crois-moi, j’en ai cambriolé des baraques et je sais ce que j’dis.
Key regarda minutieusement chaque recoin de l’appartement jusqu’au moment où il se lassa de ne rien trouver. Il s’effondra dans le canapé pour croiser ses bras derrière sa tête.
— Je croyais que le café t’aiderait à te réveiller, jasa Ria.
Key ne répondit pas à l’attaque verbale lorsqu’un singulier détail attira son regard. Une curieuse marque s’était imprégnée sur la moquette. Intrigué, il s’avança pour la toucher du bout des doigts. Il s’agissait d’un petit renfoncement que seul un poids assez lourd pouvait avoir formé. Il éleva son regard et cibla un buffet. Un fin sourire se dessina sur son visage. Il déplaça rapidement le meuble de sorte à poser un des pieds à l’endroit exact où la marque avait été faite. Il échangea un regard avec Ria puis retira un dossier dissimuler derrière le buffet. Comme quoi, moins on cherchait plus on trouvait ce que l’on désirait. Cela pouvait-il aussi fonctionner pour une augmentation de salaire ?
​
V

Dans son bureau, Gillian analysa le style d’écriture d’Olivia du manuscrit donné par son père avec celui du premier tome de «Calcul du monde» écrit par Fox. Ce qu’elle trouva la laissa sans voix. Cal entra dans le bureau de son associée et capta l’air stupéfait de celle-ci.
— J’sais pas ce que tu regardes, mais ça me semble un peu cochon...
Gillian fit abstraction de la plaisanterie et commanda à son ami de venir à ses côtés. Elle lui présenta son écran avec une page numérique de chacun des ouvrages qu’elle examinait.
— J’ai étudié le style des deux oeuvres et il est identique. Le ton, l’ambiance, dialogue, le choix des phrases...
— Il est possible que Fox et elle l’ont écrit ensemble ?
— Possible, mais pourquoi le nom d’Olivia n’apparait pas sur la page de garde. Si c’était son choix de devenir écrivain, je ne vois pas pourquoi elle voulait rester dans l’ombre surtout si elle voulait prouver à son père qu’elle pouvait réussir dans ce domaine...
Wallowski apparut dans le bureau de la psychologue et proclama :
​— J’ai du nouveau, Fox a eu des problèmes d’argent. Il n’arrivait pas à vendre ses livres, aucun rapport avec «Calcul du monde». Il s’agissait d’histoires d’aventure qui n’avait pas trouvé son public. Des huissiers s’apprêtaient même à venir lui rendre visite. Étrangement, peu de temps après, il vendait son best-seller et il n’avait plus aucune dette.

— Le père d’Olivia n’aurait jamais épongé sa dette, même si c'était pour son propre fils. Ce qui signifie qu’il a utilisé son talent pour se faire de l’argent sur son dos..., argua Cal. Dans tous les cas, ce n’est pas une très bonne histoire pour lui.

De retour au Lightman Group, Ria et Key partagèrent leur dernière découverte avec leurs patrons. Le document retrouvé derrière le buffet de l’appartement de Fox était en fait un exemplaire du manuscrit «Calcul du monde II» accompagnés de ses brouillons. Tout d’abord, l'équipe ne comprit pas pourquoi Fox cachait ces documents aussi précieusement jusqu’au moment où Gillian compara l’écriture manuscrite du brouillon avec celle de Fox. En vérité, l’écrivain n’avait pas rédigé un seul de ces brouillons. C’était Olivia. Cal ordonna immédiatement à ses employés de chercher d’autres possibles indices pendant qu’il préparait le terrain pour Fox.
Plus tard, les experts en mensonge et Wallowski traversèrent les couloirs de la société, pour se rendre dans le cube lumineux dans lequel Fox les attendait pour un interrogatoire plus musclé. Dans leur course, ils passèrent devant la salle de conférence où Key et Ria étudièrent les brouillons d’Olivia. Torres aperçut ses patrons par la baie vitrée et
s’empressa de les arrêter avec une page entre ses mains.
— Key et moi, on a retrouvé des brouillons du premier tome de «Calcul du monde», toujours avec l’écriture d’Olivia. On pense que c’est elle qui l’a écrit. De plus, dans ses brouillons pour le deuxième tome, Douglas, un de ses personnages meurt par le poison d’une plante nommée «Sceau de salomon» ou Polygonatum. Elle peut être mortelle.
Ria donna la page en question à Cal qui l’étudia rapidement.
— Surement la même plante qui l’a empoissonnée, raisonna Wallowski en sortant son portable. Je vais demander au labo de faire des comparatifs.
— J’ai lu le livre, dit Gillian. Douglas meurt poignardé pas empoisonné. J’ai même trouvé cela étrange de la part de Fox d’avoir utilisé cette facilité. Ce passage a été supprimé du livre.
— Je crois que Fox à oublié de nous révéler des chapitres, souleva Cal.
​

Le cube lumineux était une cage en verre dont les parois pouvaient s’éclairer sur commande pour couper toute personne de la réalité. Un ingénieux système qui permettait de manipuler l’individu interrogé, mais aussi d’analyser son comportement sans qu’il ne soit biaisé par la présence des matériaux scientifique ou des regards scrutateurs des observateurs objectifs. Une mise en scène qui permettait à l’équipe de jouer sur deux tableaux et d'acquérir plus de renseignements pour pousser le suspect dans ses retranchements. Le reste était une question manipulation et de talent.
Dans le cube, Fox était assis derrière une table. Il semblait anxieux et mal assuré. Les mains moites, il ne pouvait pas s’empêcher de les triturer. Tout d’un coup, son regard se braqua sur la porte sécurisée qui s’ouvrit en coup de vent sur Cal et Wallowski. Le duo entra dans la pièce et se plaça devant l’écrivain sans s’assoir. Une position de domination que l’expert en mensonge envisagea d’utiliser à bon escient.
À l’extérieur du cube, Gillian et Key restèrent derrière les parois lumineuse afin de garder un regard éloigné face à la situation. À proximité, Ria était derrière un ordinateur pour capter la gestuelle du suspect grâce aux caméras placées dans le cube.
— Excusez-nous de vous avoir arracher à vos fans M. Fox, dit Cal.
— Je croyais vous avoir tout dit.
— Mmh... Malheureusement, des zones d’ombres ont fait leurs apparitions nous empêchant de conclure la fin du récit, mais j’espère qu’en tant écrivain vous pourrez combler les vides.
— Dites-moi comment puis-je vous aider.
— Trop aimable, sourit Cal, avant de jeter les brouillons d’Olivia sous le nez de Fox. Vous pourriez commencer par nous dire pourquoi vous utilisez le talent d’Olivia.
Le visage de Fox se décomposa.
— Ce n’est pas ce que vous croyez..., bafouilla t-il.
— Encore cliché comme réponse, vous n’avez rien de mieux ?
— Olivia et moi on a écrit ce livre ensemble !
— Pourquoi son nom n’apparait-il pas sur le livre ?
— Elle... Elle ne voulait pas mettre son nom à cause de son père. Si le livre ne marchait pas, elle s’était dit qu’elle reprendrait les cours de médecine.
— Elle pouvait choisir un pseudonyme, beaucoup d’écrivains le font. Et si vous étiez deux à écrire ce livre, pourquoi avoir caché ça dans votre petite garçonnière ? demanda l’expert en mensonge, en désignant les documents sur la table.
— Je...
— Vous savez quoi... Je crois que vous lui avez dit que la meilleure chose à faire était de vous faire confiance. Vous
connaissiez le monde de l’édition alors qu’elle n’était qu’une personne non-gratta dans le milieu. Vous avez dû la convaincre qu’il était préférable de mettre votre nom afin de convaincre les maisons d’éditions de vous lire et de vous publier en prenant tous les risques. Olivia a accepté, mais après le succès du livre, elle a demandé sa part du gâteau... Vous avez pris peur. Vous saviez que si elle venait à être dans la lumière, vous retourniez dans l’ombre avec vos livres qui ne se vendaient pas. Plus personne ne vous éditerait et vos problèmes d’argent reviendraient.
— À New-York, vous êtes allé voir Olivia pour la faire changer d’avis, poursuivit Wallowski. Elle a surement dû vous dire qu’elle avait écrit une suite de «Calcul du monde» et que tout se saurait. Vous avez dû lui promettre que vous l’aideriez à l’éditer et vous l’avez lu. C’est là que vous avez trouvé le passage de la plante. Son frère est botaniste, c’est lui qui lui a donné ce détail. Vous vous êtes dit qu’il s’agissait d’un bon moyen pour la tuer. Vous avez supprimé ce passage pour éviter tout soupçon.
— Ce que vous ne saviez pas, c’était qu’elle voulait se réconcilier avec son père et qu’elle lui a envoyé une copie du tome II.
— Vous avez réussi à la renvoyer chez elle en repoussant l’échéance grâce à Conrad. Vous êtes entré dans son domicile, vous saviez qu’elle avait un chien. Il n’a pas aboyé parce que vous sortiez avec elle. Vous l’avez empoisonné puis vous avez tué Olivia comme dans son livre.
— Même pour la tuer, il vous a fallu l’idée d’un autre, ragea Cal, entre ses dents.
Les poings sur la table, Wallowski accrocha son regard noir dans celui fuyard de Fox et vociféra :
— Qu’est-ce que cela vous a fait de la voir mourir dans vos bras ? Hein Fox ?! De la voir disparaitre comme un personnage de son roman !
Sur sa chaise, Fox trembla de tous ses membres, mais garda le silence.

Devant son écran d’ordinateur, Ria zooma la caméra sur les pupilles dilatés de Fox et indiqua pour ses collègues :
— Il est terrifié.
— Cal doit agir maintenant, stipula Gillian.
— J’crois qu’il a déjà actionné la guillotine, ajouta Key. Ça va saigner.

Cal jubila intérieurement de la nervosité de l’écrivain. Il devait désormais lui infliger le coup de grâce. Tout homme avait son talon d'Achille, pour Fox c’était l'orgueil. L’expert en mensonge déambula autour de Cole et déblatéra
avec véhémence :
— Vous ne vendiez aucun livre. Vous êtes un auteur raté qui n’a pas eu d’autre choix que d’utiliser les idées d’un autre!
Du dégoût apparut sur le visage du suspect.
— Un homme sans honneur !
La respiration de Fox s’intensifia. Il était un vrai volcan prêt à exploser à tout instant.
— Incapable de trouver des idées par sois même !
Il vacilla, cramponna ses mains contre la table jusqu’au moment où Cal s’arrêta devant lui pour s’écrier en le pointant d’un doigt inquisiteur :
— Vous n’avez aucun talent !
Ne pouvant se contenir plus longtemps, Fox se leva et hurla :
— C’EST FAUX ! Sans moi ! Elle n’aurait jamais eu tout ça ! Pendant des années, j’ai écumé toutes les maisons d’éditions, construit mon réseau, fait des années d’études ! Fait des cours stupides d’écriture ! Vous savez ce que c’est d’attendre pendant des années qu’une personne vous édite et vous dise que vous êtes fantastique ! Elle n’y connaissait rien ! Sa famille est riche et moi j’étais obligé de vivre dans un appartement miteux en accumulant les petits boulots sans intérêts ! Alors oui, je l’ai tué parce qu’elle ne le méritait pas !
— Tout ce que vous méritez c’est la taule, l’acheva Cal.
Fox resta tétanisé. Il venait de réalisé le crime qu’il avait commis et les conséquences qu’il allait devoir subir. Cal jeta un dernier regard méprisant à l’écrivain déchu avant de quitter la pièce pour abandonner le criminel à ses remords.
— Ça c’est une mise à mort ! proclama Key tout sourire, sans se préoccupé des regards perplexe de Torres et Foster sur sa personne.
Peu de temps après, Fox fut arrêté par la police. Cal s’apprêta à rejoindre Gillian dans son bureau, mais pila dans son parcours lorsqu’il tomba sur Key et Ria dans le couloir de l’entreprise. Il les interpella et s’approcha d’eux pour déclarer:
— Vous avez fait du bon boulot.
— Que nous vaux cet honneur ? demanda Ria soupçonneuse.
— Gillian veut que je félicite les employés, une histoire de rendement...
— Ça serait plus productif pour moi si un zéro était ajouté à mon chèque de fin de mois, répliqua Key.
— N’exagérez pas trop, Turner...
— J’aurai au moins essayé ! Bon, j’vous laisse ma journée est finie. J’ai un bus qui m’attend.
Key s’éloigna en direction de la sortie.
— J’veux un rapport demain matin sur mon bureau ! ordonna Cal pour le jeune homme. Ce dernier, sans se retourner,
clama :
— Vous aurez le meilleur récit que vous n'avez encore jamais lu de votre vie !
Cal leva ses yeux au ciel.
— Je vais taper mon rapport avant de rentrer, informa Ria qui commença à partir.
— Torres, l’arrêta Cal, d’une voix étrangement ferme.
La jeune femme capta l’expression sérieuse de son patron et l’écouta revendiquer sur un ton réprobateur :
— Vous êtes mon employée ce qui veut dire que vous êtes sous mes ordres. Parlez-moi encore une fois comme vous l’avez fait aujourd'hui et vous êtes virée. Qu’on ait ou non un don, on est tous remplaçables, c’est compris ?
La mâchoire serrée, Ria hocha positivement la tête. Satisfait, Cal reprit sa marche puis s’immobilisa lorsqu’il entendit Torres dire :
— Vous avez raison.
L’expert en mensonge se retourna.
— Tout le monde est remplaçable, continua t-elle, mais à force de le prétendre, des personnes vous tourneront le dos et partiront comme Eli. Et peut-être même un jour, Gillian. Mais, comme vous le dites, c’est vous le patron.
Après un battement, Ria se détourna et s’éloigna sous les yeux songeur de Cal. Méditant les paroles de son employée, il resta un instant sur place puis se rendit au bureau de son associée. Dans le bureau de Foster, Wallowski remercia les deux experts en mensonge pour l’aide qu’ils avaient apportés.
— Merci pour votre aide, dit Wallowski.
Nonchalamment assis dans un fauteuil, Cal répondit :
— De rien, c’est toujours un plaisir de mettre un peu de lumière chez les flics.
À cette remarque déplacée, Gillian et Wallowski levèrent simultanément leurs yeux au ciel sous l’air d’incompréhension de l’expert en mensonge.
— J’espère qu’on pourra prochainement collaborer sur d’autres affaires.
— Et plus si affinité..., ajouta t-il sournoisement.
— Dès que nous aurons mis de l’ordre dans nos affaires, on pourra rétablir notre contrat avec la police, indiqua Gillian.
La policière serra la main de la psychologue sous les yeux amusés de Cal et tourna les talons. Une fois seuls, Cal se moqua :
— Aussi glissante que du savon...
— De quoi tu parles ?
— La poignée de main. Elle était fuyante.
— N’importe quoi...
Cal étendit ses jambes de tout son long, croisa ses mains et demanda :
— Alors, pas trop déçue que ton auteur favoris soit mis sous les verrous ?
— J’aimais l’histoire pas l’auteur...
— Mouais..., fit-il, d’une petite moue de sa bouche. J’espère que tu n’as pas dit la même chose pour mon livre ! D’ailleurs tu l’as toujours l’exemplaire que je t’ai offert ?
— Je l’ai toujours, confirma t-elle avec un fin sourire.
Cal regarda silencieusement la psychologue comme s’il attendait qu’elle sorte le livre pour prouver ses dires, mais elle ne fit rien de cela. Il comprit qu’elle se jouait de lui et sauta sur ses deux pieds pour lui faire face.
— Comme du savon..., souffla t-il, d’un mutin sourire.
Elle ria légèrement en le regardant quitter son bureau. Elle tourna son regard sur son bureau et passa derrière pour ouvrir le premier tiroir. À l’intérieur, elle sortit un livre avec pour titre «Lies we tell». Un léger sourire sur les lèvres, elle ouvrit la première page et lu, en caressant de ses doigts fins, la dédicace typographiée :
« À G. F. Mon associée et fidèle amie qui a changé ma vie et sans qui rien n’aurait été possible. Merci pour tout. C. L »

FIN*
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