CONFIANCE AVEUGLE
I
De retour au Lightman Group, Cal se faisait sermonner par Gillian depuis plus d'un quart d'heure après un rendez-vous qui semblait s'être assez mal passé pour l'un des deux experts en mensonge. Les deux amis passèrent les portes principales et marchèrent activement à travers les couloirs de l'agence. Lightman marchait si vite que Foster avait l'impression qu'il essayait de la semer.
— Oui je sais Gillian… Pas besoin de me le répéter cent fois ! Je ne suis pas Sarah non plus !
— Cal…, soupira t-elle exaspérée, tu dis ça mais à chaque fois c'est pareil…
— Cette fois-ci, je te promets que je ferai plus attention, accorda t-il avec des gestes de ses mains.
Ahurie par cette réponse, Gillian s'indigna :
— Faire attention ?! Tu viens de lui casser le nez Cal !
— Il n'est pas mort à ce que je sache…
— Nooon ! Juste à l'hôpital mais à part ça tout va bien !
— Bah tu vois ! Pas de quoi s'inquiéter !
— T'es pas croyable, lâcha t-elle en levant ses yeux au ciel.
— Il l'avait mérité !
— Ce n'était pas une raison pour le défigurer !
— Attends ! Il m'avait traité d'abruti !
— Cal ! C'était le préfet de police !
— Et alors ?
Gillian arrêta un instant son ami sur place :
— Tu me demandes "et alors" ?!
— Bah ouais ? C'est pas parce que Monsieur crois avoir tous les droits qu'il peut s'autoriser à faire tout ce qu'il veut !
— Et donc, toi en bon gentleman, tu t'aies dit… Allons lui montrer comment le respect se gagne ?!
— Yep ! cautionna t-il, en reprenant sa marche pour se rendre dans la salle de restauration. Il désira se servir une bonne tasse de thé afin de survivre à cette longue journée, mais quelque chose de singulier l'interpella un peu plus loin. Sur ses talons, Gillian s'exaspéra :
— J'hallucine ! Cal, il faut vraiment que tu apprennes à te contrôler ! Parce que là on…
Tout d'un coup, l'expert en mensonge indiqua à son amie de se taire. Gillian émit une expression d'incompréhension en l'observant remplir un verre d'eau pour ensuite marcher silencieusement jusqu'au fond de la salle. C'est là qu'elle comprit… La tête penchée sur le côté, Cal s'était arrêté pile devant une table où Key s'était paisiblement endormi. La psychologue connaissait assez bien son ami pour deviner la suite des événements.
— Cal…, soupira t-elle.
Ce qui devait arriver arriva. Cal projeta sans vergogne tout le contenu du verre sur le visage du pauvre jeune homme épuisé en s'écriant :
— Oy ! DEBOUT DORMEUR !
L'employé se réveilla en sursaut.
— J'vous dérange pas ?! s'exclama Cal furibond.
— À vrai dire… si, bredouilla Key mécontent en effaçant les gouttes ruisselantes sur son visage.
— Je n'attendais pas de réponse !
— Bah… pourquoi vous demandez ?
— Pour quelle raison croyez-vous que j'vous paye ?
— En parlant de ça… Si j'avais l'droit à une meilleure paye…
— Pour ça, il faudrait déjà que vous arrêtiez de venir une heure en retard tous les jours !
— Ouais, mais pour "ça" il me faudrait plus d'argent pour que j'm'achète une voiture et là j'aurai pas à me lever si tôt pour ne pas louper mon bus !
— Vous connaissez le mot économie ?
— Non, j'ai une petite fille à nourrir !
— Mauvaise réponse. Il y a des employés qui ont aussi des enfants et pourtant ils sont à l'heure.
— Premièrement, j'vous signale qu'on arrive en même temps et deuxièmement, comme vous dites, ce sont vos employés ! Dites-moi quand moi j'aurai enfin le droit à ce statut ! Parce que vu les zéros sur mon chèque, j'ai plus l'impression d'être un immigré clandestin payé au black par le patron blanc !
— Premièrement, je vous trouve gonflé de demander une augmentation alors que vous êtes là que depuis quatre mois! Certains on attendu plus de 5 ans !
— J'suis pas stupide !
— Et deuxièmement, pour faire partie de l'équipe, vous devez le prouver !
— Comment ?!
D'un regard en biais, Cal remarqua Torres par la baie vitrée traverser le couloir de la société.
— Torres ! l'appella Lightman.
À son nom, Ria dévia son chemin pour s'arrêter à l'encadrement de la porte de la salle de restauration.
— Oui ?
— Vous êtes sur quoi ?
— Heu… comment ça ?
— Vous êtes sur quelle affaire ? reprit Cal, d'un air blasé.
— Une société de jeu veut savoir qui est le réel détenteur d'un billet de loterie de 5 000 000 dollars.
— Je veux que vous emmeniez Turner avec vous. Vous en profiterez pour lui faire passez le test sur le terrain !
Surprise, Torres répéta :
— Vous voulez que cela soit moi qui lui fasse passer le test ?
— Yep, il n'a jamais passé le test de capacité pour déceler les mensonges. Alors quoi de plus naturel de le faire passer par une… naturelle !
— Attendez… C'est elle qui va décider si je reste dans l'équipe ?! s'offusqua Key par cette grotesque idée.
— Exact, grincheux !
— Et si elle se goure ?
— Vous croyez que j'aurai autant de chance ? Allez au boulot !
Key fusilla Lightman du regard et répliqua en prenant un accent d'Afrique central exagéré :
— Bien monsieur, à vos ordres monsieur !
Cal contracta sa mâchoire en regardant avec mépris le jeune homme quitter la pièce avec Ria. Il se retourna vers Gillian et s'offensa :
— T'as vu ça ?! Cette impertinence, ce mépris de l'autorité !
Foster jeta un regard appuyé à Lightman. Ce dernier écarta ses bras et clama la bouche en coeur :
— Quoi ?
— Tu crois vraiment que c'est une bonne idée ?
— 'Faut bien qu'il passe le test.
— Ils ont presque le même âge. Turner peut prendre ça comme un affront.
— Il est le seul à pouvoir choisir de quelle manière cela doit se passer. Ça 'peut pas être pire que la fois où il a foutu le feu pour faire sortir des dealers de leur planque...
Foster appuya à nouveau son regard.
— Ou c'était peut-être moi, ajouta t-il d'une petite moue. De toute façon, il faudra bien qu'un jour ou l'autre il apprenne à prendre des initiatives. Il fait désormais parti du fantastique monde du travail ! s'exclama t-il théâtralement avec une fausse joie.
— Je te dis simplement de ne pas refaire les mêmes erreurs.
Cal comprit à quoi sa collègue faisait allusion, mais grand heureusement l'apparition de leur réceptionniste l'empêcha de poursuivre cette embarrassante conversation.
— Dr Foster, l'inspecteur Brewer vous attend en salle de conférence pour l'affaire Wright.
— Bien merci Anna, on arrive, signifia Gillian.
Anna acquiesça avant de disparaitre. D'un froncement de sourcils, Cal quémanda à sa collègue :
— Tu me briefes ?
Gillian commanda à son ami de la suivre à travers les couloirs de l'agence. En route pour la salle de conférence, la psychologue profita de leur déplacement pour expliquer rapidement les faits à son associé:
— J'en sais peu pour le moment… L'unité spéciale m'a contactée ce matin en m'expliquant que c'était une affaire assez délicate. Une victime aurait été agressée sexuellement.
— Viol ?
— Oui…, soupira tristement Gillian, le problème c'est que la victime ne souhaite pas parler.
— Pourquoi un psy ne s'en occupe pas ?
— Je t'avoue que pour l'instant je ne sais pas encore quel sera notre rôle dans cette affaire.
Au point de rendez-vous, Cal et Gillian aperçurent, devant la baie vitrée de la salle de conférence, un homme brun élancé en costume sombre.
— Inspecteur Brewer ? l'interpella Gillian.
L'interpellé se détacha de la vitre pour venir à la rencontre des deux experts en mensonge.
— Je suis le Dr. Foster, la personne que vous avez eu au téléphone. Et je vous présente mon associé, le Dr. Lightman.
Brewer serra la main de Gillian puis celle de Cal qui lui offrit un léger signe de tête en réponse.
— Enchanté, les salua à son tour Brewer.
— Au téléphone, vous nous avez dit qu'il s'agissait d'une affaire d'abus sexuel.
— Exact, confirma Brewer, si nous avons fait appel à vos services, c'est que nous avons besoin de savoir qui est le responsable. Or nous sommes confronté à un problème qui nous empêche de progresser dans notre enquête.
— C'est à dire ?
— Nous avons beaucoup de mal à entrer en contact avec la victime…
— Choc post-traumatique ? proposa Cal.
— Ce n'est pas l'unique raison. La victime est sourde-muette de naissance.
— Je vois, dit-il avant de capter un autre détail sur le visage de l'inspecteur. Autre chose qu'on devrait savoir ?
Brewer ne répondit pas, mais invita les deux experts en mensonge à le suivre jusqu'à la baie vitrée de la salle de conférence. Ces derniers jetèrent instinctivement un oeil par la vitre et arborèrent des expressions choquées à la vue de la victime assise autour de la salle de conférence.
— C'est…, commença à dire Gillian.
— Un gamin ! termina Cal pour son amie.
— Oui je sais Gillian… Pas besoin de me le répéter cent fois ! Je ne suis pas Sarah non plus !
— Cal…, soupira t-elle exaspérée, tu dis ça mais à chaque fois c'est pareil…
— Cette fois-ci, je te promets que je ferai plus attention, accorda t-il avec des gestes de ses mains.
Ahurie par cette réponse, Gillian s'indigna :
— Faire attention ?! Tu viens de lui casser le nez Cal !
— Il n'est pas mort à ce que je sache…
— Nooon ! Juste à l'hôpital mais à part ça tout va bien !
— Bah tu vois ! Pas de quoi s'inquiéter !
— T'es pas croyable, lâcha t-elle en levant ses yeux au ciel.
— Il l'avait mérité !
— Ce n'était pas une raison pour le défigurer !
— Attends ! Il m'avait traité d'abruti !
— Cal ! C'était le préfet de police !
— Et alors ?
Gillian arrêta un instant son ami sur place :
— Tu me demandes "et alors" ?!
— Bah ouais ? C'est pas parce que Monsieur crois avoir tous les droits qu'il peut s'autoriser à faire tout ce qu'il veut !
— Et donc, toi en bon gentleman, tu t'aies dit… Allons lui montrer comment le respect se gagne ?!
— Yep ! cautionna t-il, en reprenant sa marche pour se rendre dans la salle de restauration. Il désira se servir une bonne tasse de thé afin de survivre à cette longue journée, mais quelque chose de singulier l'interpella un peu plus loin. Sur ses talons, Gillian s'exaspéra :
— J'hallucine ! Cal, il faut vraiment que tu apprennes à te contrôler ! Parce que là on…
Tout d'un coup, l'expert en mensonge indiqua à son amie de se taire. Gillian émit une expression d'incompréhension en l'observant remplir un verre d'eau pour ensuite marcher silencieusement jusqu'au fond de la salle. C'est là qu'elle comprit… La tête penchée sur le côté, Cal s'était arrêté pile devant une table où Key s'était paisiblement endormi. La psychologue connaissait assez bien son ami pour deviner la suite des événements.
— Cal…, soupira t-elle.
Ce qui devait arriver arriva. Cal projeta sans vergogne tout le contenu du verre sur le visage du pauvre jeune homme épuisé en s'écriant :
— Oy ! DEBOUT DORMEUR !
L'employé se réveilla en sursaut.
— J'vous dérange pas ?! s'exclama Cal furibond.
— À vrai dire… si, bredouilla Key mécontent en effaçant les gouttes ruisselantes sur son visage.
— Je n'attendais pas de réponse !
— Bah… pourquoi vous demandez ?
— Pour quelle raison croyez-vous que j'vous paye ?
— En parlant de ça… Si j'avais l'droit à une meilleure paye…
— Pour ça, il faudrait déjà que vous arrêtiez de venir une heure en retard tous les jours !
— Ouais, mais pour "ça" il me faudrait plus d'argent pour que j'm'achète une voiture et là j'aurai pas à me lever si tôt pour ne pas louper mon bus !
— Vous connaissez le mot économie ?
— Non, j'ai une petite fille à nourrir !
— Mauvaise réponse. Il y a des employés qui ont aussi des enfants et pourtant ils sont à l'heure.
— Premièrement, j'vous signale qu'on arrive en même temps et deuxièmement, comme vous dites, ce sont vos employés ! Dites-moi quand moi j'aurai enfin le droit à ce statut ! Parce que vu les zéros sur mon chèque, j'ai plus l'impression d'être un immigré clandestin payé au black par le patron blanc !
— Premièrement, je vous trouve gonflé de demander une augmentation alors que vous êtes là que depuis quatre mois! Certains on attendu plus de 5 ans !
— J'suis pas stupide !
— Et deuxièmement, pour faire partie de l'équipe, vous devez le prouver !
— Comment ?!
D'un regard en biais, Cal remarqua Torres par la baie vitrée traverser le couloir de la société.
— Torres ! l'appella Lightman.
À son nom, Ria dévia son chemin pour s'arrêter à l'encadrement de la porte de la salle de restauration.
— Oui ?
— Vous êtes sur quoi ?
— Heu… comment ça ?
— Vous êtes sur quelle affaire ? reprit Cal, d'un air blasé.
— Une société de jeu veut savoir qui est le réel détenteur d'un billet de loterie de 5 000 000 dollars.
— Je veux que vous emmeniez Turner avec vous. Vous en profiterez pour lui faire passez le test sur le terrain !
Surprise, Torres répéta :
— Vous voulez que cela soit moi qui lui fasse passer le test ?
— Yep, il n'a jamais passé le test de capacité pour déceler les mensonges. Alors quoi de plus naturel de le faire passer par une… naturelle !
— Attendez… C'est elle qui va décider si je reste dans l'équipe ?! s'offusqua Key par cette grotesque idée.
— Exact, grincheux !
— Et si elle se goure ?
— Vous croyez que j'aurai autant de chance ? Allez au boulot !
Key fusilla Lightman du regard et répliqua en prenant un accent d'Afrique central exagéré :
— Bien monsieur, à vos ordres monsieur !
Cal contracta sa mâchoire en regardant avec mépris le jeune homme quitter la pièce avec Ria. Il se retourna vers Gillian et s'offensa :
— T'as vu ça ?! Cette impertinence, ce mépris de l'autorité !
Foster jeta un regard appuyé à Lightman. Ce dernier écarta ses bras et clama la bouche en coeur :
— Quoi ?
— Tu crois vraiment que c'est une bonne idée ?
— 'Faut bien qu'il passe le test.
— Ils ont presque le même âge. Turner peut prendre ça comme un affront.
— Il est le seul à pouvoir choisir de quelle manière cela doit se passer. Ça 'peut pas être pire que la fois où il a foutu le feu pour faire sortir des dealers de leur planque...
Foster appuya à nouveau son regard.
— Ou c'était peut-être moi, ajouta t-il d'une petite moue. De toute façon, il faudra bien qu'un jour ou l'autre il apprenne à prendre des initiatives. Il fait désormais parti du fantastique monde du travail ! s'exclama t-il théâtralement avec une fausse joie.
— Je te dis simplement de ne pas refaire les mêmes erreurs.
Cal comprit à quoi sa collègue faisait allusion, mais grand heureusement l'apparition de leur réceptionniste l'empêcha de poursuivre cette embarrassante conversation.
— Dr Foster, l'inspecteur Brewer vous attend en salle de conférence pour l'affaire Wright.
— Bien merci Anna, on arrive, signifia Gillian.
Anna acquiesça avant de disparaitre. D'un froncement de sourcils, Cal quémanda à sa collègue :
— Tu me briefes ?
Gillian commanda à son ami de la suivre à travers les couloirs de l'agence. En route pour la salle de conférence, la psychologue profita de leur déplacement pour expliquer rapidement les faits à son associé:
— J'en sais peu pour le moment… L'unité spéciale m'a contactée ce matin en m'expliquant que c'était une affaire assez délicate. Une victime aurait été agressée sexuellement.
— Viol ?
— Oui…, soupira tristement Gillian, le problème c'est que la victime ne souhaite pas parler.
— Pourquoi un psy ne s'en occupe pas ?
— Je t'avoue que pour l'instant je ne sais pas encore quel sera notre rôle dans cette affaire.
Au point de rendez-vous, Cal et Gillian aperçurent, devant la baie vitrée de la salle de conférence, un homme brun élancé en costume sombre.
— Inspecteur Brewer ? l'interpella Gillian.
L'interpellé se détacha de la vitre pour venir à la rencontre des deux experts en mensonge.
— Je suis le Dr. Foster, la personne que vous avez eu au téléphone. Et je vous présente mon associé, le Dr. Lightman.
Brewer serra la main de Gillian puis celle de Cal qui lui offrit un léger signe de tête en réponse.
— Enchanté, les salua à son tour Brewer.
— Au téléphone, vous nous avez dit qu'il s'agissait d'une affaire d'abus sexuel.
— Exact, confirma Brewer, si nous avons fait appel à vos services, c'est que nous avons besoin de savoir qui est le responsable. Or nous sommes confronté à un problème qui nous empêche de progresser dans notre enquête.
— C'est à dire ?
— Nous avons beaucoup de mal à entrer en contact avec la victime…
— Choc post-traumatique ? proposa Cal.
— Ce n'est pas l'unique raison. La victime est sourde-muette de naissance.
— Je vois, dit-il avant de capter un autre détail sur le visage de l'inspecteur. Autre chose qu'on devrait savoir ?
Brewer ne répondit pas, mais invita les deux experts en mensonge à le suivre jusqu'à la baie vitrée de la salle de conférence. Ces derniers jetèrent instinctivement un oeil par la vitre et arborèrent des expressions choquées à la vue de la victime assise autour de la salle de conférence.
— C'est…, commença à dire Gillian.
— Un gamin ! termina Cal pour son amie.
II
Encore sous le choc, Foster n'arriva pas à formuler la question qu'elle avait en tête depuis la terrible découverte du petit garçon victime de l'abject crime. Elle était devenue comme paralysée. Cal s'en aperçut et posa à sa place la question :
— S'il n'a rien dit, comment savez-vous qu'il a subi des sévices ?
— Un de ses professeurs de son école spécialisée aurait remarqué un comportement inhabituel chez lui, expliqua l'agent. Bien qu'il soit de nature réservée, il semblerait qu'il se serait renfermé encore plus sur lui-même depuis ces derniers jours. Nous avons fait des examens médicaux qui corroborent avec l'hypothèse du psychologue. Nous pensons que le violeur est un homme, mais nous n'avons retrouvé aucune trace d'ADN.
— Et sa famille ? demanda Gillian.
— Normalement, c'est sa grand-mère qui en a la garde, mais elle a dû être hospitalisée suite à une récente crise cardiaque… Pour le moment, ce sont les services sociaux qui s'en occupent. Sa mère est morte dans un accident de voiture lorsqu'il avait 4 ans et l'identité du père reste inconnue. Mme Wright aurait accouché sans déterminer le nom du géniteur.
— Il n'a pas d'autres membres de sa famille que sa grand-mère ?
— Pas à notre connaissance…
— Des suspects ? réclama Cal.
— On a fait une liste des personnes qu'il connaît grâce à sa maîtresse et à sa grand-mère avant son hospitalisation, mais elles ne correspondent pas au profil que notre psychologue nous a décris.
— En clair, on cherche une aiguille dans une botte de foin…, conclut l'expert en mensonge dépité.
Brewer hocha la tête pour toute réponse. Par la vitre, Gillian fixa tristement le petit garçon dessiner dans son coin.
Il symbolisait l'innocence même avec ses cheveux brun en batailles et ses yeux d'un bleu profonds. La psychologue maitrisa les différentes émotions qui déferlaient en elle et demanda :
— Comment s'appelle t-il ?
— Ethan, Ethan Wright, répondit Brewer en suivant le regard de Gillian.
— Quel âge a t-il ? l'interrogea Cal à son tour.
— Il a… 6 ans, révéla t-il non sans une pointe de colère.
— Bon sang…, soupira Foster. Comment peut-on oser faire ça à un gamin de 6 ans…
— Comment on peut osez tout court, répliqua Cal avant de retourner son attention sur l'inspecteur. Vous pensez que si on lui parle, il va nous écouter ?
— Vous pouvez toujours essayer, répondit Brewer avant d'indiquer à ses interlocuteurs de patienter un instant suite à la réception d'un appel téléphonique. En pleine conversation, l'inspecteur s'écarta pour plus d'intimité. Seul avec son amie, Lightman capta l'air inquiet et attristé qu'afficha sa collègue.
— Ça va aller ?
— Oui, c'est juste…
— Je sais, dit Cal, d'un pincement de lèvres.
Après son appel, Brewer retourna auprès des deux experts en mensonge.
— La grand-mère du petit s'est réveillée. Je vais devoir vous laisser. Si vous avez le moindre problème, n'hésitez pas à me contacter.
Cal acquiesça. L'inspecteur Brewer s'éclipsa dès lors dans le lointain de l'agence. L'expert en mensonge jeta un nouveau regard en biais à la psychologue qui avait dû mal à réprimer son dégoût et sa colère de cette nouvelle enquête. Un battement plus tard, il déclara en rivant son regard sur le petit garçon :
— Il va falloir rester maître de nous-même.
Gillian esquissa un léger sourire. Cal l'imita et demanda :
— Qu'est-ce qui te fais sourire ?
— Toi.
— Moi ?
— Je vois que ta promesse tu vas la tenir bien plus tôt que je le pensais.
— Mouais… Du moins jusqu'à ce qu'on sache qui est le coupable… fit-il d'une petite moue de sa bouche. C'est toi qui lui parle et moi je regarde.
— Essayons…
D'un même chef, les deux amis entrèrent dans la pièce où le petit garçon était installé. Étrangement, Gillian n'intercepta aucune réaction de sa part à leur égard. À proximité d'Ethan, elle aperçut une jeune femme qui s'approcha d'eux pour venir chaleureusement les saluer et se présenter :
— Dr. Foster ? Je suis Mme Robins des services sociaux. Je suis là pour assurer l'échange. Je pourrai aussi traduire en langue des signes tout ce que vous souhaitez dire à Ethan.
— Bien, souffla Gillian, en regardant quelque peu inquiète le petit garçon dessiner.
— Ça va aller ?
— Oui, confirma t-elle avec un fin sourire.
— Je vais lui dire que vous voulez lui parler.
La dénommée Robins s'approcha du petit garçon pour s'accroupir à sa hauteur. Elle posa une main sur sa feuille pour signaler sa présence. Ethan releva sa tête et rencontra le regard souriant de la jeune femme qui l'accompagnait depuis plusieurs jours. Par des gestes de ses mains, Robins lui expliqua ce qui allait se passer sous les yeux observateurs des deux experts en langage corporel. Durant l'échange, Cal décela une micro-expression de peur sur le visage d'Ethan ainsi que sa main se crispant fermement sur son crayon lorsqu'il figea son regard sur sa personne. Lightman comprit immédiatement le pourquoi de cette réaction.
— Je devrais m'éloigner…, chuchota t-il à sa collègue.
— Pourquoi ?
— J'ai vu de la peur sur son visage lorsqu'il m'a regardé… Et si son agresseur était un homme…
— Oui, tu as raison…
La traduction terminée, Robins se retourna vers Cal et Gillian pour leur signaler :
— C'est bon, vous pouvez lui parler.
Sous l'oeil vigilant du petit garçon, Cal s'éloigna pour prendre place sur un siège en bout de table. De là, il pouvait garder un oeil objectif et observer la scène dans son ensemble. Gillian s'approcha posément d'Ethan et s'installa en face de lui.
— Bonjour Ethan, je m'appelle Gillian, débuta t-elle avec un sourire rassurant.
Le petit garçon tourna son regard sur Robins qui interpréta les paroles de Foster en langage des signes. Ethan ne répondit pas. La psychologue remarqua que le garçonnet avait sciemment posé ses deux mains sur sa feuille de dessin. Intriguée, elle pencha son regard sur celui-ci pour essayer de mieux l'apercevoir, en vain.
— Tu aimes dessiner ? l'interrogea jovialement Foster.
Ethan hocha positivement la tête suite à la traduction de Robins.
— Je peux voir ton dessin ? quémanda t-elle, en pointant du doigt la feuille de papier.
Comprenant ce qu'elle désirait, l'enfant s'empressa de tirer la feuille de papier contre lui. Déstabilisée par son net refus, Gillian s'excusa :
— Heu… je ne voulais pas…
— Ne vous inquiétez pas, la rassura Robins. Il fait ça avec tout le monde. Ethan refuse qu'on regarde ses dessins ou qu'on le touche.
Cela allait être plus compliqué que prévu… Elle devait à tout prix instaurer une relation de confiance avec le petit garçon ou celui-ci risquerait de ne jamais révéler l'identité de son agresseur ou sa souffrance qui s'en était découlée.
— Vous pouvez lui dire que je suis désolée et que je ne recommencerai plus sans sa permission.
Robins effectua des gestes au petit garçon qui, au fur à mesure de la lecture des signes, se détendit un peu plus dans son siège. Il regarda Gillian et acquiesça. La psychologue lui sourit. Elle se retourna vers Cal et échangea un regard entendu avec celui-ci. Il allait falloir discuter de choses plus pénibles. D'une légère inspiration, elle ancra son regard réconfortant dans celui quelque peu apeuré d'Ethan et débuta sur un ton doux :
— Ethan… je vais devoir te poser quelques questions, mais si jamais tu ne veux pas y répondre tu n'y es pas obligé, d'accord ?
Suite à la traduction, le garçonnet acquiesça.
— Ethan… Est-ce qu'on t'a fait du mal ?
Le petit garçon regarda un instant Robins comme s'il attendait d'avoir la permission de parler. Cal prit mentalement note de cet élément. Lorsque l'assistante sociale lui indiqua qu'il pouvait communiquer librement, Ethan hocha alors une nouvelle fois la tête.
— Est-ce qu'une personne t'a obligé à faire des choses que tu ne voulais pas ?
À cette question, le garçonnet se raidit dans son siège, baissa son regard mais effectua un léger oui de la tête. Le coeur de Gillian se serra. Elle maitrisa toutes ses émotions pour ne pas montrer sa tristesse et posa la question fatidique :
— Connaissais-tu la personne qui t'a fait du mal ?
Le garçon reposa subitement son dessin sur la table, prit un crayon et continua celui-ci dans le silence le plus total. Un index sur sa tempe, Cal conclut :
— Il connaissait la personne.
— Comment pouvez-vous le savoir, il n'a rien dit ? questionna intriguée Robins.
— Il n'en a pas eu besoin, répliqua t-il, en se déplaçant vers la porte d'entrée. Il a répondu à toutes nos questions, excepté celle-ci. La peur se lisait sur son visage.
— Je pense qu'Ethan ne nous parlera plus pour le moment, ajouta Gillian. Il s'est créé une bulle. En continuant son dessin, c'est comme s'il nous envoyait un message. Il veut qu'on le laisse tranquille.
Soucieuse du sort d'Ethan, Robins demanda :
— Que fait-on alors ?
— Ethan a subi un immense traumatisme, expliqua Foster. Ce qui va être le plus compliqué, c'est de renouer un lien de confiance avec lui… J'ai beaucoup travaillé avec les enfants et dans sa façon d'agir, il semble avoir une certaine retenue.
— C'est normal, au vu de ce qu'il a vécu, répliqua l'assistante sociale avec évidence.
— Je pense surtout qu'il connaissait parfaitement la personne qui lui a fait ça et qu'il avait une totale confiance en lui.
— Un proche ?
— Possible…, dit Cal. Dans 90% des cas, les victimes connaissent leur agresseur et sur les mineurs 53%, le cercle familiale est responsable des viols. Il faudrait interroger sa grand-mère.
— Durant l'enquête, Ethan sera sous ma charge.
— J'aimerais lui parler dès demain afin d'essayer de nouer un lien avec lui, requit Gillian.
— Très bien, contactez-moi et je ferai en sorte d'organiser une rencontre.
L'assistante offrit sa carte de visite avec ses cordonnés et ajouta :
— On va vous laisser travailler.
D'un petit signe, Robins demanda au petit Ethan de la suivre. Ce dernier se leva prestement de sa chaise et récupéra son dessin ainsi que ses crayons de couleurs pour rejoindre l'assistante sociale à l'encadrement de la porte.
— Au revoir Ethan, déclara Gillian, d'un sourire chaleureux avec un signe de la main.
Cal émit une petite moue de sa bouche en observant la psychologue arborer une mine triste alors qu'elle fixait le petit garçon s'éloigner au loin dans le couloir de la société.
— Tu es sûre que tout va bien ?
— Oui… Ne t'inquiète pas Cal… J'ai déjà traité des problèmes similaires.
— Avec des enfants aussi jeunes ?
Foster soupira et laissa dériver son regard sur le sol. Elle venait de se perdre dans ses pensées. Lightman savait que son amie lui cachait quelque chose, mais il n'eut pas le temps d'approfondir ses questionnements que Sarah, une employé sourde-muette, les interrompis.
— Vous m'avez appelé Dr. Lightman ?
À l'encadrement, Sarah présenta comme preuve son portable avec un sms de Lightman affiché sur l'écran.
— Non, sinon vous n'auriez rien entendu, ironisa t-il.
— Vous êtes un pointu dans le langage !
Cal omit les paroles de son employée et proclama :
— On aurait besoin de vos talents en communication.
— Je croyais que vous étiez anglais ?
— Quoi ?! s'exclama t-il faussement interloqué par cet humour piquant. C'est moi, ou j'comprends pas lorsqu'elle parle ?
Gillian secoua sa tête et quitta la salle sous les yeux désarmés de l'expert en mensonge.
OoO
Au bord d'un trottoir, Ria arrêta le contact de son véhicule lorsqu'elle arriva à l'endroit indiqué par son GPS.
— Bon, le test commence dès maintenant je…
La jeune femme stoppa brusquement ses propos en découvrant Key profondément endormis sur son siège passager. Elle lâcha un soupir d'exaspération et appuya sans ménagement sur le klaxonne de son volant. Au son inattendu, le jeune homme se réveilla en sursaut en s'exclamant rageusement :
— Bordel ! Vous pouvez pas réveiller les gens normalement ?!
— Le test commence ! clarifia t-elle avec un regard noir.
— O—k !
Il passa une main lasse sur son visage et bougonna :
— Bon… c'est quoi l'affaire en résumé ?
— Tu n'as pas apporté ton dossier ?! s'offusqua t-elle.
— Bah… J'en ai pas eu le temp vu que le boss m'a mis un coup de pression !
— Tu sais qu'il t'en mettra tous les jours ?
Turner afficha une expression d'une totale indifférence. C'est à ce moment là que Ria se demanda à combien de patrons il avait réussi à survire. Une question qui n'aurait sans doute jamais sa réponse. Elle lâcha un nouveau soupir et donna son propre dossier à son collègue :
— Bon… Tiens prends le mien.
— J'ai pas mes lunettes, dis-moi tout ce que je dois savoir.
— Je ne t'ai jamais vu avec des lunettes ! répliqua t-elle suspicieuse.
— Superman non plus et pourtant Clark Kent en porte !
— Bon sang… Ok, la société de jeu "LuckyGame" veut savoir à quelle personne elle doit remettre le chèque de plus de 5 000 000 dollars.
— Ça en fait des zéros… Même en bossant tout une vie pour Lightman, je pourrai jamais me faire autant de fric.
— Le problème, c'est que ces trois personnes, allégua t-elle en désignant trois photos dans le dossier, affirment que le ticket leur appartient. On va devoir les interroger, mais avant ça on va parler avec la présidente de la société.
— J'pourrai toujours essayer de réclamer le chèque…
Ria leva ses yeux au ciel puis quitta son véhicule avec Key pour se rendre au siège de la société de jeu. À l'intérieur du bâtiment, on les invita à patienter dans une salle d'attente avant d'être reçu par la présidente. Torres avait opté pour une position distinguée au contraire de son collègue presque avachi avec les jambes vulgairement écartées dans son fauteuil en cuir. Key capta le mépris de la brune sur sa personne et réclama presque blasé :
— Quoi ?
Elle n'eut pas le temps de sermonner le jeune homme sur son comportement que la présidente faisait son entrée. Ria se leva immédiatement à sa venue alors que Key se redressa avec plus de difficulté. La patronne des lieux était sophistiquée et dégageait en elle un fort tempérament. Elle serra la main de Torres et proclama solennellement :
— Bonjour, je suis Mme Russel, la présidente de la société LuckyGame.
— Ria Torres et mon collègue, Marquis Turner.
Key afficha une expression de dégout à son vrai nom, mais serra avec conviction la main de Russel.
— Mon associé vous a mis au courant ?
— Oui.
— Notre règlement est très stricte sur le sujet. Le gagnant à deux mois pour réclamer son dû. Une semaine est déjà passée sans que nous sachions à qui donner le gain. Les trois possibles détenteurs du billets vous attendent dans notre salle de conférence. Vous avez des questions ?
Ria jeta un regard implicite à Key affichant un air perdu. Elle attendait une réaction de sa part, mais rien ne vain. À vrai dire, c'était la première fois qu'il devait gérer une situation où on exigeait de lui d'être capable d'entretenir une conversation cordiale pour soutirer des informations. D'ordinaire, il avait juste à sortir un couteau et à le placer au niveau de la carotide pour obtenir tout ce qu'il désir. On était loin des règles de son quartier…
Torres le comprit et reprit à contre coeur en main la conversation :
— Oui, nous aimerions savoir pourquoi vous n'avez pas retracé l'acheteur du billet si celui-ci a été enregistré dans un point de vente ?
— Le billet a été payé en espèce et le buraliste nous a signalé que sa caméra de surveillance était défaillante depuis plus d'une semaine. De plus, le billet n'a été réclamé par aucune autre personne.
— Pourrions-nous avoir son nom ?
— Mon assistant vous donnera tous les renseignements dont vous aurez besoin. Je vous accompagne en salle de conférence.
Russel présenta la marche à suivre. En arrière, Ria chuchota à Key :
— Si tu veux plus de zéro, tu devras poser plus de questions…
— J'étais trop intimité par ton grand professionnalisme ! jasa t-il.
Ria lui jeta un regard blasé. Quelques pas plus tard, ils entrèrent dans la salle de conférence où trois personnes attentaient impatiemment leur venue autour de la table. Une femme et deux hommes. Russel les présenta tour à tour:
— Voici les trois possibles gagnants, Mme West, M. Boyd et M. Hansen. Je vous présente Mlle Torres et M. Turner, experts en détection de mensonge pour l'agence du Lightman Group. Ils seront chargés de savoir qui est le réel vainqueur du billet.
— Et s'ils se trompent ? maugréa Boyd.
— Si c'était le cas, le président des États-Unis ne nous appellerait pas pour nos services, répliqua Ria avec témérité.
Boyd gesticula gêné dans sa chaise. Satisfaite, Torres clama :
— Bien, nous allons pouvoir commencer !
Après avoir installé une caméra pour filmer l'entrevue, Ria et Key s'installèrent en face de leur premier suspect. La cinquantaine, M. Boyd avait les mains usées causer par un travail extérieur. Il était habillé d'un simple t-shirt et d'un jean. Le regard acéré, il allégua :
— Je suis ouvrier sur un chantier à proximité du bureau de tabac ! J'ai acheté ce billet mardi dernier à 9h! C'est moi le propriétaire du billet !
Les deux jeunes experts passèrent ensuite à Mme West. Une lourde fatigue se lisait sur son visage marqué par un épuisant travail dans le milieu médical.
— Je suis infirmière à l'hôpital, juste en face du bureau de tabac ! Depuis plus de 5 ans, je vais acheter mon billet tous les mardis à 9h !
Puis, ils terminèrent par la plaidoirie de M. Hansen. Un homme au costume chic avec une montre à deux cents dollars.
— Je ne sais pas ce que ces deux menteurs vous font croire, mais je suis le seul propriétaire du billet ! J'ai acheté ce billet mardi dernier à 9h précise !
Ria remercia M. Hansen. Sans un mot, ce dernier se leva pour se rendre dans le couloir avec les deux autres candidats. Elle se tourna vers Key et demanda :
— Alors, qu'est-ce que tu en dis ?
— J'en dis… que je ferai pareille !
— Turner ! s'agaça t-elle.
— Arrête de m'appeler comme ça ! s'offensa t-il.
— Je t'appelle par ton nom parce qu'on n'est pas dans la rue ! Il faut que tu fournisses plus d'efforts ! Si tu continues avec cette attitude, je peux te certifier que Lightman t'oubliera plus vite que tu ne le penses! Tu ne sais pas le nombres de candidatures qu'il reçoit chaque semaine sur son bureau pour travailler dans l'agence sans même être payées ! Tu as une chance incroyable, alors saisi-la.
Key soupira. Il savait que Ria avait raison, mais c'était plus fort que lui. Il était difficile d'abandonner un mode de comportement sociétal dont vous avez usé presque toute votre vie pour survivre dans un milieu difficile. Il vivait désormais dans un tout autre monde et il allait devoir apprendre beaucoup de choses sur lui et les autres.
— Ils mentent tous, lâcha t-il subitement. Le billet n'appartient à aucun des trois.
— Comment le sais-tu ?
— J'en sais rien, j'le sais c'est tout, balança t-il d'un air contrarié.
— C'est ce que tu diras aux flics lorsqu'ils te demanderont comment tu as fait pour soutirer des informations à un suspect ?
— J'parle pas aux keufs !
— Pourtant, il le faudra bien. Beaucoup de nos contrats se font avec eux ! Et la plupart ont besoin que tu expliques le cheminement de ton raisonnement. Pour eux, tout doit être certifié avec des preuves concrètes et si tu ne leur expliques pas que ce que tu fais est basé sur des théories scientifique, crois-moi qu'ils te laisseront de côté !
Key réfléchit un instant et ajouta :
— Ok… Ils ont tous les trois dit exactement la même chose. Ils ne mentaient pas sur l'horaire, mais je pense qu'ils n'ont pas acheter de billet. S'ils étaient tous présents à la même heure, ils se seraient croisés non ?
Ria acquiesça et demanda :
— Par contre, comment savent-ils que le billet a été enregistré à 9H s'ils ne l'ont pas acheté ?
Key haussa les épaules.
— Il faut interroger le buraliste.
— Alors, combien de points en plus ?
Ria tourna sa tête de droite à gauche en signe de désabusement.
OoO
Cal, Gillian et Sarah arrivèrent à destination d'une école spécialisée pour enfants sourds-muets. Tout était fait pour que chaque enfant atteint de cet handicape puisse suivre une scolarité sans difficulté. Le groupe entra dans l'établissement et fut immédiatement accueilli par le directeur lui-même. Il se nommait M. Klein. Respecté et apprécié dans le milieu, Klein imposait à tous un certain charisme. Déambulant dans les couloirs, le directeur leur présenta les lieux :
— Tous les enfants scolarisés dans notre école sont suivis avec la plus grande attention.
À ces mots, Cal ne pu s'empêcher de répliquer avec dédain :
— Tellement bien que l'un deux à eu le droit à un examen plus poussé…
Klein contracta sa mâchoire et s'arrêta irrité face à Lightman.
— Dr. Lightman, si nous avions su plus tôt qu'Ethan avait subi des mauvais traitements, je vous garanti que nous aurions tout fait pour le protéger.
— Pourtant, vous n'arrêtez pas l'école alors qu'un pédophile se promène probablement entre ses murs !
— Avez-vous au moins averti les parents ? quémanda Gillian.
Le regard et la tête de Klein s'abaissa au sol. Conclusion, la culpabilité se lisait sur son visage.
— Vous aimez vivre dangereusement…, maugréa Cal.
— Écoutez, cette école vit principalement des dons des parents et des associations. L'État ne donne plus autant qu'auparavant, si on fermait les portes rien qu'une semaine, le programme se retrouverait condamné…
— Saleté crise économique, hein M. Klein ? jasa l'expert en mensonge.
Klein contracta sa mâchoire. Gillian continua l'interrogatoire :
— Quel était le professeur qui s'est rendu compte des violences sur Ethan ?
— Mme Phelps.
Le directeur regarda sa montre.
— Elle finit son cours dans 10 minutes, informa t-il. Si vous souhaitez l'interroger, elle se trouve dans sa salle de cours. Salle 313.
Sans tarder, les trois experts en mensonge entrèrent sans se faire remarquer dans la salle de classe indiqué par le directeur. Dos aux élèves, ils pouvaient observer le cours donné par Mme Phelps sans déranger le déroulement de celui-ci. Le professeure était une jeune femme de 30 ans sourde-muette de naissance. Elle donnait un cours de science naturelle en langue des signes à une quinzaine d'élèves sourds-muet très attentifs. Mains dans les poches, Cal tenta de deviner ce que Phelps pouvaient dire à ces enfants, sans réussite. Il connaissait peut-être le langage du corps, mais pas encore sa langue. Frustré, il demanda avec une grimace :
— Et en sous-titre ça donne quoi ?
— Elle dit que le prochain animal qu'on disséquera, ça sera vous, plaisanta Sarah.
— Vous montez dans l'échelle du rire vous !
— J'apprends beaucoup à vos côtés.
Gillian gloussa légèrement sous les yeux blasés de son ami. La maitresse sonna la fin du cours. Les élèves récupérèrent leurs affaires et quittèrent en masse la salle de classe. La pièce vide, les deux patrons et l'employée se présentèrent au professeur grâce à la traduction signée de Sarah.
— Vous connaissez Ethan depuis longtemps ? l'interrogea Gillian.
Mme. Phelps répondit en langage des signes pendant que Sarah traduisait à haute voix la discussion :
— Je connais Ethan depuis près de 2 ans. Lorsqu'il est arrivé, c'était un petit garçon très anxieux. Il avait peur des autres. Il refusait de prendre la parole en classe ou de discuter avec ses camardes. Il s'est isolé pendant 1 mois, puis un jour… nous avons fait un cours de dessin. La consigne était de dessiner ce qui nous rendait le plus heureux. Ethan a pris le crayon entre ses mains et il a commencé à dessiner un champ de fleurs… Sa grand-mère m'a expliquée que sa mère avait l'habitude de faire des promenades en forêt avec lui… Il adore tout ce qui est en rapport avec la nature. À partir de là, il s'est ouvert au monde et il a commencé à dialoguer avec nous.
— Comment avez-vous découvert qu'Ethan a été agressé sexuellement ? enchaina Cal.
Mme Phelps réfléchit un instant et répondit :
— Il y a trois semaines de ça, j'ai vu Ethan se refermer subitement sur lui-même. Il refusait de faire toutes les activités qu'on lui proposait. Je pensais qu'il était dans un mauvais jour, mais j'ai remarqué que c'était plus profond que ça quand j'ai vu ses derniers dessins.
— Pouvons-nous les voir ?
À la demande de Foster, Phelps hocha positivement la tête et s'éloigna un instant pour récupérer sur une étagère une boite contenant les dessins fait par Ethan. Elle les transmit à la psychologue qui les analysa soigneusement un par un. Ils étaient tous de couleurs obscures et chacun d'eux représentaient une forêt décharnée. Gillian s'arrêta sur une page en particulier où un petit bonhomme au visage triste et une masse noire à proximité étaient dessinés au centre d'arbres noirs menaçant et crochus. Cal jeta un oeil rapide aux dessins puis demanda :
— Vous n'avez aucune idée de la personne qui aurait été susceptible d'avoir fait du mal à Ethan ?
— Non… Je suis navrée…
Intriguée, Gillian désira éclaircir un autre point :
— Avez-vous remarqué si un autre enfant présentait le même comportement qu'Ethan ?
— D'après mes collègues et mon observation, il est le seul a avoir eu ce genre de comportement.
— Merci de votre aide Mme Phelps. Pouvons-nous garder les dessins ?
— Bien entendu, si vous avez encore besoin de moi n'hésitez pas à venir me voir.
Gillian acquiesça et sortit avec son équipe dans le couloir pour une mise au point.
— Mme Phelps dit la vérité, clarifia Lightman. Elle ne connait pas l'identité de l'agresseur d'Ethan.
En épluchant les dessins, Foster ajouta :
— Les dessins d'Ethan sont tous très sombres. Il n'y a aucune couleur, aucun espoir…
— Vous avez vu, cette ombre est sur chaque dessins, pointa Sarah avec son index.
— Je crois qu'elle représente son agresseur…, conclut tristement Gillian.
Cal pinça ses lèvres. Il sentit son portable vibrer dans sa poche de jean et découvrit que Brewer venait de lui envoyer un sms.
— Brewer veut qu'on interroge la grand-mère.
Les quatre investigateurs s'étaient regroupés dans la chambre où la grand-mère d'Ethan était hospitalisée. La veille dame affaiblie était allongée dans son lit et peinait à rester concentrer malgré l'urgence de la situation. D'un air concerné, Gillian posa la première question :
— Mme Wright, comment se comporte Ethan avec vous ?
— Et bien… Avant le décès de sa mère, Ethan a toujours été un petit garçon plein de vie et très malicieux. Il a eu une période difficile jusqu'au jour où il a retrouvé la joie de vivre dans ses dessins. Dès qu'il rentrait de l'école, il allait directement dans sa chambre pour prendre du papier et des crayons.
— Serait-il possible de les voir ?
— Si vous voulez mais… Ils se trouvent dans sa chambre à mon domicilie. Je crains ne pouvoir vous accompagner…
— Ne vous inquiétez pas Mme Wright, il nous suffit de votre permission, signifia Brewer.
— Dans ce cas, vous l'avez, affirma t-elle. Mais faites attention à ne rien déranger. Depuis quelques temps, Ethan semble avoir un intérêt certain à tout ce qui attrait à l'ordre et à la propreté.
Intriguée par cet élément, Gillian demanda :
— Y'a t-il eu une période ou cela n'était pas le cas ?
— Oui, étrangement cela n'est survenu que peu de temps après…
Mme Wright s'interrompit dans son discours. Cal et Gillian captèrent le regard de la grand-mère dériver sur la gauche. Un souvenir venait de ressurgir dans sa mémoire.
— Vous pouvez tout nous dire Mme Wright… Chaque détails, même ceux qui vous semble les plus futiles, pourraient nous guider sur une piste, stipula Gillian sur un ton doux.
— Pour tout vous dire, je ne saurais affirmer à quel moment Ethan a subi ces mauvais traitements… Cependant, j'ai remarqué qu'il avait changé de comportement depuis cette sortie organisée en forêt…
— Une sortie ? demanda Brewer de manière implicite.
— Oui, le Directeur de l'établissement spécialisé d'Ethan met en place chaque année une sortie périscolaire. Il pense que c'est un bon moyen pour eux de s'échapper de la vie réelle…
— Et de voir l'enfer aussitôt le soleil couché…, marmonna Cal pour lui-même.
— Ethan n'a que moi vous savez… et… je fais tout mon possible pour qu'il soit heureux, mais je me sens de moins en moins capable de m'occuper de lui… J'aurai dû voir… Je…
Face au désarrois de la veille dame, Foster s'empressa de poser une main réconfortante sur la sienne.
— Ce n'est pas de votre faute, Mme Wright. Vous n'avez pas à vous sentir coupable.
La grand-mère hocha lentement sa tête malgré la culpabilité qui se lisait sur son visage. L'équipe d'investigation quitta la chambre de la patiente et se regroupa dans le couloir.
— Qu'en pensez-vous ? demanda Brewer.
— Elle dit la vérité, indiqua Cal. Je crois qu'il faut chercher du côté de la sortie scolaire.
— Il faut qu'on examine la chambre d'Ethan, ajouta Gillian.
— Sarah, vous allez avec Brewer. Foster et moi, on va chez les Wright. On se rejoint au Lightman Group.
Chacun opina du chef et se sépara pour leur mission.
— S'il n'a rien dit, comment savez-vous qu'il a subi des sévices ?
— Un de ses professeurs de son école spécialisée aurait remarqué un comportement inhabituel chez lui, expliqua l'agent. Bien qu'il soit de nature réservée, il semblerait qu'il se serait renfermé encore plus sur lui-même depuis ces derniers jours. Nous avons fait des examens médicaux qui corroborent avec l'hypothèse du psychologue. Nous pensons que le violeur est un homme, mais nous n'avons retrouvé aucune trace d'ADN.
— Et sa famille ? demanda Gillian.
— Normalement, c'est sa grand-mère qui en a la garde, mais elle a dû être hospitalisée suite à une récente crise cardiaque… Pour le moment, ce sont les services sociaux qui s'en occupent. Sa mère est morte dans un accident de voiture lorsqu'il avait 4 ans et l'identité du père reste inconnue. Mme Wright aurait accouché sans déterminer le nom du géniteur.
— Il n'a pas d'autres membres de sa famille que sa grand-mère ?
— Pas à notre connaissance…
— Des suspects ? réclama Cal.
— On a fait une liste des personnes qu'il connaît grâce à sa maîtresse et à sa grand-mère avant son hospitalisation, mais elles ne correspondent pas au profil que notre psychologue nous a décris.
— En clair, on cherche une aiguille dans une botte de foin…, conclut l'expert en mensonge dépité.
Brewer hocha la tête pour toute réponse. Par la vitre, Gillian fixa tristement le petit garçon dessiner dans son coin.
Il symbolisait l'innocence même avec ses cheveux brun en batailles et ses yeux d'un bleu profonds. La psychologue maitrisa les différentes émotions qui déferlaient en elle et demanda :
— Comment s'appelle t-il ?
— Ethan, Ethan Wright, répondit Brewer en suivant le regard de Gillian.
— Quel âge a t-il ? l'interrogea Cal à son tour.
— Il a… 6 ans, révéla t-il non sans une pointe de colère.
— Bon sang…, soupira Foster. Comment peut-on oser faire ça à un gamin de 6 ans…
— Comment on peut osez tout court, répliqua Cal avant de retourner son attention sur l'inspecteur. Vous pensez que si on lui parle, il va nous écouter ?
— Vous pouvez toujours essayer, répondit Brewer avant d'indiquer à ses interlocuteurs de patienter un instant suite à la réception d'un appel téléphonique. En pleine conversation, l'inspecteur s'écarta pour plus d'intimité. Seul avec son amie, Lightman capta l'air inquiet et attristé qu'afficha sa collègue.
— Ça va aller ?
— Oui, c'est juste…
— Je sais, dit Cal, d'un pincement de lèvres.
Après son appel, Brewer retourna auprès des deux experts en mensonge.
— La grand-mère du petit s'est réveillée. Je vais devoir vous laisser. Si vous avez le moindre problème, n'hésitez pas à me contacter.
Cal acquiesça. L'inspecteur Brewer s'éclipsa dès lors dans le lointain de l'agence. L'expert en mensonge jeta un nouveau regard en biais à la psychologue qui avait dû mal à réprimer son dégoût et sa colère de cette nouvelle enquête. Un battement plus tard, il déclara en rivant son regard sur le petit garçon :
— Il va falloir rester maître de nous-même.
Gillian esquissa un léger sourire. Cal l'imita et demanda :
— Qu'est-ce qui te fais sourire ?
— Toi.
— Moi ?
— Je vois que ta promesse tu vas la tenir bien plus tôt que je le pensais.
— Mouais… Du moins jusqu'à ce qu'on sache qui est le coupable… fit-il d'une petite moue de sa bouche. C'est toi qui lui parle et moi je regarde.
— Essayons…
D'un même chef, les deux amis entrèrent dans la pièce où le petit garçon était installé. Étrangement, Gillian n'intercepta aucune réaction de sa part à leur égard. À proximité d'Ethan, elle aperçut une jeune femme qui s'approcha d'eux pour venir chaleureusement les saluer et se présenter :
— Dr. Foster ? Je suis Mme Robins des services sociaux. Je suis là pour assurer l'échange. Je pourrai aussi traduire en langue des signes tout ce que vous souhaitez dire à Ethan.
— Bien, souffla Gillian, en regardant quelque peu inquiète le petit garçon dessiner.
— Ça va aller ?
— Oui, confirma t-elle avec un fin sourire.
— Je vais lui dire que vous voulez lui parler.
La dénommée Robins s'approcha du petit garçon pour s'accroupir à sa hauteur. Elle posa une main sur sa feuille pour signaler sa présence. Ethan releva sa tête et rencontra le regard souriant de la jeune femme qui l'accompagnait depuis plusieurs jours. Par des gestes de ses mains, Robins lui expliqua ce qui allait se passer sous les yeux observateurs des deux experts en langage corporel. Durant l'échange, Cal décela une micro-expression de peur sur le visage d'Ethan ainsi que sa main se crispant fermement sur son crayon lorsqu'il figea son regard sur sa personne. Lightman comprit immédiatement le pourquoi de cette réaction.
— Je devrais m'éloigner…, chuchota t-il à sa collègue.
— Pourquoi ?
— J'ai vu de la peur sur son visage lorsqu'il m'a regardé… Et si son agresseur était un homme…
— Oui, tu as raison…
La traduction terminée, Robins se retourna vers Cal et Gillian pour leur signaler :
— C'est bon, vous pouvez lui parler.
Sous l'oeil vigilant du petit garçon, Cal s'éloigna pour prendre place sur un siège en bout de table. De là, il pouvait garder un oeil objectif et observer la scène dans son ensemble. Gillian s'approcha posément d'Ethan et s'installa en face de lui.
— Bonjour Ethan, je m'appelle Gillian, débuta t-elle avec un sourire rassurant.
Le petit garçon tourna son regard sur Robins qui interpréta les paroles de Foster en langage des signes. Ethan ne répondit pas. La psychologue remarqua que le garçonnet avait sciemment posé ses deux mains sur sa feuille de dessin. Intriguée, elle pencha son regard sur celui-ci pour essayer de mieux l'apercevoir, en vain.
— Tu aimes dessiner ? l'interrogea jovialement Foster.
Ethan hocha positivement la tête suite à la traduction de Robins.
— Je peux voir ton dessin ? quémanda t-elle, en pointant du doigt la feuille de papier.
Comprenant ce qu'elle désirait, l'enfant s'empressa de tirer la feuille de papier contre lui. Déstabilisée par son net refus, Gillian s'excusa :
— Heu… je ne voulais pas…
— Ne vous inquiétez pas, la rassura Robins. Il fait ça avec tout le monde. Ethan refuse qu'on regarde ses dessins ou qu'on le touche.
Cela allait être plus compliqué que prévu… Elle devait à tout prix instaurer une relation de confiance avec le petit garçon ou celui-ci risquerait de ne jamais révéler l'identité de son agresseur ou sa souffrance qui s'en était découlée.
— Vous pouvez lui dire que je suis désolée et que je ne recommencerai plus sans sa permission.
Robins effectua des gestes au petit garçon qui, au fur à mesure de la lecture des signes, se détendit un peu plus dans son siège. Il regarda Gillian et acquiesça. La psychologue lui sourit. Elle se retourna vers Cal et échangea un regard entendu avec celui-ci. Il allait falloir discuter de choses plus pénibles. D'une légère inspiration, elle ancra son regard réconfortant dans celui quelque peu apeuré d'Ethan et débuta sur un ton doux :
— Ethan… je vais devoir te poser quelques questions, mais si jamais tu ne veux pas y répondre tu n'y es pas obligé, d'accord ?
Suite à la traduction, le garçonnet acquiesça.
— Ethan… Est-ce qu'on t'a fait du mal ?
Le petit garçon regarda un instant Robins comme s'il attendait d'avoir la permission de parler. Cal prit mentalement note de cet élément. Lorsque l'assistante sociale lui indiqua qu'il pouvait communiquer librement, Ethan hocha alors une nouvelle fois la tête.
— Est-ce qu'une personne t'a obligé à faire des choses que tu ne voulais pas ?
À cette question, le garçonnet se raidit dans son siège, baissa son regard mais effectua un léger oui de la tête. Le coeur de Gillian se serra. Elle maitrisa toutes ses émotions pour ne pas montrer sa tristesse et posa la question fatidique :
— Connaissais-tu la personne qui t'a fait du mal ?
Le garçon reposa subitement son dessin sur la table, prit un crayon et continua celui-ci dans le silence le plus total. Un index sur sa tempe, Cal conclut :
— Il connaissait la personne.
— Comment pouvez-vous le savoir, il n'a rien dit ? questionna intriguée Robins.
— Il n'en a pas eu besoin, répliqua t-il, en se déplaçant vers la porte d'entrée. Il a répondu à toutes nos questions, excepté celle-ci. La peur se lisait sur son visage.
— Je pense qu'Ethan ne nous parlera plus pour le moment, ajouta Gillian. Il s'est créé une bulle. En continuant son dessin, c'est comme s'il nous envoyait un message. Il veut qu'on le laisse tranquille.
Soucieuse du sort d'Ethan, Robins demanda :
— Que fait-on alors ?
— Ethan a subi un immense traumatisme, expliqua Foster. Ce qui va être le plus compliqué, c'est de renouer un lien de confiance avec lui… J'ai beaucoup travaillé avec les enfants et dans sa façon d'agir, il semble avoir une certaine retenue.
— C'est normal, au vu de ce qu'il a vécu, répliqua l'assistante sociale avec évidence.
— Je pense surtout qu'il connaissait parfaitement la personne qui lui a fait ça et qu'il avait une totale confiance en lui.
— Un proche ?
— Possible…, dit Cal. Dans 90% des cas, les victimes connaissent leur agresseur et sur les mineurs 53%, le cercle familiale est responsable des viols. Il faudrait interroger sa grand-mère.
— Durant l'enquête, Ethan sera sous ma charge.
— J'aimerais lui parler dès demain afin d'essayer de nouer un lien avec lui, requit Gillian.
— Très bien, contactez-moi et je ferai en sorte d'organiser une rencontre.
L'assistante offrit sa carte de visite avec ses cordonnés et ajouta :
— On va vous laisser travailler.
D'un petit signe, Robins demanda au petit Ethan de la suivre. Ce dernier se leva prestement de sa chaise et récupéra son dessin ainsi que ses crayons de couleurs pour rejoindre l'assistante sociale à l'encadrement de la porte.
— Au revoir Ethan, déclara Gillian, d'un sourire chaleureux avec un signe de la main.
Cal émit une petite moue de sa bouche en observant la psychologue arborer une mine triste alors qu'elle fixait le petit garçon s'éloigner au loin dans le couloir de la société.
— Tu es sûre que tout va bien ?
— Oui… Ne t'inquiète pas Cal… J'ai déjà traité des problèmes similaires.
— Avec des enfants aussi jeunes ?
Foster soupira et laissa dériver son regard sur le sol. Elle venait de se perdre dans ses pensées. Lightman savait que son amie lui cachait quelque chose, mais il n'eut pas le temps d'approfondir ses questionnements que Sarah, une employé sourde-muette, les interrompis.
— Vous m'avez appelé Dr. Lightman ?
À l'encadrement, Sarah présenta comme preuve son portable avec un sms de Lightman affiché sur l'écran.
— Non, sinon vous n'auriez rien entendu, ironisa t-il.
— Vous êtes un pointu dans le langage !
Cal omit les paroles de son employée et proclama :
— On aurait besoin de vos talents en communication.
— Je croyais que vous étiez anglais ?
— Quoi ?! s'exclama t-il faussement interloqué par cet humour piquant. C'est moi, ou j'comprends pas lorsqu'elle parle ?
Gillian secoua sa tête et quitta la salle sous les yeux désarmés de l'expert en mensonge.
OoO
Au bord d'un trottoir, Ria arrêta le contact de son véhicule lorsqu'elle arriva à l'endroit indiqué par son GPS.
— Bon, le test commence dès maintenant je…
La jeune femme stoppa brusquement ses propos en découvrant Key profondément endormis sur son siège passager. Elle lâcha un soupir d'exaspération et appuya sans ménagement sur le klaxonne de son volant. Au son inattendu, le jeune homme se réveilla en sursaut en s'exclamant rageusement :
— Bordel ! Vous pouvez pas réveiller les gens normalement ?!
— Le test commence ! clarifia t-elle avec un regard noir.
— O—k !
Il passa une main lasse sur son visage et bougonna :
— Bon… c'est quoi l'affaire en résumé ?
— Tu n'as pas apporté ton dossier ?! s'offusqua t-elle.
— Bah… J'en ai pas eu le temp vu que le boss m'a mis un coup de pression !
— Tu sais qu'il t'en mettra tous les jours ?
Turner afficha une expression d'une totale indifférence. C'est à ce moment là que Ria se demanda à combien de patrons il avait réussi à survire. Une question qui n'aurait sans doute jamais sa réponse. Elle lâcha un nouveau soupir et donna son propre dossier à son collègue :
— Bon… Tiens prends le mien.
— J'ai pas mes lunettes, dis-moi tout ce que je dois savoir.
— Je ne t'ai jamais vu avec des lunettes ! répliqua t-elle suspicieuse.
— Superman non plus et pourtant Clark Kent en porte !
— Bon sang… Ok, la société de jeu "LuckyGame" veut savoir à quelle personne elle doit remettre le chèque de plus de 5 000 000 dollars.
— Ça en fait des zéros… Même en bossant tout une vie pour Lightman, je pourrai jamais me faire autant de fric.
— Le problème, c'est que ces trois personnes, allégua t-elle en désignant trois photos dans le dossier, affirment que le ticket leur appartient. On va devoir les interroger, mais avant ça on va parler avec la présidente de la société.
— J'pourrai toujours essayer de réclamer le chèque…
Ria leva ses yeux au ciel puis quitta son véhicule avec Key pour se rendre au siège de la société de jeu. À l'intérieur du bâtiment, on les invita à patienter dans une salle d'attente avant d'être reçu par la présidente. Torres avait opté pour une position distinguée au contraire de son collègue presque avachi avec les jambes vulgairement écartées dans son fauteuil en cuir. Key capta le mépris de la brune sur sa personne et réclama presque blasé :
— Quoi ?
Elle n'eut pas le temps de sermonner le jeune homme sur son comportement que la présidente faisait son entrée. Ria se leva immédiatement à sa venue alors que Key se redressa avec plus de difficulté. La patronne des lieux était sophistiquée et dégageait en elle un fort tempérament. Elle serra la main de Torres et proclama solennellement :
— Bonjour, je suis Mme Russel, la présidente de la société LuckyGame.
— Ria Torres et mon collègue, Marquis Turner.
Key afficha une expression de dégout à son vrai nom, mais serra avec conviction la main de Russel.
— Mon associé vous a mis au courant ?
— Oui.
— Notre règlement est très stricte sur le sujet. Le gagnant à deux mois pour réclamer son dû. Une semaine est déjà passée sans que nous sachions à qui donner le gain. Les trois possibles détenteurs du billets vous attendent dans notre salle de conférence. Vous avez des questions ?
Ria jeta un regard implicite à Key affichant un air perdu. Elle attendait une réaction de sa part, mais rien ne vain. À vrai dire, c'était la première fois qu'il devait gérer une situation où on exigeait de lui d'être capable d'entretenir une conversation cordiale pour soutirer des informations. D'ordinaire, il avait juste à sortir un couteau et à le placer au niveau de la carotide pour obtenir tout ce qu'il désir. On était loin des règles de son quartier…
Torres le comprit et reprit à contre coeur en main la conversation :
— Oui, nous aimerions savoir pourquoi vous n'avez pas retracé l'acheteur du billet si celui-ci a été enregistré dans un point de vente ?
— Le billet a été payé en espèce et le buraliste nous a signalé que sa caméra de surveillance était défaillante depuis plus d'une semaine. De plus, le billet n'a été réclamé par aucune autre personne.
— Pourrions-nous avoir son nom ?
— Mon assistant vous donnera tous les renseignements dont vous aurez besoin. Je vous accompagne en salle de conférence.
Russel présenta la marche à suivre. En arrière, Ria chuchota à Key :
— Si tu veux plus de zéro, tu devras poser plus de questions…
— J'étais trop intimité par ton grand professionnalisme ! jasa t-il.
Ria lui jeta un regard blasé. Quelques pas plus tard, ils entrèrent dans la salle de conférence où trois personnes attentaient impatiemment leur venue autour de la table. Une femme et deux hommes. Russel les présenta tour à tour:
— Voici les trois possibles gagnants, Mme West, M. Boyd et M. Hansen. Je vous présente Mlle Torres et M. Turner, experts en détection de mensonge pour l'agence du Lightman Group. Ils seront chargés de savoir qui est le réel vainqueur du billet.
— Et s'ils se trompent ? maugréa Boyd.
— Si c'était le cas, le président des États-Unis ne nous appellerait pas pour nos services, répliqua Ria avec témérité.
Boyd gesticula gêné dans sa chaise. Satisfaite, Torres clama :
— Bien, nous allons pouvoir commencer !
Après avoir installé une caméra pour filmer l'entrevue, Ria et Key s'installèrent en face de leur premier suspect. La cinquantaine, M. Boyd avait les mains usées causer par un travail extérieur. Il était habillé d'un simple t-shirt et d'un jean. Le regard acéré, il allégua :
— Je suis ouvrier sur un chantier à proximité du bureau de tabac ! J'ai acheté ce billet mardi dernier à 9h! C'est moi le propriétaire du billet !
Les deux jeunes experts passèrent ensuite à Mme West. Une lourde fatigue se lisait sur son visage marqué par un épuisant travail dans le milieu médical.
— Je suis infirmière à l'hôpital, juste en face du bureau de tabac ! Depuis plus de 5 ans, je vais acheter mon billet tous les mardis à 9h !
Puis, ils terminèrent par la plaidoirie de M. Hansen. Un homme au costume chic avec une montre à deux cents dollars.
— Je ne sais pas ce que ces deux menteurs vous font croire, mais je suis le seul propriétaire du billet ! J'ai acheté ce billet mardi dernier à 9h précise !
Ria remercia M. Hansen. Sans un mot, ce dernier se leva pour se rendre dans le couloir avec les deux autres candidats. Elle se tourna vers Key et demanda :
— Alors, qu'est-ce que tu en dis ?
— J'en dis… que je ferai pareille !
— Turner ! s'agaça t-elle.
— Arrête de m'appeler comme ça ! s'offensa t-il.
— Je t'appelle par ton nom parce qu'on n'est pas dans la rue ! Il faut que tu fournisses plus d'efforts ! Si tu continues avec cette attitude, je peux te certifier que Lightman t'oubliera plus vite que tu ne le penses! Tu ne sais pas le nombres de candidatures qu'il reçoit chaque semaine sur son bureau pour travailler dans l'agence sans même être payées ! Tu as une chance incroyable, alors saisi-la.
Key soupira. Il savait que Ria avait raison, mais c'était plus fort que lui. Il était difficile d'abandonner un mode de comportement sociétal dont vous avez usé presque toute votre vie pour survivre dans un milieu difficile. Il vivait désormais dans un tout autre monde et il allait devoir apprendre beaucoup de choses sur lui et les autres.
— Ils mentent tous, lâcha t-il subitement. Le billet n'appartient à aucun des trois.
— Comment le sais-tu ?
— J'en sais rien, j'le sais c'est tout, balança t-il d'un air contrarié.
— C'est ce que tu diras aux flics lorsqu'ils te demanderont comment tu as fait pour soutirer des informations à un suspect ?
— J'parle pas aux keufs !
— Pourtant, il le faudra bien. Beaucoup de nos contrats se font avec eux ! Et la plupart ont besoin que tu expliques le cheminement de ton raisonnement. Pour eux, tout doit être certifié avec des preuves concrètes et si tu ne leur expliques pas que ce que tu fais est basé sur des théories scientifique, crois-moi qu'ils te laisseront de côté !
Key réfléchit un instant et ajouta :
— Ok… Ils ont tous les trois dit exactement la même chose. Ils ne mentaient pas sur l'horaire, mais je pense qu'ils n'ont pas acheter de billet. S'ils étaient tous présents à la même heure, ils se seraient croisés non ?
Ria acquiesça et demanda :
— Par contre, comment savent-ils que le billet a été enregistré à 9H s'ils ne l'ont pas acheté ?
Key haussa les épaules.
— Il faut interroger le buraliste.
— Alors, combien de points en plus ?
Ria tourna sa tête de droite à gauche en signe de désabusement.
OoO
Cal, Gillian et Sarah arrivèrent à destination d'une école spécialisée pour enfants sourds-muets. Tout était fait pour que chaque enfant atteint de cet handicape puisse suivre une scolarité sans difficulté. Le groupe entra dans l'établissement et fut immédiatement accueilli par le directeur lui-même. Il se nommait M. Klein. Respecté et apprécié dans le milieu, Klein imposait à tous un certain charisme. Déambulant dans les couloirs, le directeur leur présenta les lieux :
— Tous les enfants scolarisés dans notre école sont suivis avec la plus grande attention.
À ces mots, Cal ne pu s'empêcher de répliquer avec dédain :
— Tellement bien que l'un deux à eu le droit à un examen plus poussé…
Klein contracta sa mâchoire et s'arrêta irrité face à Lightman.
— Dr. Lightman, si nous avions su plus tôt qu'Ethan avait subi des mauvais traitements, je vous garanti que nous aurions tout fait pour le protéger.
— Pourtant, vous n'arrêtez pas l'école alors qu'un pédophile se promène probablement entre ses murs !
— Avez-vous au moins averti les parents ? quémanda Gillian.
Le regard et la tête de Klein s'abaissa au sol. Conclusion, la culpabilité se lisait sur son visage.
— Vous aimez vivre dangereusement…, maugréa Cal.
— Écoutez, cette école vit principalement des dons des parents et des associations. L'État ne donne plus autant qu'auparavant, si on fermait les portes rien qu'une semaine, le programme se retrouverait condamné…
— Saleté crise économique, hein M. Klein ? jasa l'expert en mensonge.
Klein contracta sa mâchoire. Gillian continua l'interrogatoire :
— Quel était le professeur qui s'est rendu compte des violences sur Ethan ?
— Mme Phelps.
Le directeur regarda sa montre.
— Elle finit son cours dans 10 minutes, informa t-il. Si vous souhaitez l'interroger, elle se trouve dans sa salle de cours. Salle 313.
Sans tarder, les trois experts en mensonge entrèrent sans se faire remarquer dans la salle de classe indiqué par le directeur. Dos aux élèves, ils pouvaient observer le cours donné par Mme Phelps sans déranger le déroulement de celui-ci. Le professeure était une jeune femme de 30 ans sourde-muette de naissance. Elle donnait un cours de science naturelle en langue des signes à une quinzaine d'élèves sourds-muet très attentifs. Mains dans les poches, Cal tenta de deviner ce que Phelps pouvaient dire à ces enfants, sans réussite. Il connaissait peut-être le langage du corps, mais pas encore sa langue. Frustré, il demanda avec une grimace :
— Et en sous-titre ça donne quoi ?
— Elle dit que le prochain animal qu'on disséquera, ça sera vous, plaisanta Sarah.
— Vous montez dans l'échelle du rire vous !
— J'apprends beaucoup à vos côtés.
Gillian gloussa légèrement sous les yeux blasés de son ami. La maitresse sonna la fin du cours. Les élèves récupérèrent leurs affaires et quittèrent en masse la salle de classe. La pièce vide, les deux patrons et l'employée se présentèrent au professeur grâce à la traduction signée de Sarah.
— Vous connaissez Ethan depuis longtemps ? l'interrogea Gillian.
Mme. Phelps répondit en langage des signes pendant que Sarah traduisait à haute voix la discussion :
— Je connais Ethan depuis près de 2 ans. Lorsqu'il est arrivé, c'était un petit garçon très anxieux. Il avait peur des autres. Il refusait de prendre la parole en classe ou de discuter avec ses camardes. Il s'est isolé pendant 1 mois, puis un jour… nous avons fait un cours de dessin. La consigne était de dessiner ce qui nous rendait le plus heureux. Ethan a pris le crayon entre ses mains et il a commencé à dessiner un champ de fleurs… Sa grand-mère m'a expliquée que sa mère avait l'habitude de faire des promenades en forêt avec lui… Il adore tout ce qui est en rapport avec la nature. À partir de là, il s'est ouvert au monde et il a commencé à dialoguer avec nous.
— Comment avez-vous découvert qu'Ethan a été agressé sexuellement ? enchaina Cal.
Mme Phelps réfléchit un instant et répondit :
— Il y a trois semaines de ça, j'ai vu Ethan se refermer subitement sur lui-même. Il refusait de faire toutes les activités qu'on lui proposait. Je pensais qu'il était dans un mauvais jour, mais j'ai remarqué que c'était plus profond que ça quand j'ai vu ses derniers dessins.
— Pouvons-nous les voir ?
À la demande de Foster, Phelps hocha positivement la tête et s'éloigna un instant pour récupérer sur une étagère une boite contenant les dessins fait par Ethan. Elle les transmit à la psychologue qui les analysa soigneusement un par un. Ils étaient tous de couleurs obscures et chacun d'eux représentaient une forêt décharnée. Gillian s'arrêta sur une page en particulier où un petit bonhomme au visage triste et une masse noire à proximité étaient dessinés au centre d'arbres noirs menaçant et crochus. Cal jeta un oeil rapide aux dessins puis demanda :
— Vous n'avez aucune idée de la personne qui aurait été susceptible d'avoir fait du mal à Ethan ?
— Non… Je suis navrée…
Intriguée, Gillian désira éclaircir un autre point :
— Avez-vous remarqué si un autre enfant présentait le même comportement qu'Ethan ?
— D'après mes collègues et mon observation, il est le seul a avoir eu ce genre de comportement.
— Merci de votre aide Mme Phelps. Pouvons-nous garder les dessins ?
— Bien entendu, si vous avez encore besoin de moi n'hésitez pas à venir me voir.
Gillian acquiesça et sortit avec son équipe dans le couloir pour une mise au point.
— Mme Phelps dit la vérité, clarifia Lightman. Elle ne connait pas l'identité de l'agresseur d'Ethan.
En épluchant les dessins, Foster ajouta :
— Les dessins d'Ethan sont tous très sombres. Il n'y a aucune couleur, aucun espoir…
— Vous avez vu, cette ombre est sur chaque dessins, pointa Sarah avec son index.
— Je crois qu'elle représente son agresseur…, conclut tristement Gillian.
Cal pinça ses lèvres. Il sentit son portable vibrer dans sa poche de jean et découvrit que Brewer venait de lui envoyer un sms.
— Brewer veut qu'on interroge la grand-mère.
Les quatre investigateurs s'étaient regroupés dans la chambre où la grand-mère d'Ethan était hospitalisée. La veille dame affaiblie était allongée dans son lit et peinait à rester concentrer malgré l'urgence de la situation. D'un air concerné, Gillian posa la première question :
— Mme Wright, comment se comporte Ethan avec vous ?
— Et bien… Avant le décès de sa mère, Ethan a toujours été un petit garçon plein de vie et très malicieux. Il a eu une période difficile jusqu'au jour où il a retrouvé la joie de vivre dans ses dessins. Dès qu'il rentrait de l'école, il allait directement dans sa chambre pour prendre du papier et des crayons.
— Serait-il possible de les voir ?
— Si vous voulez mais… Ils se trouvent dans sa chambre à mon domicilie. Je crains ne pouvoir vous accompagner…
— Ne vous inquiétez pas Mme Wright, il nous suffit de votre permission, signifia Brewer.
— Dans ce cas, vous l'avez, affirma t-elle. Mais faites attention à ne rien déranger. Depuis quelques temps, Ethan semble avoir un intérêt certain à tout ce qui attrait à l'ordre et à la propreté.
Intriguée par cet élément, Gillian demanda :
— Y'a t-il eu une période ou cela n'était pas le cas ?
— Oui, étrangement cela n'est survenu que peu de temps après…
Mme Wright s'interrompit dans son discours. Cal et Gillian captèrent le regard de la grand-mère dériver sur la gauche. Un souvenir venait de ressurgir dans sa mémoire.
— Vous pouvez tout nous dire Mme Wright… Chaque détails, même ceux qui vous semble les plus futiles, pourraient nous guider sur une piste, stipula Gillian sur un ton doux.
— Pour tout vous dire, je ne saurais affirmer à quel moment Ethan a subi ces mauvais traitements… Cependant, j'ai remarqué qu'il avait changé de comportement depuis cette sortie organisée en forêt…
— Une sortie ? demanda Brewer de manière implicite.
— Oui, le Directeur de l'établissement spécialisé d'Ethan met en place chaque année une sortie périscolaire. Il pense que c'est un bon moyen pour eux de s'échapper de la vie réelle…
— Et de voir l'enfer aussitôt le soleil couché…, marmonna Cal pour lui-même.
— Ethan n'a que moi vous savez… et… je fais tout mon possible pour qu'il soit heureux, mais je me sens de moins en moins capable de m'occuper de lui… J'aurai dû voir… Je…
Face au désarrois de la veille dame, Foster s'empressa de poser une main réconfortante sur la sienne.
— Ce n'est pas de votre faute, Mme Wright. Vous n'avez pas à vous sentir coupable.
La grand-mère hocha lentement sa tête malgré la culpabilité qui se lisait sur son visage. L'équipe d'investigation quitta la chambre de la patiente et se regroupa dans le couloir.
— Qu'en pensez-vous ? demanda Brewer.
— Elle dit la vérité, indiqua Cal. Je crois qu'il faut chercher du côté de la sortie scolaire.
— Il faut qu'on examine la chambre d'Ethan, ajouta Gillian.
— Sarah, vous allez avec Brewer. Foster et moi, on va chez les Wright. On se rejoint au Lightman Group.
Chacun opina du chef et se sépara pour leur mission.
III
Face à la devanture du tabagie, Key attendait impatiemment Ria un peu plus loin en pleine conversation téléphonique. Il râla puis agita ses mains, au bout de dix longues minutes, pour lui faire signe de se dépêcher. Lasse, elle conclut son appel et rejoignit son collègue irrité.
— J'croyais qu'on ne devait pas téléphoner aux heures de bureau ? grogna t-il.
— Qui te dit que ce n'était pas pour le travail ?
— Tu tenais ton téléphone à l'oreille droite. Chaque oreille à son hémisphère. Donc, tu sollicitais la partie émotionnelle. Et tu n'arrêtais pas de sourire... alors soit c'est un membre de ta famille, soit c'est un très bon ami à toi!
Ria entre-ouvrit sa bouche de surprise. Ravi de son petit effet, Key présenta la marche à suivre :
— Hé ouais, moi aussi je sais lire ! Après toi, Grenade…
— Arrête de m'appeler comme ça ! s'agaça t-elle.
— Jamais !
Key entra dans la boutique après avoir laissé le passage à sa collègue irritée.
Au comptoir de caisse, Ria et Key se renseignèrent auprès de M.Ortiz, le buraliste, au sujet du billet de loterie.
— D'après le rapport de la présidente de LuckyGame, vos caméras ne fonctionnaient plus le jour où le ticket gagnant a été acheté, rapporta Ria.
Ortiz lissa à l'aide de son pouce et de son index les commissures de ses lèvres puis répondit :
— C'est vrai… Elles sont tombées en panne une semaine avant.
Torres comprit que le buraliste les mena en bateau.
— Vous mentez.
— Quoi ?
— Vos caméras ne sont pas tombées en pannes.
— J'vous conseille de nous dire la vérité ou la liste des suspects risque de s'allonger, le menaça Key.
Le buraliste déglutit face aux regards déterminés des experts en mensonge et avoua :
— Hum… Écoutez… Je n'ai pas menti, les caméras sont défectueuses depuis plusieurs mois. C'est machins-là ça coûte la peau des fesses, et c'est pas avec c'que je gagne que je pourrai m'en payer d'autres. Alors, j'ai dit à l'assurance qu'elles ne fonctionnaient plus du tout pour qu'elles soient remplacées…
— Vous avez les bandes ?
— Non, les caméras sont éteintes. Je les ai laissé pour dissuader les voleurs.
— Vous n'avez aucune idée à qui pourrait appartenir ce billet ? demanda Ria.
Le buraliste secoua négativement la tête.
— Vous savez, j'ai une vingtaine de clients qui passent chaque jour ici, alors je ne retiens pas tous leur visage.
Key arbora un air de suspicion à ces propos et signala :
— Pour un commerce de quartier, vous avez forcément des habitués que vous devez connaître.
L'interrogé toussota et dériva son regard avant de répondre :
— Bien sûr, ils s'installent parfois au bar d'en face. Vous pouvez toujours essayer de leur poser la question, mais ils vont répondront surement que le billet leur appartient.
— Et ceux-là, ils ne vous disent rien ? réclama Key, en présentant les photos de Boyd, West et Hansen.
Au visage d'Hansen, Ortiz retint sa respiration et pinça ses lèvres.
— Non, désolé…
L'interrogatoire terminé, Key et Ria quittèrent l'établissement pour se retrouver devant la vitrine.
— Il ment pour Hansen, avança Key. Il l'a tout de suite reconnu.
— Pour quelle raison mentirait-il ?
— Soit il l'a reconnu comme étant le détenteur du billet, soit il a un quelconque lien avec lui…
Les deux experts en mensonge dérivèrent en même temps leur regard sur le bar d'en face. Ils marchèrent jusqu'à la terrasse et observèrent les dizaines de clients attablés. D'un froncement de sourcils, Ria souffla derrière ses lunettes de soleil :
— Il faut qu'on trouve les habitués…
Key analysa chaque profil avec attention. Il cibla un groupe de trois hommes buvant des verres d'alcool et fumant des cigarettes avec pour lecture du jour un journal débriefant les exploits sportifs du dernier match de foot. Turner esquissa un sourire et dit :
— Ceux qui boivent du whisky à 14H de l'après-midi !
D'un seul mouvement, Key et Ria accostèrent les trois hommes sirotant tranquillement leur verre.
— Bonjour Messieurs, les salua Ria, seriez-vous des habitués du bureau de tabac d'en face ?
— Ouais, ma jolie ! confirma un des hommes. On y achète toujours notre journal et nos cigarettes. Pourquoi cette question, tu veux des réductions ?
Les deux autres hommes ricanèrent à cette lourde plaisanterie. Une boutade qui ne sembla pas toucher Torres continuant son interrogatoire :
— Connaissez-vous une personne qui viendrait tous les mardis matin à 9H ?
— P'être que oui p'être que non…
Ria devina à son expression narquoise que le client se jouait d'elle. Il était fort à parier qu'il connaissait l'identité de l'habitué du tabagie. Elle soupira légèrement désabusée :
— Vous connaissez son nom ?
— Et j'gagne quoi en échange ?
Perdant patience, Torres s'apprêta à rembarrer le client, mais Key s'interposa rapidement :
— T'as un billet de 50 sur toi ?
La brune arbora un air surpris.
— Donne-le moi !
Puis, elle émit une mine contrariée.
— Je te rembourserai !
D'un soupir contraint, Ria donna finalement un billet de 50 dollars à son collègue. Key récupéra ensuite trois verres de shot à la table voisine pour les aligner sur celle des trois hommes.
— Si vous arrivez à faire tenir le verre du milieu avec ce billet, vous pourrez le récupérer, mais si vous échouez, vous me dites qui est le gars qui vient tous les mardis.
L'esprit joueur, le client accepta immédiatement le marché. Il entreprit divers combinaisons, mais échoua inexorablement à trouver la solution. Au bout de quelques minutes, Key demanda malicieusement :
— Vous abandonnez ?
Le client croisa ses bras et demanda avec un air de défit :
— Donnez-moi la solution ?
— Donnez-moi le nom.
— J'connais juste son prénom. Mike, c'est un SDF qui vient tenter sa chance au loto. Il traine toujours au carrefour. Le buraliste le connait mieux que nous. On ne l'a pas vu ces jours-ci… Alors ?
D'un demi-sourire, Key prit le billet, le plia comme un accordéon et le plaça sur le bout des deux verres. Le billet désormais rigide, Key posa le verre de shot sur le billet de banque. Le client lâcha un soupir rieur et complimenta :
— Bien joué, gamin.
Key rendit le billet à Ria.
— Où t'as appris ça ? l'interrogea t-elle.
— J'ai eu plusieurs vies, répondit simplement le jeune homme en s'éloignant sous les yeux intrigués de la brune.
oOo
Chez Mme Wright, Cal et Gillian inspectèrent la modeste maison de la veille dame. Les meubles étaient anciens et légèrement poussiéreux. Dans un coin du salon, l'expert en mensonge examina une pile de journaux et du courrier non-trié.
— Mme Wright a dû mal à gérer sa maison… Il y a du courrier non-ouvert qui date d'avant sa crise cardiaque…
— Elle ressent beaucoup de culpabilité, indiqua Gillian. Elle aurait voulu mieux protéger son petit-fils bien que sa condition physique l'empêche de faire certaines choses…, ajouta t-elle, en abaissant son regard au sol.
Cal capta l'expression de son amie, mais il préféra ne pas l'interrompre.
— Avec sa récente crise cardiaque… j'ai peur de ce qu'il va être de son avenir…
— Avant de penser à son avenir, je propose de reconstruire son présent. Sa chambre est à l'étage.
Foster acquiesça. Elle monta à l'étage avec son ami pour se rendre dans la chambre du petit garçon. Il y avait un lit, un bureau et un placard. Tout était parfaitement ordonné. Aucun jouet jonchait au sol communément au chambre d'enfant de cet âge. Les murs étaient principalement décorés par les multiples dessins d'Ethan avec une photo de lui et de sa mère collée au-dessus de son lit. La psychologue regarda tristement la photo et la décrocha du mur pour voir à quelle date celle-ci avait été prise.
— Cette photo a été prise un an avant la mort de sa mère… Pauvre Ethan…
Cal arbora un air de compassion et souffla :
— J'ai toujours peur qu'une chose pareille puisse arriver à Em'…
— Te connaissant, tu as dû lui apprendre à bien se défendre, sourit-elle légèrement.
— C'est vrai, approuva t-il avec un léger sourire.
Foster regarda avec attention les dessins d'Ethan et déclara :
— Cal, regarde ses dessins. Ils sont très colorés et ils représentent tous la nature.
— Montre-moi les dessins que t'a donné Mme. Phelps.
Gillian s'exécuta et Cal les compara.
— La seule chose d'identique, c'est la représentation de la nature, signala t-il.
— La nature c'est son univers, son seul repère.
— Le plus intéressant, c'est qu'il n'y a aucun personnage dans ses dessins colorés.
— Ethan a dessiné ces dessins après la mort de sa mère. La forêt est un lieu qu'il partageait avec elle. Malgré la douleur de sa perte, il a continué à représenter la nature sans jamais la dénigrer. Or dans ses dessins sombres, son univers a basculé, tout est négatif. Une personne y est entrée et a changé sa manière de voir le monde.
— Il va falloir qu'Ethan nous parle…
oOo
L'affaire du billet de loterie était toujours au point mort. Un soir, Key s'était isolé dans la salle d'analyse pour visionner les vidéos des interrogatoires des trois possibles vainqueurs du billet de loterie. Ria ignorait la prise d'initiative du jeune homme qui avait préféré garder son activité nocturne sous silence. Surprendre était son maitre mot. Il grignota un gâteau sec dont les miettes perlaient sur son bureau avec les pieds nonchalamment posés sur celui-ci. Il regarda hagard les images défiler sur son écran d'ordinateur lorsqu'une expression triomphante se figea sur son visage. L'enquête allait enfin pouvoir avancer et cela grâce à lui ! Il imaginait déjà les deux zéros ajoutés à son chèque de fin de mois et aux basses qu'il installerait dans sa future voiture.
oOo
Après plusieurs échanges infructueux, Gillian décida d'employer une nouvelle technique d'approche avec Ethan. Elle devait partager son univers pour essayer de le comprendre et d'entrer en communication avec lui. Pour cela, elle convia Ethan à un nouveau rendez-vous. Le petit garçon avait été emmené dans un pièce spécifique prévue pour les enfants. Une chaleureuse décoration permettait à l'enfant de ne pas se rendre compte de la situation stressante qu'il pouvait vivre. La psychologue prit place avec Ethan, autour de la petite table, en pleine élaboration d'un nouveau dessin. Dans un premier temps, elle garda le silence et dessina avec lui. Elle lui demanda si elle pouvait lui emprunter un crayon puis une gomme… Peu à peu, Ethan s'intéressa à Gillian et s'arrêta de dessiner pour essayer de jeter un oeil à l'oeuvre de la psychologue. D'un fin sourire, elle lui demanda implicitement s'il désirait voir son dessin. Un sourire apparut sur le visage d'Ethan qui hocha la tête pour découvrir une magnifique fleur colorée et parfaitement exécutée par la dessinatrice.
— Tu veux le garder ?
À ses côtés, Robins interpréta les paroles de Foster. Ethan accepta joyeusement le cadeau. Non-sûre d'elle, la psychologue interpella à nouveau le petit garçon désormais plus en confiance.
— Ethan ?
L'enfant leva son regard de son dessin et rencontra le visage souriant de Gillian.
— On a regardé tes dessins… et je me demandais… si c'est toi le petit garçon qui pleur ?
Ethan répondit positivement.
— Tu peux me dire pourquoi ?
Ethan montra la masse noire.
— C'est ça qui t'a fait du mal ?
"Oui". Les pupilles du garçonnet se dilatèrent de peur.
— Est-ce que c'est un professeur ?
"Non".
— Est-ce que c'était une personne qui était avec toi pendant la sortie scolaire ?
Robins fit la traduction et Ethan se réfugia instantanément dans son dessin.
— C'est ça…, conclut tristement Gillian.
oOo
— J'croyais qu'on ne devait pas téléphoner aux heures de bureau ? grogna t-il.
— Qui te dit que ce n'était pas pour le travail ?
— Tu tenais ton téléphone à l'oreille droite. Chaque oreille à son hémisphère. Donc, tu sollicitais la partie émotionnelle. Et tu n'arrêtais pas de sourire... alors soit c'est un membre de ta famille, soit c'est un très bon ami à toi!
Ria entre-ouvrit sa bouche de surprise. Ravi de son petit effet, Key présenta la marche à suivre :
— Hé ouais, moi aussi je sais lire ! Après toi, Grenade…
— Arrête de m'appeler comme ça ! s'agaça t-elle.
— Jamais !
Key entra dans la boutique après avoir laissé le passage à sa collègue irritée.
Au comptoir de caisse, Ria et Key se renseignèrent auprès de M.Ortiz, le buraliste, au sujet du billet de loterie.
— D'après le rapport de la présidente de LuckyGame, vos caméras ne fonctionnaient plus le jour où le ticket gagnant a été acheté, rapporta Ria.
Ortiz lissa à l'aide de son pouce et de son index les commissures de ses lèvres puis répondit :
— C'est vrai… Elles sont tombées en panne une semaine avant.
Torres comprit que le buraliste les mena en bateau.
— Vous mentez.
— Quoi ?
— Vos caméras ne sont pas tombées en pannes.
— J'vous conseille de nous dire la vérité ou la liste des suspects risque de s'allonger, le menaça Key.
Le buraliste déglutit face aux regards déterminés des experts en mensonge et avoua :
— Hum… Écoutez… Je n'ai pas menti, les caméras sont défectueuses depuis plusieurs mois. C'est machins-là ça coûte la peau des fesses, et c'est pas avec c'que je gagne que je pourrai m'en payer d'autres. Alors, j'ai dit à l'assurance qu'elles ne fonctionnaient plus du tout pour qu'elles soient remplacées…
— Vous avez les bandes ?
— Non, les caméras sont éteintes. Je les ai laissé pour dissuader les voleurs.
— Vous n'avez aucune idée à qui pourrait appartenir ce billet ? demanda Ria.
Le buraliste secoua négativement la tête.
— Vous savez, j'ai une vingtaine de clients qui passent chaque jour ici, alors je ne retiens pas tous leur visage.
Key arbora un air de suspicion à ces propos et signala :
— Pour un commerce de quartier, vous avez forcément des habitués que vous devez connaître.
L'interrogé toussota et dériva son regard avant de répondre :
— Bien sûr, ils s'installent parfois au bar d'en face. Vous pouvez toujours essayer de leur poser la question, mais ils vont répondront surement que le billet leur appartient.
— Et ceux-là, ils ne vous disent rien ? réclama Key, en présentant les photos de Boyd, West et Hansen.
Au visage d'Hansen, Ortiz retint sa respiration et pinça ses lèvres.
— Non, désolé…
L'interrogatoire terminé, Key et Ria quittèrent l'établissement pour se retrouver devant la vitrine.
— Il ment pour Hansen, avança Key. Il l'a tout de suite reconnu.
— Pour quelle raison mentirait-il ?
— Soit il l'a reconnu comme étant le détenteur du billet, soit il a un quelconque lien avec lui…
Les deux experts en mensonge dérivèrent en même temps leur regard sur le bar d'en face. Ils marchèrent jusqu'à la terrasse et observèrent les dizaines de clients attablés. D'un froncement de sourcils, Ria souffla derrière ses lunettes de soleil :
— Il faut qu'on trouve les habitués…
Key analysa chaque profil avec attention. Il cibla un groupe de trois hommes buvant des verres d'alcool et fumant des cigarettes avec pour lecture du jour un journal débriefant les exploits sportifs du dernier match de foot. Turner esquissa un sourire et dit :
— Ceux qui boivent du whisky à 14H de l'après-midi !
D'un seul mouvement, Key et Ria accostèrent les trois hommes sirotant tranquillement leur verre.
— Bonjour Messieurs, les salua Ria, seriez-vous des habitués du bureau de tabac d'en face ?
— Ouais, ma jolie ! confirma un des hommes. On y achète toujours notre journal et nos cigarettes. Pourquoi cette question, tu veux des réductions ?
Les deux autres hommes ricanèrent à cette lourde plaisanterie. Une boutade qui ne sembla pas toucher Torres continuant son interrogatoire :
— Connaissez-vous une personne qui viendrait tous les mardis matin à 9H ?
— P'être que oui p'être que non…
Ria devina à son expression narquoise que le client se jouait d'elle. Il était fort à parier qu'il connaissait l'identité de l'habitué du tabagie. Elle soupira légèrement désabusée :
— Vous connaissez son nom ?
— Et j'gagne quoi en échange ?
Perdant patience, Torres s'apprêta à rembarrer le client, mais Key s'interposa rapidement :
— T'as un billet de 50 sur toi ?
La brune arbora un air surpris.
— Donne-le moi !
Puis, elle émit une mine contrariée.
— Je te rembourserai !
D'un soupir contraint, Ria donna finalement un billet de 50 dollars à son collègue. Key récupéra ensuite trois verres de shot à la table voisine pour les aligner sur celle des trois hommes.
— Si vous arrivez à faire tenir le verre du milieu avec ce billet, vous pourrez le récupérer, mais si vous échouez, vous me dites qui est le gars qui vient tous les mardis.
L'esprit joueur, le client accepta immédiatement le marché. Il entreprit divers combinaisons, mais échoua inexorablement à trouver la solution. Au bout de quelques minutes, Key demanda malicieusement :
— Vous abandonnez ?
Le client croisa ses bras et demanda avec un air de défit :
— Donnez-moi la solution ?
— Donnez-moi le nom.
— J'connais juste son prénom. Mike, c'est un SDF qui vient tenter sa chance au loto. Il traine toujours au carrefour. Le buraliste le connait mieux que nous. On ne l'a pas vu ces jours-ci… Alors ?
D'un demi-sourire, Key prit le billet, le plia comme un accordéon et le plaça sur le bout des deux verres. Le billet désormais rigide, Key posa le verre de shot sur le billet de banque. Le client lâcha un soupir rieur et complimenta :
— Bien joué, gamin.
Key rendit le billet à Ria.
— Où t'as appris ça ? l'interrogea t-elle.
— J'ai eu plusieurs vies, répondit simplement le jeune homme en s'éloignant sous les yeux intrigués de la brune.
oOo
Chez Mme Wright, Cal et Gillian inspectèrent la modeste maison de la veille dame. Les meubles étaient anciens et légèrement poussiéreux. Dans un coin du salon, l'expert en mensonge examina une pile de journaux et du courrier non-trié.
— Mme Wright a dû mal à gérer sa maison… Il y a du courrier non-ouvert qui date d'avant sa crise cardiaque…
— Elle ressent beaucoup de culpabilité, indiqua Gillian. Elle aurait voulu mieux protéger son petit-fils bien que sa condition physique l'empêche de faire certaines choses…, ajouta t-elle, en abaissant son regard au sol.
Cal capta l'expression de son amie, mais il préféra ne pas l'interrompre.
— Avec sa récente crise cardiaque… j'ai peur de ce qu'il va être de son avenir…
— Avant de penser à son avenir, je propose de reconstruire son présent. Sa chambre est à l'étage.
Foster acquiesça. Elle monta à l'étage avec son ami pour se rendre dans la chambre du petit garçon. Il y avait un lit, un bureau et un placard. Tout était parfaitement ordonné. Aucun jouet jonchait au sol communément au chambre d'enfant de cet âge. Les murs étaient principalement décorés par les multiples dessins d'Ethan avec une photo de lui et de sa mère collée au-dessus de son lit. La psychologue regarda tristement la photo et la décrocha du mur pour voir à quelle date celle-ci avait été prise.
— Cette photo a été prise un an avant la mort de sa mère… Pauvre Ethan…
Cal arbora un air de compassion et souffla :
— J'ai toujours peur qu'une chose pareille puisse arriver à Em'…
— Te connaissant, tu as dû lui apprendre à bien se défendre, sourit-elle légèrement.
— C'est vrai, approuva t-il avec un léger sourire.
Foster regarda avec attention les dessins d'Ethan et déclara :
— Cal, regarde ses dessins. Ils sont très colorés et ils représentent tous la nature.
— Montre-moi les dessins que t'a donné Mme. Phelps.
Gillian s'exécuta et Cal les compara.
— La seule chose d'identique, c'est la représentation de la nature, signala t-il.
— La nature c'est son univers, son seul repère.
— Le plus intéressant, c'est qu'il n'y a aucun personnage dans ses dessins colorés.
— Ethan a dessiné ces dessins après la mort de sa mère. La forêt est un lieu qu'il partageait avec elle. Malgré la douleur de sa perte, il a continué à représenter la nature sans jamais la dénigrer. Or dans ses dessins sombres, son univers a basculé, tout est négatif. Une personne y est entrée et a changé sa manière de voir le monde.
— Il va falloir qu'Ethan nous parle…
oOo
L'affaire du billet de loterie était toujours au point mort. Un soir, Key s'était isolé dans la salle d'analyse pour visionner les vidéos des interrogatoires des trois possibles vainqueurs du billet de loterie. Ria ignorait la prise d'initiative du jeune homme qui avait préféré garder son activité nocturne sous silence. Surprendre était son maitre mot. Il grignota un gâteau sec dont les miettes perlaient sur son bureau avec les pieds nonchalamment posés sur celui-ci. Il regarda hagard les images défiler sur son écran d'ordinateur lorsqu'une expression triomphante se figea sur son visage. L'enquête allait enfin pouvoir avancer et cela grâce à lui ! Il imaginait déjà les deux zéros ajoutés à son chèque de fin de mois et aux basses qu'il installerait dans sa future voiture.
oOo
Après plusieurs échanges infructueux, Gillian décida d'employer une nouvelle technique d'approche avec Ethan. Elle devait partager son univers pour essayer de le comprendre et d'entrer en communication avec lui. Pour cela, elle convia Ethan à un nouveau rendez-vous. Le petit garçon avait été emmené dans un pièce spécifique prévue pour les enfants. Une chaleureuse décoration permettait à l'enfant de ne pas se rendre compte de la situation stressante qu'il pouvait vivre. La psychologue prit place avec Ethan, autour de la petite table, en pleine élaboration d'un nouveau dessin. Dans un premier temps, elle garda le silence et dessina avec lui. Elle lui demanda si elle pouvait lui emprunter un crayon puis une gomme… Peu à peu, Ethan s'intéressa à Gillian et s'arrêta de dessiner pour essayer de jeter un oeil à l'oeuvre de la psychologue. D'un fin sourire, elle lui demanda implicitement s'il désirait voir son dessin. Un sourire apparut sur le visage d'Ethan qui hocha la tête pour découvrir une magnifique fleur colorée et parfaitement exécutée par la dessinatrice.
— Tu veux le garder ?
À ses côtés, Robins interpréta les paroles de Foster. Ethan accepta joyeusement le cadeau. Non-sûre d'elle, la psychologue interpella à nouveau le petit garçon désormais plus en confiance.
— Ethan ?
L'enfant leva son regard de son dessin et rencontra le visage souriant de Gillian.
— On a regardé tes dessins… et je me demandais… si c'est toi le petit garçon qui pleur ?
Ethan répondit positivement.
— Tu peux me dire pourquoi ?
Ethan montra la masse noire.
— C'est ça qui t'a fait du mal ?
"Oui". Les pupilles du garçonnet se dilatèrent de peur.
— Est-ce que c'est un professeur ?
"Non".
— Est-ce que c'était une personne qui était avec toi pendant la sortie scolaire ?
Robins fit la traduction et Ethan se réfugia instantanément dans son dessin.
— C'est ça…, conclut tristement Gillian.
oOo
IV
Dans son bureau, Cal visionna avec l'aide de Sarah les interrogatoires capturés la veille, par elle et l'inspecteur Brewer, des deux principaux suspects chargés d'organiser la sortie extra-scolaire. L'un s'appelait M. Palmer et le second M. Jordan. Cal activa un passage où Brewer résuma les faits à Jordan. L'expert en mensonge focalisa toute son attention sur le visage de l'éducateur.
— Mâchoire contractée, pupilles dilatées, et poings serrés, exposa t-il. Jordan est extrêmement furieux et honteux… Il passe une main sur son front lorsque Brewer lui demande s'il savait qu'Ethan a été molesté.
— Vous croyez qu'il est le coupable ?
— Non, je ne vois aucune excitation sur son visage. Je crois qu'il se sent juste coupable de ne pas avoir su protéger Ethan…
Cal appuya sur une touche de son clavier d'ordinateur et passa à l'interrogatoire de Palmer.
Brewer : Saviez-vous qu'Ethan a subi des abus sexuels ?
Palmer : Non, je n'étais pas au courant. Je suis… profondément attristé… comment une telle chose a pu se produire…
— Que voyez-vous ? quémanda Cal à Sarah.
— Palmer affirme qu'il est triste pourtant… je ne vois aucune unité qui le prouve.
— Exact !
Cal zooma sur le visage de Palmer et pointa un détail sur l'écran.
— Ce sourire en coin, c'est de la joie !
— De la joie ?
— Il jubile. Dans son langage corporel, je ne distingue aucune forme de contrariété, expliqua t-il avec des gestes de ses mains. On l'accuse d'avoir abusé un enfant et contrairement à Jordan qui reste sur la défensive et qui est totalement offusqué par ce dont on l'accuse, Palmer est… décontracté… comme s'il savait qu'on ne pourrait rien lui reprocher…
De retour de son entretien avec Ethan, Gillian interrompit ce moment d'interrogation en apparaissant dans le bureau de son ami. Cal se retourna immédiatement vers sa collègue pour lui demander :
— Alors, comment ça se passe avec le petit ?
— Je crois que je tiens quelque chose. Ethan ne m'a pas révélé qui était l'auteur de son agression, mais il a eu une vive réaction lorsque j'ai mentionné la sortie scolaire dont sa grand-mère nous a parlé. Il faudra encore plus de séance et de temps pour qu'Ethan puisse parler de ce qu'il a subi et évoquer son agresseur…
— Tu sais ce qu'on dit, on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre.
— Et vous ?
— On a visionné les deux interrogatoires des deux éducateurs qui s'occupaient de cette sortie, résuma Sarah. L'un deux, M. Palmer, semblait particulièrement décontracté face à la situation.
Gillian mima une expression interrogative.
— S'il était coupable, il devrait éprouver du stress ?
— Excepté s'il est persuadé que rien ne peut lui être reproché, contra Lightman d'un pincement de lèvres.
oOo
Key s'amusait depuis plusieurs minutes à jongler avec une petite balle dans la salle d'attente du Lightman Group. Un lancé plus tard, il entendit les portes principales de l'agence s'ouvrir sur sa collègue retardataire. Elle traversa le couloir d'un pas pressé alors qu'il s'empressa de la rejoindre pour la narguer:
— Dis-moi, ne serais-tu pas en retard ? Ça risque de te coûter un blâme…
— Une histoire à régler.
— Avec la même personne ?
Ria le fusilla du regard. Sans transition, Key garda une expression neutre et enchaina :
— J'ai quelque chose à te montrer qui va surement me donner encore quelques points en plus dans ton boulot d'inspecteur gadget.
La jeune femme arbora un regard intrigué face à l'air mystérieux de Turner.
Une fois dans la salle d'analyse, Key présenta la vidéo qu'il avait autrefois visionné. D'un froncement de sourcils, Ria identifia rapidement le document :
— Ce sont les interrogatoires des suspects…
— Ouais, mais regarde ça.
Turner avança la vidéo au moment où Ria et lui établissaient une mise au point après la fin des interrogatoires. La caméra toujours en action, il zooma dans le couloir adjacent à la salle de conférence. Grâce à la baie vitrée, on pouvait parfaitement distinguer les trois suspects espacés un mètre l'un de l'autre et évitant soigneusement les regards de chacun.
— T'as vu ça !
— Ils évitent de se regarder, conclut Ria ravie par ce nouvel élément.
— Ouaip et ce n'est pas tout. Quand M. Hansen a été interrogé, Mme West n'a pas cessé de le fixer en gardant sa respiration avec sa main droite emprisonnant son biceps gauche qui d'après le livre du boss est...
— Une symbolique de l'instinct de survie, compléta t-elle.
— Sans compter que son langage corporel est plus tendue que le string d'une de mes ex qu'au moment où elle a été elle-même interrogée !
— Cela peut aussi signifier que West avait peur qu'on puisse conclure que le billet appartenait à Hansen.
— Nop ! Sinon elle aurait eu la même attitude lorsque c'était au tour de Boyd. Je crois qu'ils se connaissent et que Mme West a un lien avec Hansen.
— Lequel ?
— On a que aller lui demander. Il parait que la bouffe de l'hôpital n'est pas si mauvaise. C'est peut-être pas les mêmes resto' où il t'invite, mais au moins on ne va pas se ruiner !
Ria leva ses yeux au ciel à l'allusion moqueuse du jeune homme se balançant sur sa chaise.
oOo
Dans un couloir du Lightman Group, Gillian discutait avec Robins des derniers éléments de l'enquête trouvés par l'équipe.
— On pense qu'un des éducateurs de la sortie en forêt peut être l'agresseur d'Ethan. Malheureusement, Ethan n'est pas encore apte à parler de ce qu'il a vécu ou de la personne responsable de son traumatisme.
— Vous pensez qu'un jour il le fera ?
— Je le pense, mais il faudra encore plusieurs séances pour arriver à ce résultat… Il va falloir qu'on trouve le coupable sans son aide.
Assis en tailleur contre un mur, Ethan attendait sagement le retour de sa tutrice en dessinant comme à son habitude. En pleine création, il intercepta un étrange bruit de papier froissé. Il leva son regard et remarqua un curieux bonhomme assis sur un banc en train de manger une barre chocolaté. C'était Cal. Le petit garçon regarda avec envie l'homme déguster sa sucrerie. L'expert en mensonge savait parfaitement qu'Ethan lorgnait sur celle-ci, mais il continua silencieusement sa pause sucrée. Arrivé à la moitié de sa barre, il la lui présenta puis se leva sans rien dire pour se rendre dans la salle de restauration. Curieux, le petit garçon suivit les pas de l'homme à l'étrange démarche. Il entra prudemment dans la salle pour découvrir l'adulte devant une étagère où était entreposé divers provision comme du café, du thé, des boites de gâteaux... Ethan se plaça à ses côtés. Non loin de là, Gillian observa attentivement la scène avec Robins. Lightman resta immobile puis pointa du doigt la boite de gâteaux de la même barre qu'il venait d'entamer. Le petit garçon comprit le message et tira sur un bout de sa veste en pointant la boite qui était bien trop haute pour sa petite taille.
Dans le silence le plus complet, Cal s'installa à une table de la cantine alors qu'Ethan lui indiqua de l'aider à assouvir sa faim. Refusant de bouger, Lightman poussa pour toute réponse une chaise avec son pied. La gourmandise consuma le garçonnet fixant l'adulte dévorer sa barre chocolatée. Une expression déterminée s'afficha sur le visage d'Ethan trainant la chaise jusqu'à l'étagère afin d'y atteindre la boite. Une fois celle-ci entre ses mains, il descendit de sa chaise puis la replaça afin de s'y installer. D'un air victorieux, il croqua sa barre en regardant le visage souriant de Cal appréciant tout autant sa sucrerie en bonne compagnie.
— C'est incroyable…, souffla Robins ébahie.
— Je crois qu'Ethan ne veut plus être considéré comme une victime…, expliqua Gillian. Les dessins l'ont aidé à progresser pour sa surdité, mais sa régression est émotionnelle. Il a besoin qu'on lui montre qu'on croit en lui.
oOo
À l'hôpital, Key et Ria demandèrent à voir Mme West qui était infirmière en service de chirurgie. La jeune femme paraissait anxieuse de leur visite à l'improviste. Dans un couloir, où personnel et patient allaient et venaient, l'infirmière se défendit face à ses investigateurs.
— Je croyais vous avoir tout dit.
— Mme West, saviez-vous que M. Hansen travaille dans des bureaux à seulement quelques mètres de votre hôpital ? demanda Torres.
— Je ne le savais pas…
— Lors de votre interrogatoire, nous avons remarqué votre anxiété lorsque nous avons interrogé M. Hansen.
— C'est normal, j'avais peur que vous remettiez en doute ma version des faits.
— Cela aurait pu être possible si vous aviez eu la même réaction lorsque ce fut au tour de M. Boyd d'être interrogé.
— Que dois-je comprendre ?
— Nous pensons que vous avez un lien avec M. Hansen, annonça Turner.
— Et bien vous vous trompez, réfuta t-elle avec colère.
Soudainement, une femme en blouse blanche s'interposa dans la conversation pour proposer à West :
— Sam', tu veux que je m'occupe de tes patients ?
D'un geste rapide, West serra la liste de ses patients contre elle et refusa :
— Non, ça va aller, merci Irène...
— Tu es sûre ?
— Oui ne t'inquiète pas.
Irene acquiesça et vaqua à ses occupations. L'air ennuyé, Mme West déclara sèchement :
— Écoutez, j'ai des patients qui m'attendent alors si vous n'avez pas de preuve de ce que vous avancez, je voudrais pouvoir me remettre au travail.
Ni Turner ni Torres ne trouvèrent quelque chose à redire. Mme West tourna les talons et s'éloigna rapidement des deux jeunes gens.
— Ils ont un lien, conclut Key avec conviction.
oOo
Au Lightman Group, Cal reçut un mail de Brewer avec des pièces jointes.
— Brewer a trouvé des vidéos datant de la sortie périscolaire…
En compagnie de Gillian et Sarah, Cal activa dans son bureau la vidéo du premier jour de la sortie en question. On y voyait une foule d'enfants regroupés devant un car avec des bagages à la main. Le bus était prêt à partir. Ethan embrassait sa grand-mère pour lui dire au revoir. Dans la cohue générale, Palmer suivit du regard le petit garçon saluer les autres enfants.
— Ethan semble heureux d'être avec ses camarades, analysa Gillian.
Cal avança la vidéo d'une heure. Le groupe d'excursion se trouvait désormais en pleine forêt. Des groupes d'enfants effectuaient plusieurs activités avec l'aide de Palmer et de Jordan. Ethan s'amusait avec ses camarades et en particulier avec Palmer qui semblait ne plus vouloir le lâcher.
— Palmer semble s'être fait un nouvel ami…, maugréa Cal avant de passer la bande pour visionner le troisième jours d'excursion.
— Regarde Ethan, indiqua Gillian, en désignant le petit garçon éloigné du groupe et complètement replié sur lui-même.
— Le comportement d'Ethan a totalement changé… Il se détourne des autres… Il s'isole et ne souhaite participer à aucune activité. Attends, mets sur pause ! Jordan va voir Ethan et ensuite Palmer… La caméra est trop éloignée pour qu'on entende ce qu'ils disent.
— Je peux essayer de lire sur leurs lèvres ? proposa Sarah.
Cal effectua un retour en arrière et zooma sur Jordan discutant avec Ethan. Sarah se concentra sur les lèvres remuantes de l'éducateur et commença à traduire la conversation pour ses patrons :
— Jordan demande à Ethan ce qu'il a. Ethan ne répond pas. Jordan part voir Palmer et lui demande pourquoi Ethan à un comportement si étrange depuis deux jours. Palmer lui répond qu'Ethan aurait mangé quelque chose qui l'aurait fait vomir, mais que cela allait surement passer.
— Une réponse qui s'accompagne d'un saut d'épaule, répliqua Cal avec mépris.
— Tu penses que c'est lui l'agresseur ? l'interrogea Gillian.
L'expert en mensonge recula la vidéo au moment où le groupe d'enfants étaient rassemblés devant le car et focalisa son attention sur Palmer.
— Palmer fait entrer les enfants un par un dans le car, mais son regard dérive toujours sur Ethan.
Dans la file, Ethan passa devant Palmer. Lightman arrêta la vidéo et zooma sur le visage de Palmer :
— Pupilles dilatées, souffle écourté, narines dilatées…
— C'est de l'excitation sexuelle, conclut Gillian horrifiée.
— Cette ordure l'avait ciblé dès le premier jour. C'est lui le violeur, ragea Cal.
oOo
Au même instant, Torres et Turner étaient retournés au Lightman Group pour chercher un indice prouvant un lien entre Mme West et M. Hansen. Malheureusement, aucune de leurs recherches n'aboutirent à une nouvelle révélation. Charles, un employé de l'agence embauché en même temps que Sarah, entra avec un CD entre ses mains.
— Vous avez trouvé quelque chose ?
— Que dalle…, soupira Key.
— Tout ce qu'on sait c'est qu'ils côtoient le même tabagie… et que leur lieu de travail se trouvait tous au carrefour.
— La police nous a envoyé le disque des vidéos surveillances du carrefour le jour où le billet a été acheté. La qualité n'est pas extra, mais peut-être que vous trouverez quelque chose d'intéressant.
Charles plaça le CD dans un lecteur et activa le mode lecture pour regarder la vidéo sur un écran de télévision. Les trois jeunes gens regardèrent les images défiler et focalisèrent leur attention sur le tabagie.
— On voit Mme West entrer, puis M. Hansen et M. Boyd, relata Ria.
— Ils n'ont pas menti, ajouta Key.
— C'est forcément l'un d'eux !
— Attendez, les habitués nous ont parlé d'un certain Mike, un habitué qui viendrait souvent acheter son billet.
— Charles, recule la vidéo.
L'employé s'exécuta. Sur les images on pouvait voir un homme assit sur le sol ramasser les gains de sa manche. Il se leva et entra dans le tabagie trois minutes avant l'arrivée des trois autres clients.
— C'est lui Mike ? demanda Charles.
— Il correspond à la description, répondit Torres.
— Il y aurait alors une quatrième personnes susceptible de gagner le gros lot, répliqua Key.
— Vous devriez aller l'interroger.
À la proposition de Charles, Ria rétorqua :
— Impossible, on ne connait pas son nom de famille et des témoins nous on dit qu'il n'était pas revenu sur les lieux depuis un moment…
Key afficha une expression d'interrogation et dit :
— Vous ne trouvez pas ça étrange. Comme par hasard, ce type disparait le jour suivant où le tirage a été fait ?
— Tu crois qu'il a été tué ?
— Si j'avais appris qu'un mec pesait cinq millions dollars, j'aurai tout fait pour le faire disparaitre de la surface de la planète.
— Je crois que tu as raison… L'avidité peut pousser au pire.
Une idée traversa l'esprit de Ria qui s'installa rapidement derrière un ordinateur pour taper la date du jour où le billet avait été acheté. Elle éplucha divers articles de journaux avant de se tétaniser à la lecture d'un fait divers des plus intéressant. Un accident de voiture aurait eu lieu au coin du carrefour du tabagie fauchant un SDF hospitalisé en urgence. D'après le rapport de police, l'incident aurait été provoqué par un jeune homme fortement alcoolisé.
Key et Ria se renseignèrent en profondeur sur l'affaire puis se rendirent au pénitencier de Boston pour rencontrer l'auteur de l'accident. Ils découvrirent un jeune homme de 17 ans presque chétif l'air perdu avec un coquard violacé à l'oeil droit. Nul doute qu'un autre prisonnier avait fait de lui son souffrir personnel. Derrière une vitre de séparation, Ria parla avec le criminel :
— Dans un article, il est dit que tu as renversé un SDF ?
Revêche, l'adolescent jasa :
— Si j'me trouve ici, c'est qu'il doit avoir une raison !
— T'as pas l'air d'un gars qui cause des ennuis…, répliqua Key suspicieux.
— Pt'être que si !
— D'après ton dossier, enchaina Ria, tu n'as jamais été fiché et ton dossier scolaire est parfait. Pourquoi avoir ce jour-là volé la voiture de ton père, Chad ?
— J'avais bu et mon père m'avais énervé ! J'ai foncé comme un dingue et j'ai renversé le type ! Voilà !
— Tu mens, réfuta Turner.
— Dis pas que j'mens ! s'énerva le jeune homme.
— Sinon quoi, tu vas me frapper ? J'aimerai bien voir ça ! railla Key, en tapotant contre la vitre de séparation. Cela enragea un peu plus l'adolescent qui contracta sa mâchoire et serra ses poings.
— Dis-nous la vérité, réclama Ria.
— À quoi ça avancerait, on ne peut plus revenir en arrière.
— On peut changer l'avenir, assura Key.
— Dis nous la vérité, et on pourra peut-être t'aider.
Le jeune prisonnier hésita. Il regarda les expressions sincères de ses visiteurs puis abdiqua :
— Mon père a perdu son boulot, et ma mère est malade. On est quatre enfants dans la famille. J'suis l'ainé. J'avais pas l'choix… Les huissiers venaient tous les jours frapper à notre porte. Un mec m'a proposé du fric pour renverser ce type. J'ai accepté le job, j'ai bu pour me donner du courage et j'ai foncé sur lui.
— Qui t'a payé pour faire ça ? l'interrogea Ria.
Chad croisa ses bras contre son corps.
— Si tu nous dit qui c'est, on parlera avec le juge pour te transférer dans une prison pour mineur.
— À ta place j'accepterai, ajouta Key, la prochaine fois ce n'est pas qu'un coquard que tu auras le droit, mais à une glace à la fraise, si tu vois ce que je veux dire…
Le criminel déglutit puis soupira.
— J'connais pas son nom… Tout ce que je sais, c'est qu'il travaille dans un bureau de tabac.
Ria retira une photo de M. Ortiz du dossier qu'elle avait emmené et la présenta au jeune homme :
— C'est cet homme là ?
— Ouais, c'est ce gars ! Il m'a donné 5 000 dollars pour que je renverse ce SDF !
Key et Ria s'échangèrent un regard entendu. L'affaire se précisait de plus en plus...
— Mâchoire contractée, pupilles dilatées, et poings serrés, exposa t-il. Jordan est extrêmement furieux et honteux… Il passe une main sur son front lorsque Brewer lui demande s'il savait qu'Ethan a été molesté.
— Vous croyez qu'il est le coupable ?
— Non, je ne vois aucune excitation sur son visage. Je crois qu'il se sent juste coupable de ne pas avoir su protéger Ethan…
Cal appuya sur une touche de son clavier d'ordinateur et passa à l'interrogatoire de Palmer.
Brewer : Saviez-vous qu'Ethan a subi des abus sexuels ?
Palmer : Non, je n'étais pas au courant. Je suis… profondément attristé… comment une telle chose a pu se produire…
— Que voyez-vous ? quémanda Cal à Sarah.
— Palmer affirme qu'il est triste pourtant… je ne vois aucune unité qui le prouve.
— Exact !
Cal zooma sur le visage de Palmer et pointa un détail sur l'écran.
— Ce sourire en coin, c'est de la joie !
— De la joie ?
— Il jubile. Dans son langage corporel, je ne distingue aucune forme de contrariété, expliqua t-il avec des gestes de ses mains. On l'accuse d'avoir abusé un enfant et contrairement à Jordan qui reste sur la défensive et qui est totalement offusqué par ce dont on l'accuse, Palmer est… décontracté… comme s'il savait qu'on ne pourrait rien lui reprocher…
De retour de son entretien avec Ethan, Gillian interrompit ce moment d'interrogation en apparaissant dans le bureau de son ami. Cal se retourna immédiatement vers sa collègue pour lui demander :
— Alors, comment ça se passe avec le petit ?
— Je crois que je tiens quelque chose. Ethan ne m'a pas révélé qui était l'auteur de son agression, mais il a eu une vive réaction lorsque j'ai mentionné la sortie scolaire dont sa grand-mère nous a parlé. Il faudra encore plus de séance et de temps pour qu'Ethan puisse parler de ce qu'il a subi et évoquer son agresseur…
— Tu sais ce qu'on dit, on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre.
— Et vous ?
— On a visionné les deux interrogatoires des deux éducateurs qui s'occupaient de cette sortie, résuma Sarah. L'un deux, M. Palmer, semblait particulièrement décontracté face à la situation.
Gillian mima une expression interrogative.
— S'il était coupable, il devrait éprouver du stress ?
— Excepté s'il est persuadé que rien ne peut lui être reproché, contra Lightman d'un pincement de lèvres.
oOo
Key s'amusait depuis plusieurs minutes à jongler avec une petite balle dans la salle d'attente du Lightman Group. Un lancé plus tard, il entendit les portes principales de l'agence s'ouvrir sur sa collègue retardataire. Elle traversa le couloir d'un pas pressé alors qu'il s'empressa de la rejoindre pour la narguer:
— Dis-moi, ne serais-tu pas en retard ? Ça risque de te coûter un blâme…
— Une histoire à régler.
— Avec la même personne ?
Ria le fusilla du regard. Sans transition, Key garda une expression neutre et enchaina :
— J'ai quelque chose à te montrer qui va surement me donner encore quelques points en plus dans ton boulot d'inspecteur gadget.
La jeune femme arbora un regard intrigué face à l'air mystérieux de Turner.
Une fois dans la salle d'analyse, Key présenta la vidéo qu'il avait autrefois visionné. D'un froncement de sourcils, Ria identifia rapidement le document :
— Ce sont les interrogatoires des suspects…
— Ouais, mais regarde ça.
Turner avança la vidéo au moment où Ria et lui établissaient une mise au point après la fin des interrogatoires. La caméra toujours en action, il zooma dans le couloir adjacent à la salle de conférence. Grâce à la baie vitrée, on pouvait parfaitement distinguer les trois suspects espacés un mètre l'un de l'autre et évitant soigneusement les regards de chacun.
— T'as vu ça !
— Ils évitent de se regarder, conclut Ria ravie par ce nouvel élément.
— Ouaip et ce n'est pas tout. Quand M. Hansen a été interrogé, Mme West n'a pas cessé de le fixer en gardant sa respiration avec sa main droite emprisonnant son biceps gauche qui d'après le livre du boss est...
— Une symbolique de l'instinct de survie, compléta t-elle.
— Sans compter que son langage corporel est plus tendue que le string d'une de mes ex qu'au moment où elle a été elle-même interrogée !
— Cela peut aussi signifier que West avait peur qu'on puisse conclure que le billet appartenait à Hansen.
— Nop ! Sinon elle aurait eu la même attitude lorsque c'était au tour de Boyd. Je crois qu'ils se connaissent et que Mme West a un lien avec Hansen.
— Lequel ?
— On a que aller lui demander. Il parait que la bouffe de l'hôpital n'est pas si mauvaise. C'est peut-être pas les mêmes resto' où il t'invite, mais au moins on ne va pas se ruiner !
Ria leva ses yeux au ciel à l'allusion moqueuse du jeune homme se balançant sur sa chaise.
oOo
Dans un couloir du Lightman Group, Gillian discutait avec Robins des derniers éléments de l'enquête trouvés par l'équipe.
— On pense qu'un des éducateurs de la sortie en forêt peut être l'agresseur d'Ethan. Malheureusement, Ethan n'est pas encore apte à parler de ce qu'il a vécu ou de la personne responsable de son traumatisme.
— Vous pensez qu'un jour il le fera ?
— Je le pense, mais il faudra encore plusieurs séances pour arriver à ce résultat… Il va falloir qu'on trouve le coupable sans son aide.
Assis en tailleur contre un mur, Ethan attendait sagement le retour de sa tutrice en dessinant comme à son habitude. En pleine création, il intercepta un étrange bruit de papier froissé. Il leva son regard et remarqua un curieux bonhomme assis sur un banc en train de manger une barre chocolaté. C'était Cal. Le petit garçon regarda avec envie l'homme déguster sa sucrerie. L'expert en mensonge savait parfaitement qu'Ethan lorgnait sur celle-ci, mais il continua silencieusement sa pause sucrée. Arrivé à la moitié de sa barre, il la lui présenta puis se leva sans rien dire pour se rendre dans la salle de restauration. Curieux, le petit garçon suivit les pas de l'homme à l'étrange démarche. Il entra prudemment dans la salle pour découvrir l'adulte devant une étagère où était entreposé divers provision comme du café, du thé, des boites de gâteaux... Ethan se plaça à ses côtés. Non loin de là, Gillian observa attentivement la scène avec Robins. Lightman resta immobile puis pointa du doigt la boite de gâteaux de la même barre qu'il venait d'entamer. Le petit garçon comprit le message et tira sur un bout de sa veste en pointant la boite qui était bien trop haute pour sa petite taille.
Dans le silence le plus complet, Cal s'installa à une table de la cantine alors qu'Ethan lui indiqua de l'aider à assouvir sa faim. Refusant de bouger, Lightman poussa pour toute réponse une chaise avec son pied. La gourmandise consuma le garçonnet fixant l'adulte dévorer sa barre chocolatée. Une expression déterminée s'afficha sur le visage d'Ethan trainant la chaise jusqu'à l'étagère afin d'y atteindre la boite. Une fois celle-ci entre ses mains, il descendit de sa chaise puis la replaça afin de s'y installer. D'un air victorieux, il croqua sa barre en regardant le visage souriant de Cal appréciant tout autant sa sucrerie en bonne compagnie.
— C'est incroyable…, souffla Robins ébahie.
— Je crois qu'Ethan ne veut plus être considéré comme une victime…, expliqua Gillian. Les dessins l'ont aidé à progresser pour sa surdité, mais sa régression est émotionnelle. Il a besoin qu'on lui montre qu'on croit en lui.
oOo
À l'hôpital, Key et Ria demandèrent à voir Mme West qui était infirmière en service de chirurgie. La jeune femme paraissait anxieuse de leur visite à l'improviste. Dans un couloir, où personnel et patient allaient et venaient, l'infirmière se défendit face à ses investigateurs.
— Je croyais vous avoir tout dit.
— Mme West, saviez-vous que M. Hansen travaille dans des bureaux à seulement quelques mètres de votre hôpital ? demanda Torres.
— Je ne le savais pas…
— Lors de votre interrogatoire, nous avons remarqué votre anxiété lorsque nous avons interrogé M. Hansen.
— C'est normal, j'avais peur que vous remettiez en doute ma version des faits.
— Cela aurait pu être possible si vous aviez eu la même réaction lorsque ce fut au tour de M. Boyd d'être interrogé.
— Que dois-je comprendre ?
— Nous pensons que vous avez un lien avec M. Hansen, annonça Turner.
— Et bien vous vous trompez, réfuta t-elle avec colère.
Soudainement, une femme en blouse blanche s'interposa dans la conversation pour proposer à West :
— Sam', tu veux que je m'occupe de tes patients ?
D'un geste rapide, West serra la liste de ses patients contre elle et refusa :
— Non, ça va aller, merci Irène...
— Tu es sûre ?
— Oui ne t'inquiète pas.
Irene acquiesça et vaqua à ses occupations. L'air ennuyé, Mme West déclara sèchement :
— Écoutez, j'ai des patients qui m'attendent alors si vous n'avez pas de preuve de ce que vous avancez, je voudrais pouvoir me remettre au travail.
Ni Turner ni Torres ne trouvèrent quelque chose à redire. Mme West tourna les talons et s'éloigna rapidement des deux jeunes gens.
— Ils ont un lien, conclut Key avec conviction.
oOo
Au Lightman Group, Cal reçut un mail de Brewer avec des pièces jointes.
— Brewer a trouvé des vidéos datant de la sortie périscolaire…
En compagnie de Gillian et Sarah, Cal activa dans son bureau la vidéo du premier jour de la sortie en question. On y voyait une foule d'enfants regroupés devant un car avec des bagages à la main. Le bus était prêt à partir. Ethan embrassait sa grand-mère pour lui dire au revoir. Dans la cohue générale, Palmer suivit du regard le petit garçon saluer les autres enfants.
— Ethan semble heureux d'être avec ses camarades, analysa Gillian.
Cal avança la vidéo d'une heure. Le groupe d'excursion se trouvait désormais en pleine forêt. Des groupes d'enfants effectuaient plusieurs activités avec l'aide de Palmer et de Jordan. Ethan s'amusait avec ses camarades et en particulier avec Palmer qui semblait ne plus vouloir le lâcher.
— Palmer semble s'être fait un nouvel ami…, maugréa Cal avant de passer la bande pour visionner le troisième jours d'excursion.
— Regarde Ethan, indiqua Gillian, en désignant le petit garçon éloigné du groupe et complètement replié sur lui-même.
— Le comportement d'Ethan a totalement changé… Il se détourne des autres… Il s'isole et ne souhaite participer à aucune activité. Attends, mets sur pause ! Jordan va voir Ethan et ensuite Palmer… La caméra est trop éloignée pour qu'on entende ce qu'ils disent.
— Je peux essayer de lire sur leurs lèvres ? proposa Sarah.
Cal effectua un retour en arrière et zooma sur Jordan discutant avec Ethan. Sarah se concentra sur les lèvres remuantes de l'éducateur et commença à traduire la conversation pour ses patrons :
— Jordan demande à Ethan ce qu'il a. Ethan ne répond pas. Jordan part voir Palmer et lui demande pourquoi Ethan à un comportement si étrange depuis deux jours. Palmer lui répond qu'Ethan aurait mangé quelque chose qui l'aurait fait vomir, mais que cela allait surement passer.
— Une réponse qui s'accompagne d'un saut d'épaule, répliqua Cal avec mépris.
— Tu penses que c'est lui l'agresseur ? l'interrogea Gillian.
L'expert en mensonge recula la vidéo au moment où le groupe d'enfants étaient rassemblés devant le car et focalisa son attention sur Palmer.
— Palmer fait entrer les enfants un par un dans le car, mais son regard dérive toujours sur Ethan.
Dans la file, Ethan passa devant Palmer. Lightman arrêta la vidéo et zooma sur le visage de Palmer :
— Pupilles dilatées, souffle écourté, narines dilatées…
— C'est de l'excitation sexuelle, conclut Gillian horrifiée.
— Cette ordure l'avait ciblé dès le premier jour. C'est lui le violeur, ragea Cal.
oOo
Au même instant, Torres et Turner étaient retournés au Lightman Group pour chercher un indice prouvant un lien entre Mme West et M. Hansen. Malheureusement, aucune de leurs recherches n'aboutirent à une nouvelle révélation. Charles, un employé de l'agence embauché en même temps que Sarah, entra avec un CD entre ses mains.
— Vous avez trouvé quelque chose ?
— Que dalle…, soupira Key.
— Tout ce qu'on sait c'est qu'ils côtoient le même tabagie… et que leur lieu de travail se trouvait tous au carrefour.
— La police nous a envoyé le disque des vidéos surveillances du carrefour le jour où le billet a été acheté. La qualité n'est pas extra, mais peut-être que vous trouverez quelque chose d'intéressant.
Charles plaça le CD dans un lecteur et activa le mode lecture pour regarder la vidéo sur un écran de télévision. Les trois jeunes gens regardèrent les images défiler et focalisèrent leur attention sur le tabagie.
— On voit Mme West entrer, puis M. Hansen et M. Boyd, relata Ria.
— Ils n'ont pas menti, ajouta Key.
— C'est forcément l'un d'eux !
— Attendez, les habitués nous ont parlé d'un certain Mike, un habitué qui viendrait souvent acheter son billet.
— Charles, recule la vidéo.
L'employé s'exécuta. Sur les images on pouvait voir un homme assit sur le sol ramasser les gains de sa manche. Il se leva et entra dans le tabagie trois minutes avant l'arrivée des trois autres clients.
— C'est lui Mike ? demanda Charles.
— Il correspond à la description, répondit Torres.
— Il y aurait alors une quatrième personnes susceptible de gagner le gros lot, répliqua Key.
— Vous devriez aller l'interroger.
À la proposition de Charles, Ria rétorqua :
— Impossible, on ne connait pas son nom de famille et des témoins nous on dit qu'il n'était pas revenu sur les lieux depuis un moment…
Key afficha une expression d'interrogation et dit :
— Vous ne trouvez pas ça étrange. Comme par hasard, ce type disparait le jour suivant où le tirage a été fait ?
— Tu crois qu'il a été tué ?
— Si j'avais appris qu'un mec pesait cinq millions dollars, j'aurai tout fait pour le faire disparaitre de la surface de la planète.
— Je crois que tu as raison… L'avidité peut pousser au pire.
Une idée traversa l'esprit de Ria qui s'installa rapidement derrière un ordinateur pour taper la date du jour où le billet avait été acheté. Elle éplucha divers articles de journaux avant de se tétaniser à la lecture d'un fait divers des plus intéressant. Un accident de voiture aurait eu lieu au coin du carrefour du tabagie fauchant un SDF hospitalisé en urgence. D'après le rapport de police, l'incident aurait été provoqué par un jeune homme fortement alcoolisé.
Key et Ria se renseignèrent en profondeur sur l'affaire puis se rendirent au pénitencier de Boston pour rencontrer l'auteur de l'accident. Ils découvrirent un jeune homme de 17 ans presque chétif l'air perdu avec un coquard violacé à l'oeil droit. Nul doute qu'un autre prisonnier avait fait de lui son souffrir personnel. Derrière une vitre de séparation, Ria parla avec le criminel :
— Dans un article, il est dit que tu as renversé un SDF ?
Revêche, l'adolescent jasa :
— Si j'me trouve ici, c'est qu'il doit avoir une raison !
— T'as pas l'air d'un gars qui cause des ennuis…, répliqua Key suspicieux.
— Pt'être que si !
— D'après ton dossier, enchaina Ria, tu n'as jamais été fiché et ton dossier scolaire est parfait. Pourquoi avoir ce jour-là volé la voiture de ton père, Chad ?
— J'avais bu et mon père m'avais énervé ! J'ai foncé comme un dingue et j'ai renversé le type ! Voilà !
— Tu mens, réfuta Turner.
— Dis pas que j'mens ! s'énerva le jeune homme.
— Sinon quoi, tu vas me frapper ? J'aimerai bien voir ça ! railla Key, en tapotant contre la vitre de séparation. Cela enragea un peu plus l'adolescent qui contracta sa mâchoire et serra ses poings.
— Dis-nous la vérité, réclama Ria.
— À quoi ça avancerait, on ne peut plus revenir en arrière.
— On peut changer l'avenir, assura Key.
— Dis nous la vérité, et on pourra peut-être t'aider.
Le jeune prisonnier hésita. Il regarda les expressions sincères de ses visiteurs puis abdiqua :
— Mon père a perdu son boulot, et ma mère est malade. On est quatre enfants dans la famille. J'suis l'ainé. J'avais pas l'choix… Les huissiers venaient tous les jours frapper à notre porte. Un mec m'a proposé du fric pour renverser ce type. J'ai accepté le job, j'ai bu pour me donner du courage et j'ai foncé sur lui.
— Qui t'a payé pour faire ça ? l'interrogea Ria.
Chad croisa ses bras contre son corps.
— Si tu nous dit qui c'est, on parlera avec le juge pour te transférer dans une prison pour mineur.
— À ta place j'accepterai, ajouta Key, la prochaine fois ce n'est pas qu'un coquard que tu auras le droit, mais à une glace à la fraise, si tu vois ce que je veux dire…
Le criminel déglutit puis soupira.
— J'connais pas son nom… Tout ce que je sais, c'est qu'il travaille dans un bureau de tabac.
Ria retira une photo de M. Ortiz du dossier qu'elle avait emmené et la présenta au jeune homme :
— C'est cet homme là ?
— Ouais, c'est ce gars ! Il m'a donné 5 000 dollars pour que je renverse ce SDF !
Key et Ria s'échangèrent un regard entendu. L'affaire se précisait de plus en plus...
V
Plus tard, M. Ortiz fut convié dans la petite salle d'interrogatoire du Lightman Group. L'homme était anxieux et transpirait. Ria enregistra ses éléments pour la suite de l'entretient et demanda en s'installant en face de l'interrogé avec un dossier :
— Un problème Monsieur Ortiz ?
— Non…, toussota le buraliste. Combien de temps vous allez me retenir ici, c'est que j'ai un commerce à faire tourner moi…
— Si vous nous dites la vérité, vous pourrez sortir d'ici rapidement, le rassura t-elle avec un fin sourire. Elle ouvrit le dossier sur la table et glissa la photo du SDF qui avait été renversé.
— Connaissez-vous cet homme ?
— Heu… il ne me dit rien…
— Vraiment ? Pourtant des clients à vous affirment que c'est un habitué et que vous étiez proche de lui.
— D'ailleurs, enchaina Turner adossé contre un mur, d'après les caméras de surveillances du carrefour, il viendrait tous les mardis vous rendre une petite visite.
Ortiz comprit qu'il venait d'être piégé et s'exclama :
— Aaah oui ! Miky ! Je ne l'avais pas reconnu sans sa barbe…
— Bien sûr…, soupira Ria. Pourquoi ne pas nous avoir dit que cet homme était venu dans votre tabagie ?
— Je… Je vous l'ai dit, il y a beaucoup de va et vient… et avec mon travail…
— Arrêtez M. Ortiz, vous saviez parfaitement qu'il était venu ce jour-là et le plus étrange c'est qu'il a disparu le jour suivant où on a appris le résultat du loto. On a fait des recherches et il s'est avéré que cet homme se nomme Michael Fields, un sdf qui s'est fait faucher au carrefour par un gamin de 17 ans du nom de Chad Norris.
— En quoi ça me concerne ? exigea t-il sur la défensive.
— Chad nous a avoué que vous l'avez payé pour renverser M. Fields.
— Vous allez croire un gamin de 17 ans plutôt que moi ?
— Oui, parce que lui il dit la vérité !
Key se déplaça derrière Ortiz et souffla menaçant au creux de son oreille :
— J'vous conseille d'en faire de même. Sinon, vous risquez d'échanger vos places et de remplacer le congélateur des prisonniers en manque de friandises glacées.
Effrayé et à bout de nerfs, Ortiz s'étrangla :
— Ce n'était pas mon idée ! C'est lui qui m'a dit de faire ça !
— M. Hansen ? proposa Key en échangeant un regard avec Torres.
— Oui… Il m'a dit de garder le silence ou il ferait tout pour faire fermer mon commerce. J'ai des problèmes bancaires, il avait les moyens de me causer encore plus de problème… Alors il m'a dit de tout faire pour le faire disparaitre. En échange, il m'aurait donné un pourcentage du pactole…
— Comment savait-il que Fields avait les bons numéros ?
— Un jour, Miky s'est vanté d'utiliser toujours la même combinaison. Ce jour là, Boyd et Hansen étaient présents…
— Mme West, comment a t-elle obtenu le billet ? demanda à son tour Torres.
— Je ne sais pas… Je vous ai tout dit…, dit-il en se passant une main lasse sur son visage.
L'interrogatoire terminé, Key et Ria se réunirent dans la salle d'analyse.
— On ne sait toujours pas comment West a récupéré le billet, dit Ria. Ortiz et Hansen ont causé l'accident de Fields, mais West n'a rien avoir avec ça. D'après son planning, elle était en service ce jour là. Boyd a sans doute vu l'accident de son chantier au coin du carrefour et il a dû vouloir profiter de la situation en apprenant l'histoire.
Turner afficha un air d'interrogation et commanda :
— Fais voir l'article.
Torres donna un copie du journal à son collègue. Il l'examina et proclama :
— Grenade, je sais ce qui s'est passé…
À la société LuckyGame, Key et Ria s'étaient préparés pour un ultime face à face avec les trois possibles détenteurs du billet gagnant. Dans la salle de conférence, Mme Russel se tenait dans un coin et observait en silence la future scène qui allait se dérouler sous ses yeux. La photo de M. Fields fut donné aux trois suspects.
— Reconnaissez-vous cet homme ? réclama Torres.
Aucun des trois ne répondirent bien que leurs visages cautionnèrent.
— Saviez-vous que cet homme a été renversé le lendemain du tirage ?
— Quel rapport cela a t-il avoir avec cette histoire ?! s'énerva Hansen.
— Calme-toi, cresus ! jasa Turner.
Ria apprécia intérieur le soutient de son collègue et proclama plus sûre d'elle :
— Cet homme est le lien qui vous uni tous les trois, car il est le seul gagnant du billet.
— C'est incensé ! s'offusqua West.
— Il y a un quatrième gagnant ? s'étonna Russel.
— Nous avons regardé les caméras de surveillance du carrefour et elles prouvent que M. Fields y est entré, ajouta Key.
— Cela ne veut pas dire qu'il a acheté ce billet ! réfuta Hansen.
— C'est vrai… cela prouve juste que vous vous êtes croisés.
— Et alors ?
— M. Ortiz nous a affirmé que vous l'avez menacé pour tuer M. Fields en échange de quoi, vous lui donerriez une partie du gain.
— C'est totalement absurde, contra Hansen d'une voix aiguë.
— M. Fields a été transporté à l'hôpital. Ce jour-là, Mme West était de service, argua Torres en présentant comme preuve le planning de West. Elle a surement dû reconnaitre M. Fields et voir les résultats de loterie. Elle savait que Fields avait payé son ticket en liquide et vu qu'il était dans le coma, qui chercherait à savoir qu'il avait un ticket de loterie sur lui. Elle l'a donc subtilisé dans ses affaires personnelles puis elle s'est faite passée pour la gagnante. C'est pour ça que vous étiez anxieuse lorsque nous sommes venus à l'hôpital et que vous avez refusé que votre collègue s'occupe de vos patients. Vous aviez peur qu'on puisse découvrir que Fields était encore dans votre service.
— M. Boyd a dû se rendre compte de la supercherie dans la presse et il a tenté sa chance en se disant lui aussi le vainqueur, poursuivit Key. La seule chose que vous n'aviez pas prévu, c'est qu'aucun de vous ne pouvait se dénoncer car cela révélerait que Fields était le vrai vainqueur.
— D'après les infirmières, il s'est avéré que vous êtes allé rendre visite à M. Fields, M. Hansen.
— C'est un crime ? maugréa t-il.
— Il y a instant vous prétendiez ne pas le connaitre.
Hansen contracta sa mâchoire.
— Vous êtes allé rendre visite à M. Fields pour trouver le billet, mais il n'y était pas, ajouta Turner. C'est là que vous avez dû croiser Mme. West dans son service et lorsque vous avez vu qu'une personne se réclamer le gagnant vous avez tout compris. Il vous était impossible de dire qu'elle était une voleuse ou sinon cela éveillerait des soupçons sur votre propre culpabilité. Il ne vous restait plus qu'à jouer le rôle d'un vainqueur de plus. C'est pour cela que vous étiez anxieuse Mme. West lorsque nous interrogions M. Hansen, vous aviez peur qu'il puisse vous dénoncer.
Désarmés, West, Hansen et Boyd ne prononcèrent aucun mot.
— Mauvaise pioche, vous allez tous les trois tomber sur la case prison.
Peu de temps après, les trois faux vainqueurs furent emmenés par des policiers pour leur prochain procès. En compagnie de Mme Russel, Turner et Torres rendirent visite à l'homme chanceux du jour qui n'était autre que
M. Fields dont sa vie allait se trouver à jamais changer. Dans la chambre d'hôpital, Russel s'approcha de l'homme accidenté pour lui tendre le chèque à plusieurs zéros :
— M. Fields, je crois que c'est votre jour de chance.
Derrière la vitre de la chambre, Torres et Turner regardèrent avec satisfaction Fields exclamer sa joie à la lecture du montant du billet de loterie. Ils quittèrent ensuite l'hôpital pour se retrouver dans la rue mouvementée. Les mains dans les poches, Key demanda :
— Alors ? J'suis de l'équipe ou pas ?
— Il faut que je fasse mon rapport. C'est Lightman qui donnera son verdict.
— Tu fais tout l'boulot et c'est quand même le patron blanc qui donne sa réponse finale, s'offusqua t-il.
Devant l'air exaspéré de Ria, Key adopta un air plus posé pour proposer :
— Bon... maintenant qu'on a fait le taff', ça te dirait de prendre un verre avant de retourner sous le fouet du bourreau.
— Désolée, j'ai un rendez-vous, s'excusa t-elle avec une grimace. Une prochaine fois peut-être.
— De la manière dont tu le dis, cela m'a l'air d'être romantique.
— Tu te trompes.
— Ne l'ajoute pas à ton rapport dans ce cas.
Torres lâcha un soupir rieur. Un klaxonne retentit. Elle jeta un regard de l'autre côté de la rue et signala :
— Je dois partir.
— Je fais comment pour rentrer ?
Elle s'éloigna et s'écria :
— Prends le bus !
Les bras écartés, il s'indigna :
— Sérieusement ?!
Blasée, elle chercha ses clés de voiture dans son sac à main et les lança à son collègue qui s'écria :
— Dit lui que pour c'qu'on lui paye, sa bagnole craint vraiment !
Ria secoua sa tête et entra dans la voiture qui l'attendait pour démarrer. Key plissa ses yeux pour tenter d'apercevoir le conducteur, mais ne distingua que la forme d'une silhouette. La voiture démarra et disparu dans le lointain. Key esquissa un rictus et agita ses clés pour se diriger vers le véhicule de sa collègue. Au moins, il ne rentrerait pas à pieds...
oOo
Du côté de Cal et Gillian, les deux experts en mensonge résumèrent les derniers faits à Robins et Brewer dans le couloir de l'agence. L'assistante sociale était abasourdie par ce qu'elle venait d'apprendre et dit :
— Palmer serait le violeur ? Ethan vous l'a dit ?
— Non, répondit Foster, les images prouvent que Palmer avait une attirance sexuelle pour Ethan. Et que son passage à l'acte a conduis Ethan à changer de comportement.
— Je vous crois, concéda Brewer d'un geste de la main, mais tant que nous n'avons pas de preuve concrète, je sais que Palmer aura une chance de s'en tirer face à la justice.
— Une confrontation entre Palmer et Ethan est in-envisageable, souligna Foster. Ethan est encore trop traumatisé pour faire face à Palmer. Cela pourrait avoir des répercutions dramatiques pour lui.
— Pas besoin d'Ethan, répliqua Cal, j'vais m'en occuper moi-même de cette ordure. Brewer, amenez moi Palmer dans le cube !
Brewer acquiesça puis s'éloigna dans le couloir. Seule avec son ami, Gillian l'interrogea :
— Tu as une idée ?
— Je crois, mais il faut que je le pousse dans ses retranchements.
oOo
À l'extérieur, Brewer et Sarah observaient Palmer assis sur un siège dans le cube lumineux. Ce dernier attendait calmement qu'une personne vienne lui parler. Devant la porte sécurisée du cube, Cal s'apprêta à entrer mais Gillian l'arrêta avant qu'il n'ait pu composer le code :
— Je t'accompagne.
— J'voyais pas ça autrement, approuva t-il en indiquant à son amie de la suivre.
Accompagné de Foster, Lightman entra en trombe dans la pièce en demandant :
— Comment on se sent Palmer ?
— Euh bien…, répondit-il en suivant du regard les deux experts en mensonge se mettre face à lui.
— Pas trop stressé ?
— Hum non… Si je suis venu, c'est parce que je veux tout faire pour vous aider.
— Et vous allez nous être d'une grande aide… Ça fait combien de temps que vous travaillez avec des enfants ?
— Ça fait maintenant 2 ans. Avant je travaillais dans un centre pour adolescent.
— Trop vieux pour vous, c'est ça ?
À cette attaque verbale, la main droite de Palmer ancra fermement celle de gauche. Ce geste trahissait une agressivité latente. Une colère réprimée que Cal allait s'empresser de faire éclater. D'un froncement de sourcils, Palmer demanda :
— Que dois-je comprendre ?
— Vous votre genre ce sont les 6 - 10 ans ?
Cal capta une expression faussement dégoutée sur le visage du présumé coupable et ajouta :
— Plus jeune que ça ? Hé ben…
— Seriez-vous en train d'insinuer que je suis un pédophile ?
— J'insinue pas. J'en suis même certain, confirma t-il d'un geste de la main, comme je suis sûr que vous avez abusé d'un enfant en le manipulant et en le dupant avec toute la confiance qu'il avait placé en vous.
L'éducateur cramponna cette fois-ci ses mains sur les accoudoirs de son siège. Cela était maintenant le signe d'une contrariété et de l'adaptation d'une position de défense. Les deux experts en mensonge étaient sur la bonne voie.
— C'est n'importe quoi ! Je n'ai jamais abusé d'Ethan ! Demandez-lui !
— Je ne parle pas d'Ethan, mais de Kyle Eldwin, mentit Cal en présentant la photo d'un autre garçon.
— Quoi ?! s'exclama t-il complètement perdu.
Foster prit le relais et fustigea l'interrogé :
— Kyle nous a dit que vous aviez abusé de lui lors d'une de vos sorties scolaire !
— Je ne l'ai jamais touché !
— Pourtant, il affirme le contraire ! Il vous a clairement désigné comme son agresseur !
-- Vous allez être confronté en justice ! répliqua Cal.
Palmer se leva d'un seul bond de sa chaise et réfuta vivement :
— Il ment !
— Vous ne l'avez jamais touché ?! s'exclama Lightman.
— Non !
— Pourquoi mentirait-il ?! demanda Foster.
D'une voix éraillée, Palmer s'exclama :
— J'en sais rien !
— Il nous a donné tous les détails de son agression ! s'écria presque Cal. Il a avoué que vous l'aviez emmené dans votre tente et que vous aviez abusé de lui ! On a des preuves ! Du sperme à été retrouvé sur les lieux !
— C'est impossible !
— Pourquoi ?!!
Le sang battait les oreilles de Palmer. Il ne tenait plus en place. Le visage rouge de rage, il cria hors de lui :
— J'utilise toujours un préservatif !
— Avec Ethan aussi ?!
— Oui !
Un silence glaçant vint envahir la salle à cette réponse positive. Cal jeta un sombre regard à Palmer qui ne se rendit toujours pas compte de ce qu'il venait de dire. Ce dernier pointa la photo du garçon que tenait Lightman et clama :
— Je n'ai pas abusé de ce garçon !
Brewer entra dans le cube et passa les menottes à Palmer. Lightman approcha son visage haineux du coupable et ragea :
— Que vous lui avez-vous dit ? Que vous l'aimiez ? Que vous étiez le seul à pouvoir le comprendre ? Que cela resterait votre petit secret…
-- Vous avez profité de son handicap et de son jeune âge ! l'asséna Gillian.
Complètement déboussolé, Palmer ne sut pas quoi répondre. Avant qu'il ne disparaisse, Cal déclara entre ses dents :
— Vos camarades en prison vont se faire une joie de vous accueillir dans votre nouvelle maison. Croyez-moi que je ferai en sorte que vous vous trouviez dans la bonne cellule !
Désarçonné, Palmer fut conduis sans méangement hors du cube par Brewer. Cal regarda avec dégout le criminel être emmené tout comme Gillian qui fut elle aussi à la fois soulagée et écoeurée parce qu'elle venait d'assister.
OoO
En fin de journée, Cal entra en trombe dans son bureau avec un dossier entre sens mains. Il découvrit avec surprise Key les yeux fermés et confortablement allongé dans son canapé. Agacé par cette attitude, il s'exclama :
— Vous comptez tester tout mon mobilier ?
— Vous comptez un jour me payer ? répliqua le jeune homme sans broncher.
Cal lâcha son dossier sur son bureau et s'installa abruptement derrière celui-ci.
— Vous semblez bien parti, dit-il avec un soubresaut de ses sourcils.
Key ouvrit ses yeux et se redressa pour s'assoir sur le canapé. Perplexe, il demanda :
— C'est encore du sarcasme de blanc ou vous dites la vérité ?
— Vous devriez le savoir, on vous paye pour ça non ?
Le jeune homme esquissa un rictus de mépris. Il se leva pour se mettre face à son patron et cibla le dossier portant son nom. De manière tout à fait détachée, il demanda :
— Torres vous a donné son rapport ?
— Exact.
— Alors... Qu'avez-vous décidé ?
— Comment ça ?
— Elle m'a dit que c'était vous qui preniez la décision finale.
— Je fais confiance à son analyse.
— Vous allez suivre son analyse ? Je commence à croire que c'était elle que vous testiez...
Cal ne répondit pas. Key dévisagea Lightman et répéta surpris avec un geste de la main :
— C'est elle que vous testiez ?
— Entre autre. J'avais besoin de savoir si vous vous entendiez sur le terrain.
— Vous prévoyez qu'on joue aux flics à Miami ?
L'expert en mensonge croisa ses mains sur son ventre.
— Il y a une chose que vous n'avez pas encore assimilé Turner.
L'employé émit une nouvelle expression de dégout à son nom.
— Ici, nous vivons constamment dans un monde entre mensonge et vérité. La seule chose à laquelle nous pouvons nous raccrocher, c'est la confiance. J'ai besoin de savoir que je peux vous faire confiance dans n'importe quelle situation.
— Donc, rien avoir avec mes capacités ou ma façon d'être.
— On peut toujours progressé.
— On parle bien d'assurer vos arrières ?
— Ne vous inquiétez pas pour ça, elles le sont depuis des années.
— Ouais, elle est la seule à vous faire confiance...
Un silence après, Key demanda en désignant d'un hochement de tête le dossier sur la table :
— Qu'est-ce que Torres en a pensé ?
Cal tira sur un tiroir de son bureau pour sortir son chéquier. Il commença à remplir les blancs puis après une rapide signature le donna à son employé. Ce dernier l'accepta avec un air sceptique puis après lecture du montant, déclara :
— Ça fait beaucoup de zéro.
— Votre période d'essai est terminée. Considérez cela comme une prime à l'embauche.
— Je dirai plus une prime de confiance.
— Vous pourrez vous en servir pour économiser sur votre prochaine voiture.
— Je vais d'abord m'acheter un nouveau réveil, j'ai foutu le miens par la fenêtre...
Cal leva un sourcil alors que Key commença à s'éloigner vers la sortie.
— Turner !
Key s'arrêta et se retourna vers son patron.
— Vous allez trouver votre place avec le temps.
— J'espère seulement la garder.
L'expert en mensonge comprit que cette réponse faisait écho à une autre histoire. Turner rangea précieusement son chèque dans sa veste et quitta ensuite le bureau de son patron qui fixa pensivement la porte par laquelle il venait de passer.
oOo
Le temps que la grand-mère d'Ethan vienne le récupérer, Gillian s'était installée, sur le canapé de son bureau, avec le petit garçon endormi dans ses bras. Cal entra silencieusement pour ne pas réveiller l'enfant et souffla avec un léger sourire :
— J'vois que tout le monde est épuisé.
Foster regarda son ami s'installer sur un fauteuil, et répondit :
— Il a eu une dure journée…
— Sa grand-mère va bientôt le récupérer ?
— Mmh…, fit-elle, en caressant le chevelure du petit garçon.
— Tu lui as dit pour Palmer ?
— Oui, je lui ait dit qu'il n'avait plus à avoir peur et qu'il ne lui ferait plus jamais de mal.
Cal acquiesça. Un battement après, Gillian demanda :
— Tu crois que ça va aller pour lui ?
— Mmh, y'a pas de raison. C'est un petit garçon fort et intelligent.
— Il a vécu tellement de choses difficiles pour son âge.
— C'est vrai, mais il ne faut pas que cela le détermine. Il a encore beaucoup de choses à vivre et à découvrir…
Gillian approuva silencieusement ces propos.
— C'était un membre de ma famille, dit-elle soudainement.
Elle tourna son regard sur Cal qui afficha une expression d'interrogation.
— Tu te demandais pourquoi je me sentais coupable.
L'expert en mensonge ne répondit pas, mais écouta la jeune femme s'expliquer avec un regard perdu dans le vide.
— Je l'ai su tardivement… C'était arrivée quand j'avais 16 ans. Elle me l'a dit il y a seulement 2 ans… Et pendant toutes ces années, elle a gardé le silence… pourtant on était proche… Je crois qu'elle avait peur de le dire à haute voix, sinon cela rendrait les choses plus réelles pour elle…
— On a tous nos secrets, nos blessures qu'on ne souhaite pas partager, surtout aux personnes qui nous sont les plus proches au risque de les blesser et de les culpabiliser…
— Surement… mais j'aurai aimé qu'elle me le dise…
Il garda le silence face à l'expression coupable de son amie. Robins entra à ce moment là et signala :
— Dr. Foster ? La grand-mère d'Ethan est ici.
— Très bien.
Gillian reveilla lentement le petit garçon qui frotta ses petits yeux pour rencontrer le visage souriant de la psychologue. Robins s'approcha du garçon et lui signala en langage des signes que sa grand-mère était venue le chercher. Ethan arbora un sourire et sauta du canapé en gardant sa petite main dans celle de Foster.
— Je crois qu'il ne veut plus te lacher, s'amusa Cal.
Gillian sourit et entraina le petit garçon dans les couloirs de l'entreprise. À quelques mètres, Mme. Wright attendit son petit fils qui tourna son regard sur Foster comme pour obtenir une sorte d'approbation avant de lâcher sa main et de courir dans les bras de sa grand-mère. Robins remercia les experts en mensonge pour leur travail.
— Dites à Mme Wright que si elle a le moindre problème, je suis là et qu'elle peut m'appeler, indiqua Foster.
— Je lui dirai.
La grand-mère dit à Ethan qu'ils allaient devoir rentrer chez eux. Ethan lui demanda d'attendre un instant et courut en direction de Gillian pour lui tendre un dessin. Sur celui-ci on pouvait voir un petit garçon heureux se promenant dans une forêt avec la femme qui l'avait aidé à retrouver la joie de vivre. Émue, elle serra le petit garçon puis se détacha de lui pour dire à Robins :
— Dites-lui que s'il a besoin de quoique soit, je suis là.
— Il vous dit merci.
Le petit garçon se plaça devant Cal pour lui donner une barre chocolaté. Ce dernier prit son menton entre ses doigts et le remercia de son cadeau en lui offrant un petit sachet rempli de bonbon en tout genre. Il agita son index devant son visage rayonnant et déclara :
— Travaille bien à l'école et brosse toi les dents après avoir mangé des sucreries ! Ok ?
Ethan hocha la tête au conseil de l'expert en mensonge souriant puis courut retrouver sa grand-mère sur les talons de Robins. Ethan se retourna pour faire un dernier signe de la main aux deux experts avant de disparaitre.
— Il va me manquer…, souffla tristement Gillian.
— Si tu veux materner, je crois que tu as assez à faire avec les employés ! Surtout avec Turner dans l'équipe !
— Tu l'as embauché définitivement ?
— J'espère qu'il saura se tenir !
— Comme toi, tu veux dire ?
— Je suis l'exemple même !
— J'y crois pas… C'est avec toi que j'aurai plus de retord.
Cal ria et passa un bras derrière la taille de la jeune femme pour la faire avancer.
— Tu crois que j'peux demander une prime moi aussi ?
— Pour ça, il faudrait déjà que tu n'arrives pas en retard.
— C'est toi qui arrive trop en avance !
— J'hallucine...
FIN*
— Un problème Monsieur Ortiz ?
— Non…, toussota le buraliste. Combien de temps vous allez me retenir ici, c'est que j'ai un commerce à faire tourner moi…
— Si vous nous dites la vérité, vous pourrez sortir d'ici rapidement, le rassura t-elle avec un fin sourire. Elle ouvrit le dossier sur la table et glissa la photo du SDF qui avait été renversé.
— Connaissez-vous cet homme ?
— Heu… il ne me dit rien…
— Vraiment ? Pourtant des clients à vous affirment que c'est un habitué et que vous étiez proche de lui.
— D'ailleurs, enchaina Turner adossé contre un mur, d'après les caméras de surveillances du carrefour, il viendrait tous les mardis vous rendre une petite visite.
Ortiz comprit qu'il venait d'être piégé et s'exclama :
— Aaah oui ! Miky ! Je ne l'avais pas reconnu sans sa barbe…
— Bien sûr…, soupira Ria. Pourquoi ne pas nous avoir dit que cet homme était venu dans votre tabagie ?
— Je… Je vous l'ai dit, il y a beaucoup de va et vient… et avec mon travail…
— Arrêtez M. Ortiz, vous saviez parfaitement qu'il était venu ce jour-là et le plus étrange c'est qu'il a disparu le jour suivant où on a appris le résultat du loto. On a fait des recherches et il s'est avéré que cet homme se nomme Michael Fields, un sdf qui s'est fait faucher au carrefour par un gamin de 17 ans du nom de Chad Norris.
— En quoi ça me concerne ? exigea t-il sur la défensive.
— Chad nous a avoué que vous l'avez payé pour renverser M. Fields.
— Vous allez croire un gamin de 17 ans plutôt que moi ?
— Oui, parce que lui il dit la vérité !
Key se déplaça derrière Ortiz et souffla menaçant au creux de son oreille :
— J'vous conseille d'en faire de même. Sinon, vous risquez d'échanger vos places et de remplacer le congélateur des prisonniers en manque de friandises glacées.
Effrayé et à bout de nerfs, Ortiz s'étrangla :
— Ce n'était pas mon idée ! C'est lui qui m'a dit de faire ça !
— M. Hansen ? proposa Key en échangeant un regard avec Torres.
— Oui… Il m'a dit de garder le silence ou il ferait tout pour faire fermer mon commerce. J'ai des problèmes bancaires, il avait les moyens de me causer encore plus de problème… Alors il m'a dit de tout faire pour le faire disparaitre. En échange, il m'aurait donné un pourcentage du pactole…
— Comment savait-il que Fields avait les bons numéros ?
— Un jour, Miky s'est vanté d'utiliser toujours la même combinaison. Ce jour là, Boyd et Hansen étaient présents…
— Mme West, comment a t-elle obtenu le billet ? demanda à son tour Torres.
— Je ne sais pas… Je vous ai tout dit…, dit-il en se passant une main lasse sur son visage.
L'interrogatoire terminé, Key et Ria se réunirent dans la salle d'analyse.
— On ne sait toujours pas comment West a récupéré le billet, dit Ria. Ortiz et Hansen ont causé l'accident de Fields, mais West n'a rien avoir avec ça. D'après son planning, elle était en service ce jour là. Boyd a sans doute vu l'accident de son chantier au coin du carrefour et il a dû vouloir profiter de la situation en apprenant l'histoire.
Turner afficha un air d'interrogation et commanda :
— Fais voir l'article.
Torres donna un copie du journal à son collègue. Il l'examina et proclama :
— Grenade, je sais ce qui s'est passé…
À la société LuckyGame, Key et Ria s'étaient préparés pour un ultime face à face avec les trois possibles détenteurs du billet gagnant. Dans la salle de conférence, Mme Russel se tenait dans un coin et observait en silence la future scène qui allait se dérouler sous ses yeux. La photo de M. Fields fut donné aux trois suspects.
— Reconnaissez-vous cet homme ? réclama Torres.
Aucun des trois ne répondirent bien que leurs visages cautionnèrent.
— Saviez-vous que cet homme a été renversé le lendemain du tirage ?
— Quel rapport cela a t-il avoir avec cette histoire ?! s'énerva Hansen.
— Calme-toi, cresus ! jasa Turner.
Ria apprécia intérieur le soutient de son collègue et proclama plus sûre d'elle :
— Cet homme est le lien qui vous uni tous les trois, car il est le seul gagnant du billet.
— C'est incensé ! s'offusqua West.
— Il y a un quatrième gagnant ? s'étonna Russel.
— Nous avons regardé les caméras de surveillance du carrefour et elles prouvent que M. Fields y est entré, ajouta Key.
— Cela ne veut pas dire qu'il a acheté ce billet ! réfuta Hansen.
— C'est vrai… cela prouve juste que vous vous êtes croisés.
— Et alors ?
— M. Ortiz nous a affirmé que vous l'avez menacé pour tuer M. Fields en échange de quoi, vous lui donerriez une partie du gain.
— C'est totalement absurde, contra Hansen d'une voix aiguë.
— M. Fields a été transporté à l'hôpital. Ce jour-là, Mme West était de service, argua Torres en présentant comme preuve le planning de West. Elle a surement dû reconnaitre M. Fields et voir les résultats de loterie. Elle savait que Fields avait payé son ticket en liquide et vu qu'il était dans le coma, qui chercherait à savoir qu'il avait un ticket de loterie sur lui. Elle l'a donc subtilisé dans ses affaires personnelles puis elle s'est faite passée pour la gagnante. C'est pour ça que vous étiez anxieuse lorsque nous sommes venus à l'hôpital et que vous avez refusé que votre collègue s'occupe de vos patients. Vous aviez peur qu'on puisse découvrir que Fields était encore dans votre service.
— M. Boyd a dû se rendre compte de la supercherie dans la presse et il a tenté sa chance en se disant lui aussi le vainqueur, poursuivit Key. La seule chose que vous n'aviez pas prévu, c'est qu'aucun de vous ne pouvait se dénoncer car cela révélerait que Fields était le vrai vainqueur.
— D'après les infirmières, il s'est avéré que vous êtes allé rendre visite à M. Fields, M. Hansen.
— C'est un crime ? maugréa t-il.
— Il y a instant vous prétendiez ne pas le connaitre.
Hansen contracta sa mâchoire.
— Vous êtes allé rendre visite à M. Fields pour trouver le billet, mais il n'y était pas, ajouta Turner. C'est là que vous avez dû croiser Mme. West dans son service et lorsque vous avez vu qu'une personne se réclamer le gagnant vous avez tout compris. Il vous était impossible de dire qu'elle était une voleuse ou sinon cela éveillerait des soupçons sur votre propre culpabilité. Il ne vous restait plus qu'à jouer le rôle d'un vainqueur de plus. C'est pour cela que vous étiez anxieuse Mme. West lorsque nous interrogions M. Hansen, vous aviez peur qu'il puisse vous dénoncer.
Désarmés, West, Hansen et Boyd ne prononcèrent aucun mot.
— Mauvaise pioche, vous allez tous les trois tomber sur la case prison.
Peu de temps après, les trois faux vainqueurs furent emmenés par des policiers pour leur prochain procès. En compagnie de Mme Russel, Turner et Torres rendirent visite à l'homme chanceux du jour qui n'était autre que
M. Fields dont sa vie allait se trouver à jamais changer. Dans la chambre d'hôpital, Russel s'approcha de l'homme accidenté pour lui tendre le chèque à plusieurs zéros :
— M. Fields, je crois que c'est votre jour de chance.
Derrière la vitre de la chambre, Torres et Turner regardèrent avec satisfaction Fields exclamer sa joie à la lecture du montant du billet de loterie. Ils quittèrent ensuite l'hôpital pour se retrouver dans la rue mouvementée. Les mains dans les poches, Key demanda :
— Alors ? J'suis de l'équipe ou pas ?
— Il faut que je fasse mon rapport. C'est Lightman qui donnera son verdict.
— Tu fais tout l'boulot et c'est quand même le patron blanc qui donne sa réponse finale, s'offusqua t-il.
Devant l'air exaspéré de Ria, Key adopta un air plus posé pour proposer :
— Bon... maintenant qu'on a fait le taff', ça te dirait de prendre un verre avant de retourner sous le fouet du bourreau.
— Désolée, j'ai un rendez-vous, s'excusa t-elle avec une grimace. Une prochaine fois peut-être.
— De la manière dont tu le dis, cela m'a l'air d'être romantique.
— Tu te trompes.
— Ne l'ajoute pas à ton rapport dans ce cas.
Torres lâcha un soupir rieur. Un klaxonne retentit. Elle jeta un regard de l'autre côté de la rue et signala :
— Je dois partir.
— Je fais comment pour rentrer ?
Elle s'éloigna et s'écria :
— Prends le bus !
Les bras écartés, il s'indigna :
— Sérieusement ?!
Blasée, elle chercha ses clés de voiture dans son sac à main et les lança à son collègue qui s'écria :
— Dit lui que pour c'qu'on lui paye, sa bagnole craint vraiment !
Ria secoua sa tête et entra dans la voiture qui l'attendait pour démarrer. Key plissa ses yeux pour tenter d'apercevoir le conducteur, mais ne distingua que la forme d'une silhouette. La voiture démarra et disparu dans le lointain. Key esquissa un rictus et agita ses clés pour se diriger vers le véhicule de sa collègue. Au moins, il ne rentrerait pas à pieds...
oOo
Du côté de Cal et Gillian, les deux experts en mensonge résumèrent les derniers faits à Robins et Brewer dans le couloir de l'agence. L'assistante sociale était abasourdie par ce qu'elle venait d'apprendre et dit :
— Palmer serait le violeur ? Ethan vous l'a dit ?
— Non, répondit Foster, les images prouvent que Palmer avait une attirance sexuelle pour Ethan. Et que son passage à l'acte a conduis Ethan à changer de comportement.
— Je vous crois, concéda Brewer d'un geste de la main, mais tant que nous n'avons pas de preuve concrète, je sais que Palmer aura une chance de s'en tirer face à la justice.
— Une confrontation entre Palmer et Ethan est in-envisageable, souligna Foster. Ethan est encore trop traumatisé pour faire face à Palmer. Cela pourrait avoir des répercutions dramatiques pour lui.
— Pas besoin d'Ethan, répliqua Cal, j'vais m'en occuper moi-même de cette ordure. Brewer, amenez moi Palmer dans le cube !
Brewer acquiesça puis s'éloigna dans le couloir. Seule avec son ami, Gillian l'interrogea :
— Tu as une idée ?
— Je crois, mais il faut que je le pousse dans ses retranchements.
oOo
À l'extérieur, Brewer et Sarah observaient Palmer assis sur un siège dans le cube lumineux. Ce dernier attendait calmement qu'une personne vienne lui parler. Devant la porte sécurisée du cube, Cal s'apprêta à entrer mais Gillian l'arrêta avant qu'il n'ait pu composer le code :
— Je t'accompagne.
— J'voyais pas ça autrement, approuva t-il en indiquant à son amie de la suivre.
Accompagné de Foster, Lightman entra en trombe dans la pièce en demandant :
— Comment on se sent Palmer ?
— Euh bien…, répondit-il en suivant du regard les deux experts en mensonge se mettre face à lui.
— Pas trop stressé ?
— Hum non… Si je suis venu, c'est parce que je veux tout faire pour vous aider.
— Et vous allez nous être d'une grande aide… Ça fait combien de temps que vous travaillez avec des enfants ?
— Ça fait maintenant 2 ans. Avant je travaillais dans un centre pour adolescent.
— Trop vieux pour vous, c'est ça ?
À cette attaque verbale, la main droite de Palmer ancra fermement celle de gauche. Ce geste trahissait une agressivité latente. Une colère réprimée que Cal allait s'empresser de faire éclater. D'un froncement de sourcils, Palmer demanda :
— Que dois-je comprendre ?
— Vous votre genre ce sont les 6 - 10 ans ?
Cal capta une expression faussement dégoutée sur le visage du présumé coupable et ajouta :
— Plus jeune que ça ? Hé ben…
— Seriez-vous en train d'insinuer que je suis un pédophile ?
— J'insinue pas. J'en suis même certain, confirma t-il d'un geste de la main, comme je suis sûr que vous avez abusé d'un enfant en le manipulant et en le dupant avec toute la confiance qu'il avait placé en vous.
L'éducateur cramponna cette fois-ci ses mains sur les accoudoirs de son siège. Cela était maintenant le signe d'une contrariété et de l'adaptation d'une position de défense. Les deux experts en mensonge étaient sur la bonne voie.
— C'est n'importe quoi ! Je n'ai jamais abusé d'Ethan ! Demandez-lui !
— Je ne parle pas d'Ethan, mais de Kyle Eldwin, mentit Cal en présentant la photo d'un autre garçon.
— Quoi ?! s'exclama t-il complètement perdu.
Foster prit le relais et fustigea l'interrogé :
— Kyle nous a dit que vous aviez abusé de lui lors d'une de vos sorties scolaire !
— Je ne l'ai jamais touché !
— Pourtant, il affirme le contraire ! Il vous a clairement désigné comme son agresseur !
-- Vous allez être confronté en justice ! répliqua Cal.
Palmer se leva d'un seul bond de sa chaise et réfuta vivement :
— Il ment !
— Vous ne l'avez jamais touché ?! s'exclama Lightman.
— Non !
— Pourquoi mentirait-il ?! demanda Foster.
D'une voix éraillée, Palmer s'exclama :
— J'en sais rien !
— Il nous a donné tous les détails de son agression ! s'écria presque Cal. Il a avoué que vous l'aviez emmené dans votre tente et que vous aviez abusé de lui ! On a des preuves ! Du sperme à été retrouvé sur les lieux !
— C'est impossible !
— Pourquoi ?!!
Le sang battait les oreilles de Palmer. Il ne tenait plus en place. Le visage rouge de rage, il cria hors de lui :
— J'utilise toujours un préservatif !
— Avec Ethan aussi ?!
— Oui !
Un silence glaçant vint envahir la salle à cette réponse positive. Cal jeta un sombre regard à Palmer qui ne se rendit toujours pas compte de ce qu'il venait de dire. Ce dernier pointa la photo du garçon que tenait Lightman et clama :
— Je n'ai pas abusé de ce garçon !
Brewer entra dans le cube et passa les menottes à Palmer. Lightman approcha son visage haineux du coupable et ragea :
— Que vous lui avez-vous dit ? Que vous l'aimiez ? Que vous étiez le seul à pouvoir le comprendre ? Que cela resterait votre petit secret…
-- Vous avez profité de son handicap et de son jeune âge ! l'asséna Gillian.
Complètement déboussolé, Palmer ne sut pas quoi répondre. Avant qu'il ne disparaisse, Cal déclara entre ses dents :
— Vos camarades en prison vont se faire une joie de vous accueillir dans votre nouvelle maison. Croyez-moi que je ferai en sorte que vous vous trouviez dans la bonne cellule !
Désarçonné, Palmer fut conduis sans méangement hors du cube par Brewer. Cal regarda avec dégout le criminel être emmené tout comme Gillian qui fut elle aussi à la fois soulagée et écoeurée parce qu'elle venait d'assister.
OoO
En fin de journée, Cal entra en trombe dans son bureau avec un dossier entre sens mains. Il découvrit avec surprise Key les yeux fermés et confortablement allongé dans son canapé. Agacé par cette attitude, il s'exclama :
— Vous comptez tester tout mon mobilier ?
— Vous comptez un jour me payer ? répliqua le jeune homme sans broncher.
Cal lâcha son dossier sur son bureau et s'installa abruptement derrière celui-ci.
— Vous semblez bien parti, dit-il avec un soubresaut de ses sourcils.
Key ouvrit ses yeux et se redressa pour s'assoir sur le canapé. Perplexe, il demanda :
— C'est encore du sarcasme de blanc ou vous dites la vérité ?
— Vous devriez le savoir, on vous paye pour ça non ?
Le jeune homme esquissa un rictus de mépris. Il se leva pour se mettre face à son patron et cibla le dossier portant son nom. De manière tout à fait détachée, il demanda :
— Torres vous a donné son rapport ?
— Exact.
— Alors... Qu'avez-vous décidé ?
— Comment ça ?
— Elle m'a dit que c'était vous qui preniez la décision finale.
— Je fais confiance à son analyse.
— Vous allez suivre son analyse ? Je commence à croire que c'était elle que vous testiez...
Cal ne répondit pas. Key dévisagea Lightman et répéta surpris avec un geste de la main :
— C'est elle que vous testiez ?
— Entre autre. J'avais besoin de savoir si vous vous entendiez sur le terrain.
— Vous prévoyez qu'on joue aux flics à Miami ?
L'expert en mensonge croisa ses mains sur son ventre.
— Il y a une chose que vous n'avez pas encore assimilé Turner.
L'employé émit une nouvelle expression de dégout à son nom.
— Ici, nous vivons constamment dans un monde entre mensonge et vérité. La seule chose à laquelle nous pouvons nous raccrocher, c'est la confiance. J'ai besoin de savoir que je peux vous faire confiance dans n'importe quelle situation.
— Donc, rien avoir avec mes capacités ou ma façon d'être.
— On peut toujours progressé.
— On parle bien d'assurer vos arrières ?
— Ne vous inquiétez pas pour ça, elles le sont depuis des années.
— Ouais, elle est la seule à vous faire confiance...
Un silence après, Key demanda en désignant d'un hochement de tête le dossier sur la table :
— Qu'est-ce que Torres en a pensé ?
Cal tira sur un tiroir de son bureau pour sortir son chéquier. Il commença à remplir les blancs puis après une rapide signature le donna à son employé. Ce dernier l'accepta avec un air sceptique puis après lecture du montant, déclara :
— Ça fait beaucoup de zéro.
— Votre période d'essai est terminée. Considérez cela comme une prime à l'embauche.
— Je dirai plus une prime de confiance.
— Vous pourrez vous en servir pour économiser sur votre prochaine voiture.
— Je vais d'abord m'acheter un nouveau réveil, j'ai foutu le miens par la fenêtre...
Cal leva un sourcil alors que Key commença à s'éloigner vers la sortie.
— Turner !
Key s'arrêta et se retourna vers son patron.
— Vous allez trouver votre place avec le temps.
— J'espère seulement la garder.
L'expert en mensonge comprit que cette réponse faisait écho à une autre histoire. Turner rangea précieusement son chèque dans sa veste et quitta ensuite le bureau de son patron qui fixa pensivement la porte par laquelle il venait de passer.
oOo
Le temps que la grand-mère d'Ethan vienne le récupérer, Gillian s'était installée, sur le canapé de son bureau, avec le petit garçon endormi dans ses bras. Cal entra silencieusement pour ne pas réveiller l'enfant et souffla avec un léger sourire :
— J'vois que tout le monde est épuisé.
Foster regarda son ami s'installer sur un fauteuil, et répondit :
— Il a eu une dure journée…
— Sa grand-mère va bientôt le récupérer ?
— Mmh…, fit-elle, en caressant le chevelure du petit garçon.
— Tu lui as dit pour Palmer ?
— Oui, je lui ait dit qu'il n'avait plus à avoir peur et qu'il ne lui ferait plus jamais de mal.
Cal acquiesça. Un battement après, Gillian demanda :
— Tu crois que ça va aller pour lui ?
— Mmh, y'a pas de raison. C'est un petit garçon fort et intelligent.
— Il a vécu tellement de choses difficiles pour son âge.
— C'est vrai, mais il ne faut pas que cela le détermine. Il a encore beaucoup de choses à vivre et à découvrir…
Gillian approuva silencieusement ces propos.
— C'était un membre de ma famille, dit-elle soudainement.
Elle tourna son regard sur Cal qui afficha une expression d'interrogation.
— Tu te demandais pourquoi je me sentais coupable.
L'expert en mensonge ne répondit pas, mais écouta la jeune femme s'expliquer avec un regard perdu dans le vide.
— Je l'ai su tardivement… C'était arrivée quand j'avais 16 ans. Elle me l'a dit il y a seulement 2 ans… Et pendant toutes ces années, elle a gardé le silence… pourtant on était proche… Je crois qu'elle avait peur de le dire à haute voix, sinon cela rendrait les choses plus réelles pour elle…
— On a tous nos secrets, nos blessures qu'on ne souhaite pas partager, surtout aux personnes qui nous sont les plus proches au risque de les blesser et de les culpabiliser…
— Surement… mais j'aurai aimé qu'elle me le dise…
Il garda le silence face à l'expression coupable de son amie. Robins entra à ce moment là et signala :
— Dr. Foster ? La grand-mère d'Ethan est ici.
— Très bien.
Gillian reveilla lentement le petit garçon qui frotta ses petits yeux pour rencontrer le visage souriant de la psychologue. Robins s'approcha du garçon et lui signala en langage des signes que sa grand-mère était venue le chercher. Ethan arbora un sourire et sauta du canapé en gardant sa petite main dans celle de Foster.
— Je crois qu'il ne veut plus te lacher, s'amusa Cal.
Gillian sourit et entraina le petit garçon dans les couloirs de l'entreprise. À quelques mètres, Mme. Wright attendit son petit fils qui tourna son regard sur Foster comme pour obtenir une sorte d'approbation avant de lâcher sa main et de courir dans les bras de sa grand-mère. Robins remercia les experts en mensonge pour leur travail.
— Dites à Mme Wright que si elle a le moindre problème, je suis là et qu'elle peut m'appeler, indiqua Foster.
— Je lui dirai.
La grand-mère dit à Ethan qu'ils allaient devoir rentrer chez eux. Ethan lui demanda d'attendre un instant et courut en direction de Gillian pour lui tendre un dessin. Sur celui-ci on pouvait voir un petit garçon heureux se promenant dans une forêt avec la femme qui l'avait aidé à retrouver la joie de vivre. Émue, elle serra le petit garçon puis se détacha de lui pour dire à Robins :
— Dites-lui que s'il a besoin de quoique soit, je suis là.
— Il vous dit merci.
Le petit garçon se plaça devant Cal pour lui donner une barre chocolaté. Ce dernier prit son menton entre ses doigts et le remercia de son cadeau en lui offrant un petit sachet rempli de bonbon en tout genre. Il agita son index devant son visage rayonnant et déclara :
— Travaille bien à l'école et brosse toi les dents après avoir mangé des sucreries ! Ok ?
Ethan hocha la tête au conseil de l'expert en mensonge souriant puis courut retrouver sa grand-mère sur les talons de Robins. Ethan se retourna pour faire un dernier signe de la main aux deux experts avant de disparaitre.
— Il va me manquer…, souffla tristement Gillian.
— Si tu veux materner, je crois que tu as assez à faire avec les employés ! Surtout avec Turner dans l'équipe !
— Tu l'as embauché définitivement ?
— J'espère qu'il saura se tenir !
— Comme toi, tu veux dire ?
— Je suis l'exemple même !
— J'y crois pas… C'est avec toi que j'aurai plus de retord.
Cal ria et passa un bras derrière la taille de la jeune femme pour la faire avancer.
— Tu crois que j'peux demander une prime moi aussi ?
— Pour ça, il faudrait déjà que tu n'arrives pas en retard.
— C'est toi qui arrive trop en avance !
— J'hallucine...
FIN*