CHAPITRE 1 : IGNORANCE
Deux couples sortirent repus d'un restaurant dans lequel ils venaient de partager un copieux diner. Dans le froid de la nuit, ils marchèrent l'un à côté de l'autre le long d'une rue illuminée par les lampadaires et les vitrines des commerces encore ouverts.
« C'était une bonne idée d'avoir fait cette sortie tous les quatre ! On devrait remettre ça. Qu'est-ce que tu en penses Cal ? »
D'un simple murmure, le concerné approuva les dires de la jeune femme blonde qui marchait à son bras.
« Morgan a raison ! Ce fut une très belle soirée et le choix du restaurant Italien était judicieux. Tu as aimé Gillian ? » l'interrogea un homme aux cheveux grisonnant, en passant un bras possessif autour de la taille de la psychologue.
« Oui c'était délicieux, dit-elle d'un souffle, sa tête reposant contre l'épaule de son compagnon.
— Vous avez eu une bonne idée Cal ! ajouta l'homme avec un sourire, en s'arrêtant dans ses pas avec la psychologue pour vérifier l'heure sur sa montre. « On devrait rentrer, je me lève tôt demain. Chérie ? »
Sollicitée, Gillian tourna son regard sur le visage souriant de son compagnon et répondit :
« C'est vrai, il commence à se faire tard...»
L'homme aux cheveux poivre et sel se plaça sur le bord du trottoir et héla un taxi pour que celui-ci s'arrête à leurs pieds.
« Bon et bien, encore merci pour cette invitation Cal. »
Le partenaire de Gillian tendit une main à Cal qui la regarda avec peu d'entrain. L'expert en mensonge fit tout de même bonne figure et l'empoigna pour la serrer de manière presque fuyante.
« De rien, ce fut un plaisir... Oliver ! lança Cal, avec un mépris à peine perceptible.
Le dénommé Oliver décocha un dernier sourire à Cal puis s'approcha de Morgan pour lui souhaiter une bonne soirée. Au même moment, Cal ancra son regard impassible dans celui embarrassé de sa meilleure amie. Cet échange ne dura qu'un bref instant lorsque Oliver le brisa en déclarant : « On y va Gilly ? »
Cal ne put refréner une mine de dégoût à ce surnom et détourna son regard lorsque Oliver embrassa la psychologue sur la bouche. Oliver entra dans le véhicule et Gillian signala à son ami qu'il se verrait dès demain au travail. Les mains dans les poches, il hocha simplement sa tête en voyant la psychologue lui offrir un léger sourire avant de rentrer dans le taxi. La voiture démarra. Cal la regarda s'éloigner dans le lointain d'un air particulièrement songeur.
« Hey ça va ? »
Morgan venait de poser une main affectueuse sur le bras de Cal. D'une petite moue, il passa son bras autour des épaules de la jeune femme et la poussa à rejoindre sa voiture stationnée un peu plus loin.
« Tu dors chez moi ce soir ? »
Il venait habillement de changer de conversation.
« Et bien cela dépend du programme, lança-t-elle avec un air séducteur.
— Je crois qu'il promet d'être très intéressant, répondit-il, sur un ton mystérieux.
— Ah et bien s'il est "très intéressant", je suppose que cela est un bon argument pour rester chez toi !
— Ça l'est ! »
Il embrassa le cou de sa petite-amie qui gloussa à cette attaque charnelle.
Le soleil se leva tout doucement sur la ville de Washington. La lueur orangée de ses rayons percèrent les interstices d'un store et éclaira certaines parties encore enténébrées de sa chambre à coucher. Étendu dans son lit, Cal fixait depuis de longues minutes son réveil sans le moindre battement de paupières. Il attendit que celui-ci affiche sept heure du matin pour désactiver la sonnerie de l'appareil à la seconde près. Il poussa un long soupir puis se redressa en se passant une main lasse sur le visage.
« Quelle heure est-il ? » s'éleva une voix ensommeillée.
Cal regarda la jeune femme dénudée qui partageait son lit à ses côtés.
« Sept heure, tu peux te rendormir...
— Tu vas partir travailler ? demanda-t-elle, les yeux toujours clos.
— Ouais...»
Le dos endolori, il se leva avec une légère grimace pour se diriger dans la salle de bains qui se situait dans une pièce adjacente à celle de sa chambre. Morgan le regarda faire et lui demanda : « Tu veux qu'on fasse quelque chose en particulier ce soir ?
— J'sais pas... J'pense que je rentrerais tard. J'ai encore pas mal de boulot avec le dossier Davis, répondit Cal, de la salle de bains.
— Cal... Ça va faire plus d'une semaine que tu me dis ça ! Le seul moment où nous sommes sortis, c'était hier soir avec Gillian et Oliver. »
Pas de réponse. Elle l'interpella une nouvelle fois.
« Oui je sais, je me rattraperai Morgan, soupira-t-il.
— Hmm... Au fait, tu ne trouves pas que Oliver et Gillian forme un joli petit couple ? »
Il ne répondit pas. Elle semblait être encore la seule à faire la conversation.
« Moi si ! dit-elle. Je trouve que cet homme est parfait pour Gillian. Toi qui t'inquiétais pour elle, te voilà rassuré. »
Penché sur le lavabo, Cal fixa son reflet dans le miroir d'un air maussade puis baissa sa tête de dépit.
« Cal ? Tu as entendu ce que je t'ai dit ? »
L'expert en mensonge laissa passer quelques secondes avant de lui répondre qu'elle l'avait parfaitement entendu. Il ouvrit le robinet, laissa couler l'eau froide et s'en aspergea le visage avant de le refermer. Il attrapa une serviette, épongea son visage ruisselant et jeta un dernier regard acerbe à son reflet en jetant rageusement sa serviette sur le côté. Après s'être préparé, il quitta la salle de bains pour se rendre au rez-de-chaussée et boire une tasse de thé avant de partir travailler.
Une heure plus tard, Cal fut dans les bureaux du Lightman Group et discuta avec Anna, sa réceptionniste, sur l'affaire de l'épouse Davis qui avait été tuée dans les locaux de l'entreprise de son mari. C'est alors qu'il dû interrompre leur conversation lorsque l'employée salua Gillian qui venait de faire son apparition. La psychologue salua ensuite Cal sur une inflexion de voix des plus détachée. Occupé à lire un document, il tourna sa tête à demi et la salua avec le même entrain. Après ces brèves salutations, Cal retourna à sa lecture et déclara sur un ton neutre : « J'vais dans mon bureau régler trois détails avant l'interrogatoire de Mme Jones, on se voit tout à l'heure dans le cube.
— Bien.
Cal s'en alla en laissant les deux femmes entre elles. Gillian s'apprêta à faire de même lorsqu'Anna l'arrêta sur place avec un air soucieux :
« Euh Dr Foster ?
— Oui Anna ?
— Je voulais savoir... enfin... Tout va bien entre vous et le Dr Lightman ?
— Bien sûr ! »
La psychologue venait de répondre à cette question un peu trop rapidement au goût de la réceptionniste. Au fil des jours, Anna avait appris quelques petites leçons de langage verbal et non-verbal aux côtés des meilleurs experts dans le domaine. Elle dissimula un sourire quand sa patronne lui demanda la raison de cette question.
« Oh pour rien... Je pensais que... non laissez tomber. »
La réceptionniste se racla la gorge et retourna à la contemplation de l'écran de son ordinateur. Gillian jeta un regard suspicieux à Anna puis rejoignit son bureau sans autres questions.
« Et dire qu'on les surnommes les pros du mensonge », soupira Anna, en oscillant de la tête en signe de désolation.
Un peu plus tard, Cal et Gillian s'étaient retrouvés comme prévu dans le cube lumineux en compagnie de leur suspect et de l'agent Benjamin Reynolds qui collaborait à titre exceptionnel sur cette affaire.
« Alors Madame... commença à dire Reynolds, en lisant un dossier qu'il tenait entre ses mains avant d'ajouter :
« Jones ! »
La femme en question eut une expression de dégoût qui ne manqua pas au regard averti de Cal. Celui-ci était adossé contre une des parois du cube et demanda avec un mince sourire :
« Votre nom ne vous plaît pas Madame Jones ?
— J'ai récemment divorcé. J'ai donc repris mon nom de jeune fille, Simmons, Judith Simmons.
— Bien, dans ce cas Mme Simmons, corrigea Ben, vous travaillez pour M. Davis depuis cinq ans dans son entreprise de Marketing. C'est exact ?
— En effet.
— Je vois qu'il vous a promu récemment au poste de dirigeante manager ?
— Oui... » dit-elle, en crispant légèrement sa mâchoire.
Au même moment, Eli et Ria se tenaient à l'extérieur du cube et observaient l'interrogatoire avec beaucoup d'attention. À l'aide de logiciels et de leur talent naturel, ils disséquèrent chaque détail qui pouvait aider les deux experts en mensonges à affiner leur expertise.
« C'est bizarre..., souffla Ria, elle devrait plutôt ressentir de la fierté, mais étrangement je ne distingue que de la colère sur son visage...
— C'est vrai que c'est étrange, ajouta Loker, si Lightman m'offrait un jour une promotion j'crois que je sauterais de partout comme un fou ! On peut toujours rêver...»
Torres lança un regard compatissant à son collègue puis focalisa à nouveau son attention sur la scène.
« Mme Simmons, est-ce que M. Davis traite tous ses employés de manière égale ? demanda Gillian, assise aux côtés de Reynolds.
— Que voulez-vous dire ?
— Et bien, est-ce qu'il traite les femmes et les hommes de la même manière dans l'entreprise ?
— Oui ! C'est une personne qui ne fait aucune différence entre les hommes et les femmes ! Sur ce point là, je n'ai rien à redire.
— Sur ce point là..., répéta la psychologue pour elle-même.
Elle étudia le document sur la table qui la séparait avec la suspecte et enchaîna :
« Je vois que vous venez d'avoir un enfant il y a quelques mois de ça.
— Effectivement, j'ai un un enfant de six mois qui s'appelle Jason.
— N'est-ce pas un peu curieux de la part de votre patron de vous offrir une promotion juste après votre accouchement ?
— M. Davis a toujours été un homme généreux, ambitieux, travailleur et il a toute suite su que je pouvais être un bon élément dans la société.
— Que d'éloges pour le grand patron, lança Eli surpris. Généreux, ambitieux, travailleur...
— C'est sûr que ce n'est pas toi qui dirais ce genre de chose ! répliqua Torres amusée.
— Non, c'est certain...
Dans le cube, Gillian entrecroisa ses mains sur la table et signala :
« Je vois que vous éprouvez une grande admiration pour cet homme.
— C'est vrai, c'est un très bon patron.
— Connaissiez-vous sa femme ?
— Hum... J'ai dû la croiser une ou deux fois lors des soirées mondaines que l'entreprise organisait pour récolter des fonds et rencontrer de nouveaux investisseurs.
— Pouvez-vous me la décrire rapidement, comment vous apparaissait-elle à vos yeux?
— C'était une belle femme, elle semblait sûre d'elle, elle arborait toujours un grand sourire » déblatéra Judith.
Elle venait de dévier son regard de quelques secondes comme pour retrouver de lointain souvenirs dans sa mémoire.
« Pouvez-vous nous dire si elle vous semblait proche de son mari?
— Oui, assura-t-elle avec une grimace, en fixant la psychologue dans les yeux. Ils étaient ensemble pendant les soirées organisées et M. Davis s'assurait toujours que sa femme ne s'ennuyait pas.
— Quel homme prévenant ! s'exclama Cal, en se détachant de la vitre opaque pour se rapprocher de Mme Simmons avec les deux mains dans les poches de son jean. Non c'est vrai. Il semble être un homme tout à fait charmant. La quarantaine, PDG d'une grande entreprise, bel homme. » dit-il en appuyant chacun de ses arguments par un geste de la main. « On pourrait dire que c'est un homme qui ne laisse pas indifférent la gente féminine. N'est-ce pas Mme Jones? »
Judith émit une nouvelle expression de dégoût. La voyant faire, Cal s'empressa de répliquer faussement désolé : « Oh oui ! C'est vrai, excusez-moi. J'avais oublié, vous avez divorcé ! C'est même amusant... mais vous me faites penser à mon ex-femme. À chaque fois qu'on l'appelait Mme Lightman, elle faisait la même grimace que vous! Et j'en viens à me demander qu'il est étrange que vous ayez divorcé peu de temps après la naissance de vôtre fils... Jason c'est ça ?
— On ne s'entendait plus, cela arrive dans les couples.
— Oh oui sûrement ! Je ne vous contredirai pas sur ce point là. »
À cette phrase, Gillian baissa légèrement sa tête alors que Cal continua son discours : « Mais pour en arriver au divorce, je ne pense pas qu'il s'agissait d'une simple histoire de qui devait faire la vaisselle. Du moins, je l'espère sinon on serait tous célibataire... J'ai moi-même divorcé car j'avais appris que ma femme me trompait, mentit-il pour voir sa réaction. Celle-ci ne tarda pas. Simmons croisa ses bras contre son corps dans un parfait mutisme.
« Je vois que nous partageons la même expérience, dit-il avec un sourire. Lorsqu'on vous a parlé de la relation entre Monsieur et Mme Davis vous sembliez presque dégoûtée de ce bonheur qu'ils affichaient en public.
— C'est faux, je les trouve très bien ensemble, répliqua-t-elle, alors qu'elle se toucha l'oreille droite.
— En effet... ce que vous dites est faux ! Vous n'aimiez pas les voir ensemble. Et ce que j'aimerais comprendre, c'est pourquoi?
— Je... J'ai entendu des bruits de couloirs.
— Et que disaient-ils ? réclama Reynolds intrigué.
— Certaines personnes disaient... que Mme Davis n'était pas tout à fait honnête vis-à-vis des engagements qu'elle avait prononcés en se mariant.
— Honnêteté et fidélité pour le meilleur et pour le pire, récita Cal avec un léger rictus.
Gillian posa un coude sur la table en masquant une partie de son visage avec une main.
« Mme Davis trompait son mari, conclut Ben interloqué.
— Oui et il paraît qu'il était au courant » avoua Judith.
Surpris par cette révélation, les enquêteurs s'échangèrent des regards circonspects.
À SUIVRE...
« C'était une bonne idée d'avoir fait cette sortie tous les quatre ! On devrait remettre ça. Qu'est-ce que tu en penses Cal ? »
D'un simple murmure, le concerné approuva les dires de la jeune femme blonde qui marchait à son bras.
« Morgan a raison ! Ce fut une très belle soirée et le choix du restaurant Italien était judicieux. Tu as aimé Gillian ? » l'interrogea un homme aux cheveux grisonnant, en passant un bras possessif autour de la taille de la psychologue.
« Oui c'était délicieux, dit-elle d'un souffle, sa tête reposant contre l'épaule de son compagnon.
— Vous avez eu une bonne idée Cal ! ajouta l'homme avec un sourire, en s'arrêtant dans ses pas avec la psychologue pour vérifier l'heure sur sa montre. « On devrait rentrer, je me lève tôt demain. Chérie ? »
Sollicitée, Gillian tourna son regard sur le visage souriant de son compagnon et répondit :
« C'est vrai, il commence à se faire tard...»
L'homme aux cheveux poivre et sel se plaça sur le bord du trottoir et héla un taxi pour que celui-ci s'arrête à leurs pieds.
« Bon et bien, encore merci pour cette invitation Cal. »
Le partenaire de Gillian tendit une main à Cal qui la regarda avec peu d'entrain. L'expert en mensonge fit tout de même bonne figure et l'empoigna pour la serrer de manière presque fuyante.
« De rien, ce fut un plaisir... Oliver ! lança Cal, avec un mépris à peine perceptible.
Le dénommé Oliver décocha un dernier sourire à Cal puis s'approcha de Morgan pour lui souhaiter une bonne soirée. Au même moment, Cal ancra son regard impassible dans celui embarrassé de sa meilleure amie. Cet échange ne dura qu'un bref instant lorsque Oliver le brisa en déclarant : « On y va Gilly ? »
Cal ne put refréner une mine de dégoût à ce surnom et détourna son regard lorsque Oliver embrassa la psychologue sur la bouche. Oliver entra dans le véhicule et Gillian signala à son ami qu'il se verrait dès demain au travail. Les mains dans les poches, il hocha simplement sa tête en voyant la psychologue lui offrir un léger sourire avant de rentrer dans le taxi. La voiture démarra. Cal la regarda s'éloigner dans le lointain d'un air particulièrement songeur.
« Hey ça va ? »
Morgan venait de poser une main affectueuse sur le bras de Cal. D'une petite moue, il passa son bras autour des épaules de la jeune femme et la poussa à rejoindre sa voiture stationnée un peu plus loin.
« Tu dors chez moi ce soir ? »
Il venait habillement de changer de conversation.
« Et bien cela dépend du programme, lança-t-elle avec un air séducteur.
— Je crois qu'il promet d'être très intéressant, répondit-il, sur un ton mystérieux.
— Ah et bien s'il est "très intéressant", je suppose que cela est un bon argument pour rester chez toi !
— Ça l'est ! »
Il embrassa le cou de sa petite-amie qui gloussa à cette attaque charnelle.
Le soleil se leva tout doucement sur la ville de Washington. La lueur orangée de ses rayons percèrent les interstices d'un store et éclaira certaines parties encore enténébrées de sa chambre à coucher. Étendu dans son lit, Cal fixait depuis de longues minutes son réveil sans le moindre battement de paupières. Il attendit que celui-ci affiche sept heure du matin pour désactiver la sonnerie de l'appareil à la seconde près. Il poussa un long soupir puis se redressa en se passant une main lasse sur le visage.
« Quelle heure est-il ? » s'éleva une voix ensommeillée.
Cal regarda la jeune femme dénudée qui partageait son lit à ses côtés.
« Sept heure, tu peux te rendormir...
— Tu vas partir travailler ? demanda-t-elle, les yeux toujours clos.
— Ouais...»
Le dos endolori, il se leva avec une légère grimace pour se diriger dans la salle de bains qui se situait dans une pièce adjacente à celle de sa chambre. Morgan le regarda faire et lui demanda : « Tu veux qu'on fasse quelque chose en particulier ce soir ?
— J'sais pas... J'pense que je rentrerais tard. J'ai encore pas mal de boulot avec le dossier Davis, répondit Cal, de la salle de bains.
— Cal... Ça va faire plus d'une semaine que tu me dis ça ! Le seul moment où nous sommes sortis, c'était hier soir avec Gillian et Oliver. »
Pas de réponse. Elle l'interpella une nouvelle fois.
« Oui je sais, je me rattraperai Morgan, soupira-t-il.
— Hmm... Au fait, tu ne trouves pas que Oliver et Gillian forme un joli petit couple ? »
Il ne répondit pas. Elle semblait être encore la seule à faire la conversation.
« Moi si ! dit-elle. Je trouve que cet homme est parfait pour Gillian. Toi qui t'inquiétais pour elle, te voilà rassuré. »
Penché sur le lavabo, Cal fixa son reflet dans le miroir d'un air maussade puis baissa sa tête de dépit.
« Cal ? Tu as entendu ce que je t'ai dit ? »
L'expert en mensonge laissa passer quelques secondes avant de lui répondre qu'elle l'avait parfaitement entendu. Il ouvrit le robinet, laissa couler l'eau froide et s'en aspergea le visage avant de le refermer. Il attrapa une serviette, épongea son visage ruisselant et jeta un dernier regard acerbe à son reflet en jetant rageusement sa serviette sur le côté. Après s'être préparé, il quitta la salle de bains pour se rendre au rez-de-chaussée et boire une tasse de thé avant de partir travailler.
Une heure plus tard, Cal fut dans les bureaux du Lightman Group et discuta avec Anna, sa réceptionniste, sur l'affaire de l'épouse Davis qui avait été tuée dans les locaux de l'entreprise de son mari. C'est alors qu'il dû interrompre leur conversation lorsque l'employée salua Gillian qui venait de faire son apparition. La psychologue salua ensuite Cal sur une inflexion de voix des plus détachée. Occupé à lire un document, il tourna sa tête à demi et la salua avec le même entrain. Après ces brèves salutations, Cal retourna à sa lecture et déclara sur un ton neutre : « J'vais dans mon bureau régler trois détails avant l'interrogatoire de Mme Jones, on se voit tout à l'heure dans le cube.
— Bien.
Cal s'en alla en laissant les deux femmes entre elles. Gillian s'apprêta à faire de même lorsqu'Anna l'arrêta sur place avec un air soucieux :
« Euh Dr Foster ?
— Oui Anna ?
— Je voulais savoir... enfin... Tout va bien entre vous et le Dr Lightman ?
— Bien sûr ! »
La psychologue venait de répondre à cette question un peu trop rapidement au goût de la réceptionniste. Au fil des jours, Anna avait appris quelques petites leçons de langage verbal et non-verbal aux côtés des meilleurs experts dans le domaine. Elle dissimula un sourire quand sa patronne lui demanda la raison de cette question.
« Oh pour rien... Je pensais que... non laissez tomber. »
La réceptionniste se racla la gorge et retourna à la contemplation de l'écran de son ordinateur. Gillian jeta un regard suspicieux à Anna puis rejoignit son bureau sans autres questions.
« Et dire qu'on les surnommes les pros du mensonge », soupira Anna, en oscillant de la tête en signe de désolation.
Un peu plus tard, Cal et Gillian s'étaient retrouvés comme prévu dans le cube lumineux en compagnie de leur suspect et de l'agent Benjamin Reynolds qui collaborait à titre exceptionnel sur cette affaire.
« Alors Madame... commença à dire Reynolds, en lisant un dossier qu'il tenait entre ses mains avant d'ajouter :
« Jones ! »
La femme en question eut une expression de dégoût qui ne manqua pas au regard averti de Cal. Celui-ci était adossé contre une des parois du cube et demanda avec un mince sourire :
« Votre nom ne vous plaît pas Madame Jones ?
— J'ai récemment divorcé. J'ai donc repris mon nom de jeune fille, Simmons, Judith Simmons.
— Bien, dans ce cas Mme Simmons, corrigea Ben, vous travaillez pour M. Davis depuis cinq ans dans son entreprise de Marketing. C'est exact ?
— En effet.
— Je vois qu'il vous a promu récemment au poste de dirigeante manager ?
— Oui... » dit-elle, en crispant légèrement sa mâchoire.
Au même moment, Eli et Ria se tenaient à l'extérieur du cube et observaient l'interrogatoire avec beaucoup d'attention. À l'aide de logiciels et de leur talent naturel, ils disséquèrent chaque détail qui pouvait aider les deux experts en mensonges à affiner leur expertise.
« C'est bizarre..., souffla Ria, elle devrait plutôt ressentir de la fierté, mais étrangement je ne distingue que de la colère sur son visage...
— C'est vrai que c'est étrange, ajouta Loker, si Lightman m'offrait un jour une promotion j'crois que je sauterais de partout comme un fou ! On peut toujours rêver...»
Torres lança un regard compatissant à son collègue puis focalisa à nouveau son attention sur la scène.
« Mme Simmons, est-ce que M. Davis traite tous ses employés de manière égale ? demanda Gillian, assise aux côtés de Reynolds.
— Que voulez-vous dire ?
— Et bien, est-ce qu'il traite les femmes et les hommes de la même manière dans l'entreprise ?
— Oui ! C'est une personne qui ne fait aucune différence entre les hommes et les femmes ! Sur ce point là, je n'ai rien à redire.
— Sur ce point là..., répéta la psychologue pour elle-même.
Elle étudia le document sur la table qui la séparait avec la suspecte et enchaîna :
« Je vois que vous venez d'avoir un enfant il y a quelques mois de ça.
— Effectivement, j'ai un un enfant de six mois qui s'appelle Jason.
— N'est-ce pas un peu curieux de la part de votre patron de vous offrir une promotion juste après votre accouchement ?
— M. Davis a toujours été un homme généreux, ambitieux, travailleur et il a toute suite su que je pouvais être un bon élément dans la société.
— Que d'éloges pour le grand patron, lança Eli surpris. Généreux, ambitieux, travailleur...
— C'est sûr que ce n'est pas toi qui dirais ce genre de chose ! répliqua Torres amusée.
— Non, c'est certain...
Dans le cube, Gillian entrecroisa ses mains sur la table et signala :
« Je vois que vous éprouvez une grande admiration pour cet homme.
— C'est vrai, c'est un très bon patron.
— Connaissiez-vous sa femme ?
— Hum... J'ai dû la croiser une ou deux fois lors des soirées mondaines que l'entreprise organisait pour récolter des fonds et rencontrer de nouveaux investisseurs.
— Pouvez-vous me la décrire rapidement, comment vous apparaissait-elle à vos yeux?
— C'était une belle femme, elle semblait sûre d'elle, elle arborait toujours un grand sourire » déblatéra Judith.
Elle venait de dévier son regard de quelques secondes comme pour retrouver de lointain souvenirs dans sa mémoire.
« Pouvez-vous nous dire si elle vous semblait proche de son mari?
— Oui, assura-t-elle avec une grimace, en fixant la psychologue dans les yeux. Ils étaient ensemble pendant les soirées organisées et M. Davis s'assurait toujours que sa femme ne s'ennuyait pas.
— Quel homme prévenant ! s'exclama Cal, en se détachant de la vitre opaque pour se rapprocher de Mme Simmons avec les deux mains dans les poches de son jean. Non c'est vrai. Il semble être un homme tout à fait charmant. La quarantaine, PDG d'une grande entreprise, bel homme. » dit-il en appuyant chacun de ses arguments par un geste de la main. « On pourrait dire que c'est un homme qui ne laisse pas indifférent la gente féminine. N'est-ce pas Mme Jones? »
Judith émit une nouvelle expression de dégoût. La voyant faire, Cal s'empressa de répliquer faussement désolé : « Oh oui ! C'est vrai, excusez-moi. J'avais oublié, vous avez divorcé ! C'est même amusant... mais vous me faites penser à mon ex-femme. À chaque fois qu'on l'appelait Mme Lightman, elle faisait la même grimace que vous! Et j'en viens à me demander qu'il est étrange que vous ayez divorcé peu de temps après la naissance de vôtre fils... Jason c'est ça ?
— On ne s'entendait plus, cela arrive dans les couples.
— Oh oui sûrement ! Je ne vous contredirai pas sur ce point là. »
À cette phrase, Gillian baissa légèrement sa tête alors que Cal continua son discours : « Mais pour en arriver au divorce, je ne pense pas qu'il s'agissait d'une simple histoire de qui devait faire la vaisselle. Du moins, je l'espère sinon on serait tous célibataire... J'ai moi-même divorcé car j'avais appris que ma femme me trompait, mentit-il pour voir sa réaction. Celle-ci ne tarda pas. Simmons croisa ses bras contre son corps dans un parfait mutisme.
« Je vois que nous partageons la même expérience, dit-il avec un sourire. Lorsqu'on vous a parlé de la relation entre Monsieur et Mme Davis vous sembliez presque dégoûtée de ce bonheur qu'ils affichaient en public.
— C'est faux, je les trouve très bien ensemble, répliqua-t-elle, alors qu'elle se toucha l'oreille droite.
— En effet... ce que vous dites est faux ! Vous n'aimiez pas les voir ensemble. Et ce que j'aimerais comprendre, c'est pourquoi?
— Je... J'ai entendu des bruits de couloirs.
— Et que disaient-ils ? réclama Reynolds intrigué.
— Certaines personnes disaient... que Mme Davis n'était pas tout à fait honnête vis-à-vis des engagements qu'elle avait prononcés en se mariant.
— Honnêteté et fidélité pour le meilleur et pour le pire, récita Cal avec un léger rictus.
Gillian posa un coude sur la table en masquant une partie de son visage avec une main.
« Mme Davis trompait son mari, conclut Ben interloqué.
— Oui et il paraît qu'il était au courant » avoua Judith.
Surpris par cette révélation, les enquêteurs s'échangèrent des regards circonspects.
À SUIVRE...